Le Québec ne sera pas l’eldorado de l’hydrogène

Le Québec ne sera pas l’eldorado nord-américain de la production d’hydrogène vert. Dans sa Stratégie sur l’hydrogène et les bioénergies publiée mercredi, le gouvernement mise sur les secteurs « plus matures » des bioénergies, produites à partir de matières organiques, dans lesquels il compte injecter près d’un milliard de dollars d’ici 2026.
« L’hydrogène vert, on ne va pas exporter ça », lâche Jonatan Julien, ministre des Ressources naturelles, en entrevue au Devoir dans le cadre du dévoilement de la stratégie, dont la publication, très attendue, a été retardée à quelques reprises au cours de la dernière année.
« Le gouvernement n’a pas l’intention de prendre l’hydroélectricité — avec les tarifs préférentiels qu’on a — pour produire de l’hydrogène vert et aller décarboner les voisins. Ce qu’on veut, c’est décarboner le Québec », explique-t-il.
Une position qui détonne par rapport à celle du premier ministre, qui, au retour de la COP26, cet automne, annonçait des investissements considérables qui serviraient à attirer les producteurs dans la province.
Faute de devenir un pôle de production, le Québec compte néanmoins « se positionner comme un leader en expertise », dit M. Julien.
Le gouvernement n’a pas l’intention de prendre l’hydroélectricité — avec les tarifs préférentiels qu’on a — pour produire de l’hydrogène vert et aller décarboner les voisins. Ce qu’on veut, c’est décarboner le Québec.
Le gouvernement de François Legault n’écarte pas la possibilité d’investir davantage dans la filière au fil des ans si elle se révèle plus prometteuse, moins onéreuse et moins énergivore.
Si tel était le cas, dit le ministre, le programme Écoperformance « a des sommes importantes qui pourraient éventuellement servir au [soutien] de la filière de l’hydrogène ».
Écosystème à bâtir
Du coup, dans la stratégie du gouvernement, ce sont les bioénergies qui obtiennent la part du lion. Ces énergies sont produites à partir de matières organiques telles que les résidus forestiers ou agricoles ou les matières compostables provenant des municipalités ou des commerces.
Sur les 1,17 milliard de dollars qui seront injectés pour développer ces filières au cours des cinq prochaines années — entre 2021 et 2026 —, ce sont environ 950 millions qui seront destinés aux bioénergies, alors que 250 millions iront à l’hydrogène.

Pourquoi privilégier les bioénergies ? Ce sont des secteurs « beaucoup plus matures. Donc on peut investir en amont pour aider des entreprises à en produire, et cela, à court terme », répond M. Julien.
Pour favoriser l’essor de ces industries, le gouvernement veut mettre sur pied un écosystème.
Pour ce faire, 90 % des sommes qu’il investit (1,05 milliard) iront à l’élaboration d’un environnement d’affaires, dont 700 millions à de nouvelles infrastructures. Ce sont 125 millions qui iront à la recherche et à l’innovation, et 5 millions à leur promotion.
Des objectifs « audacieux »
Le gouvernement compte sur les investissements privés pour le développement de ces filières. La concrétisation des projets nécessaires à leur déploiement commandera des investissements publics et privés pouvant atteindre près de 10 milliards de dollars au cours des prochaines années, selon les estimations du gouvernement.
Le déploiement des filières des bioénergies et de l’hydrogène pourrait d’ici 2030 engendrer une réduction de plus de quatre millions de tonnes d’équivalent CO2 par année, d’après Québec, ce qui représente 13 % des réductions nécessaires à l’atteinte des objectifs pour 2030.
Toujours selon les estimations du gouvernement, ces avenues énergétiques pourraient réduire la consommation de produits pétroliers de près d’un milliard de litres chaque année, soit 16 % de la cible de réduction relative à l’usage de produits pétroliers en 2030.
« Il faut toujours chercher l’approche la plus efficace : les ressources sont limitées et les objectifs sont audacieux. Qu’est-ce qui est le plus efficace ? Et la réponse : c’est cette stratégie », explique M. Julien.