La Réserve fédérale ne bouge pas

La Réserve fédérale a décidé hier de ne pas modifier le taux sur les prêts interbancaires, mais elle juge maintenant que la balance des risques penche vers un état de faiblesse économique, orientation susceptible en théorie d'annoncer de nouvelles baisses des taux à l'avenir.
Le Comité de politique monétaire (FOMC) de la Fed a donc décidé à l'unanimité de maintenir le taux sur les prêts interbancaires à 1,75 %, soit au plus bas depuis quatre décennies.En réaction, le principal indice de la Bourse de Toronto, le S&P/TSX, a cédé 42,46 points, soit 0,7 %, pour clôturer à 6528,98 points. Sept des dix sous-groupes du TSX ont clôturé la séance d'hier en baisse, menés par une glissade de 2,7 % du secteur industriel, et une autre de près de 1 % de celui des titres financiers.
En revanche le dollar canadien, déjà soutenu par l'écart entre les taux de court terme canadien et américain, a bénéficié de ce discours mettant l'emphase sur le contraste entre l'activité économique des deux côtés de la frontière, et il a bondi de 38 centièmes, à 63,91 cents américains.
Les marchés boursiers américains ont eux aussi mal digéré le statu quo monétaire. L'indice Dow Jones s'est replié de 206,50 points, soit 2,4 %, à 8482,39 points et le Nasdaq, de 37,57 points, soit 2,9 %, à 1269,27 points. L'indice S&P 500 a perdu 19,59 points, soit 2,2 %, à 884,21 points.
Le FOMC juge que la situation économique est en danger de détérioration «dans un avenir prévisible», un changement d'orientation qui pourrait impliquer que la banque centrale serait prête à réduire les taux dans les mois qui viennent si ces perspectives se vérifiaient.
«Le tassement de la croissance de la demande survenu au printemps a été prolongé dans une grande mesure par la faiblesse des marchés financiers et par les incertitudes toujours plus grandes liées aux problèmes de communication financière et de gouvernement des entreprises», précise la banque centrale dans le communiqué expliquant sa décision.
Pour autant, la Fed ne noircit pas le tableau outre mesure. «La position accommodante de la politique monétaire actuelle, combinée avec une croissance de fond qui reste robuste au niveau de la productivité, devrait être suffisante pour améliorer le climat des affaires», observe-t-elle.
La Fed a renoué hier avec son diagnostic du risque de faiblesse économique, qu'elle avait abandonné en mars pour juger alors que les risques étaient également partagés entre une détérioration de la conjoncture et au contraire un redressement de la croissance susceptible d'être inflationniste.
La croissance économique a fortement ralenti au deuxième trimestre, avec une progression annuelle du PIB de 1,1 % contre 5 % au trimestre précédent. L'investissement des entreprises tout autant que les embauches ont été timides en juillet, amenant bon nombre de conjoncturistes à prédire une nouvelle baisse des taux de la part de la Fed d'ici la fin de l'année.
Dans les faits, les statistiques économiques n'aident pas à se faire une idée claire de la situation économique. Ainsi, il n'y a eu que 6000 créations d'emplois en juillet, indicateur de mauvais augure pour la consommation des ménages. Pourtant, les ventes au détail ont encore augmenté en juillet, de 1,2 %, à la faveur de solides ventes d'automobiles nourries à grands coups de promotions.
Par ces quelques mots, les banquiers centraux américains ont fait pencher vers davantage de pessimisme ce que les marchés financiers appellent le «biais». Celui-ci traduit l'opinion de la banque centrale sur les perspectives d'évolution de l'économie. Il était, avant la réunion d'hier, considéré comme «neutre», c'est-à-dire équilibré entre les risques d'affaiblissement de l'économie et ceux de reprise de l'inflation.
Les 12 membres du Comité monétaire, qui siégeaient pour la première fois hier au complet depuis plus de quatre ans (à l'exception d'une brève période en décembre dernier), ont été unanimes pour laisser inchangés le taux interbancaire à 1,75 % et le taux d'escompte à 1,25 %.
Ces taux sont actuellement au plus bas depuis 40 ans et n'ont pas bougé depuis décembre après avoir été réduits à 11 reprises l'année dernière.
Sous la direction d'Alan Greenspan, les 12 membres du comité ont également reconnu que «le ralentissement de la croissance de la demande qui est apparu au printemps a été prolongé dans une large mesure par la faiblesse des marchés financiers et a encore été accentué par les incertitudes liées aux problèmes de comptabilité et de gouvernement d'entreprise». Le FOMC n'avait pas fait allusion à la fin juin aux scandales qui bouleversent actuellement la vie économie américaine et dont la multiplication pèse sur les marchés financiers et les investisseurs.