La politique zéro COVID en Chine menace d'aggraver l’inflation dans le monde

Les politiques sanitaires en Chine menacent d’aggraver le problème d’inflation dans le reste du monde. À moins que l’effet contraire ne se produise.
L’inflation se maintient près de son record des 40 dernières années aux États-Unis, avec une croissance en un an du coût de la vie de 8,3 % au mois d’avril, a-t-on appris mercredi. Les nouveaux chiffres pour le Canada sont prévus la semaine prochaine. Et on ne s’attend pas, ici non plus, à ce que la mesure ait beaucoup bougé par rapport à la hausse, sur 12 mois, de 6,7 % de l’indice des prix à la consommation observé en mars, un sommet en plus de 30 ans.
On aurait pu espérer que ce phénomène mondial, censé, selon les banques centrales, être « transitoire », commencerait à se tasser avec le retour à une économie plus normale et parce que la situation à laquelle on se compare, il y a 12 mois, correspond de moins en moins à une période où l’économie était encore profondément marquée par les stigmates de la pandémie de COVID-19. Mais non. De nouveaux facteurs conjoncturels aggravants ne cessent de s’ajouter, à commencer par l’invasion de l’Ukraine par la Russie, qui est notamment venue bouleverser les marchés de l’énergie et de l’alimentation.
Et puis, il y a cette recrudescence de la pandémie en Chine qui y a convaincu, il y a presque deux mois, les autorités à mettre en place des mesures de lutte et de confinement extrêmement sévères dans l’espoir de revenir à leur cible de zéro COVID. On a surtout parlé du cas de Pékin et de Shanghai, mais les mesures de confinement total ou partiel ont touché 30 des 31 provinces et grands centres urbains du pays, relevait la semaine dernière le Wall Street Journal.
Comptant pour 15 % des exportations mondiales de biens et presque 30 % de l’ensemble de la production manufacturière, la Chine est au cœur de ces fameuses chaînes d’approvisionnement dont les difficultés à répondre à la demande mondiale étaient déjà l’une des importantes causes de la montée de l’inflation des derniers mois. Prises avec des travailleurs en confinement à la maison et incapables de trouver des chauffeurs et des camions de livraison, 85 % des entreprises situées à Shanghai ont rapporté avoir du mal à accéder aux matières premières et aux composants nécessaires à la production, ainsi qu’à livrer leurs produits finis en Chine ou dans le reste du monde, rapportait la semaine dernière Les Échos.
Panne des exportations
La chute prononcée, de 14,7 % à seulement 3,9 %, de la croissance du volume des exportations chinoises au mois dernier rapporté lundi semblait une conséquence directe de ce nouveau casse-tête logistique. Elle arrive alors que les livraisons de la Chine vers la côte ouest nord-américaine accusaient déjà des délais d’attente deux fois plus longs et un coût six fois plus élevé qu’avant la pandémie, a rappelé mardi l’agence de notation Fitch.
Mais le reste du monde n’a encore rien vu, préviennent les experts. La masse de biens que les usines chinoises n’arrivent pas à produire aujourd’hui ne devrait pas arriver sur les tablettes des magasins nord-américains ou européens avant la rentrée scolaire, et même le prochain temps des Fêtes. C’est surtout à ce moment que leur absence risque de se faire sentir sur le niveau des prix. Inquiet, le président américain, Joe Biden, envisage même une levée des droits de douane imposés par son prédécesseur, Donald Trump, sur des produits chinois afin de réduire leurs prix pour les consommateurs aux États-Unis, a rapporté l’Agence France-Presse mardi.
Mais la principale raison du coup de frein dans les exportations de la Chine au mois de mars n’était pas ses difficultés à répondre à la demande mondiale, ont fait remarquer des experts cette semaine dans le Financial Times. C’est surtout que la demande étrangère pour les biens chinois a été plus faible parce que les consommateurs, avec l’allégement des mesures sanitaires, ne sont plus contraints d’acheter que des ordinateurs, des vélos ou des appareils électroniques ; ils se remettent à aller au restaurant, à voir des spectacles ou à voyager. C’est aussi parce que la forte hausse des prix a entamé leur capacité de dépenser en plus d’inciter leurs banques centrales à s’engager dans un relèvement accéléré des taux d’intérêt.
Un effet aussi à la baisse
En fait, la politique sanitaire chinoise pourrait bien ne pas seulement exercer une pression à la hausse sur les prix mondiaux, mais aussi faire le contraire. C’est que les exportations chinoises n’occupent pas seulement une place importante dans l’économie des autres pays. Elles sont également l’un des principaux moteurs économiques sur lesquels compte la Chine depuis la remise en cause des fondements de son secteur immobilier, au même titre que sa consommation intérieure, elle aussi durement touchée par les règles de confinement strictes.
Il n’est pas étonnant, dans ce contexte, que de moins en moins d’observateurs croient que le régime chinois parviendra à atteindre son objectif de croissance économique de 5,5 % cette année, et que certains pensent même qu’elle pourrait tomber aussi bas qu’elle l’avait fait en 2020, à seulement 2,3 %, a rapporté mercredi le Financial Times. Or, la Chine comptait l’an dernier pour un peu plus de 18 % de l’économie mondiale, selon le Fonds monétaire international, derrière les États-Unis (24 %), mais tout juste devant l’ensemble des pays de l’Union européenne (17,7 %). Si son économie se met à tourner au ralenti, la demande et les prix mondiaux pourraient bien s’en retrouver plombés.
On vient d’ailleurs peut-être bien d’en avoir eu un aperçu. À la fin de la semaine dernière, le président chinois, Xi Jinping, a réaffirmé son intention de maintenir ses mesures sanitaires draconiennes et de « combattre résolument toute parole et tout acte qui déforme, interroge ou remet en question » ces mesures, rapportait Le Monde. « Persévérer, c’est vaincre », a-t-il asséné, reprenant à son compte une célèbre formule de Mao Zedong. Loin d’être rassurés, les marchés ont réagi à la nouvelle, lundi, en faisant chuter les Bourses, de même que les cours pétroliers.