Montréal veut attirer les touristes en télétravail

Philippe Pelletier et Marie-Pier Tessier  De L’Étoile,  cofondateurs  d’Aire commune
Valérian Mazataud Le Devoir Philippe Pelletier et Marie-Pier Tessier De L’Étoile, cofondateurs d’Aire commune

La pandémie a donné un élan aux vacances en télétravail, souvent dans des lieux paradisiaques au bord de la mer ou dans la nature. Des touristes peuvent-ils être intéressés par la métropole québécoise pour ce type de séjour ? C’est ce que croit Tourisme Montréal, qui donne son appui à des projets de l’entreprise Aire commune pour développer une offre s’adressant aux nomades numériques.

Du 13 juin au 14 octobre, une terrasse extérieure accueillera des travailleurs et leurs ordinateurs sur l’Esplanade Place Ville Marie, au cœur du centre-ville. Deux conteneurs vitrés seront transformés en salles de réunion qui pourront être réservées par des groupes.

Cet espace public s’ajoute aux nombreux lieux de travail et de socialisation éphémères aménagés depuis quelques années par Aire commune, notamment dans le District Central, à Lachine, dans le Mile-End et dans le Vieux-Port. L’entreprise doublera également son réseau d’îlots d’été, des emplacements couverts, en bois, équipés de wifi et de prises électriques, disséminés dans plusieurs quartiers.

« Notre vision est de couvrir Montréal de greendesking », lance la directrice générale d’Aire commune, Marie-Pier Tessier De L’Étoile.

À première vue, cette offre s’adresse aux Montréalais. Mais cette année, les voyageurs sont aussi ciblés. Aire commune a même développé des partenariats avec une dizaine d’hôtels pour proposer des rabais et des parcours de bonnes adresses destinés aux télétravailleurs venus d’ailleurs.

« Il y a non seulement nos espaces de greendesking, mais les meilleurs cafés où travailler, les plus belles terrasses pour faire une réunion. Certains endroits proposeront un petit quelque chose, comme un café gratuit, à ceux qui auront réservé un forfait », décrit Mme Tessier De L’Étoile.

Tourisme Montréal, qui a financé en partie ces projets, souhaite faire de Montréal une plaque tournante du « tourisme nomade ». « Ce tourisme d’agrément conjugué au tourisme d’affaires, ça permet de faire des séjours beaucoup plus longs, de faire connaître notre esprit, notre culture », plaide Manuela Goya, vice-présidente au développement de la destination et affaires publiques.

Comme les touristes souhaiteraient de plus en plus « vivre comme des Montréalais », Tourisme Montréal veut miser davantage sur des projets qui plairont autant aux résidents qu’aux visiteurs. Les espaces éphémères, comme ceux d’Aire commune, mais aussi leVillage au Pied-du-Courant et les Jardins Gamelin, entre autres, sont des endroits conviviaux alliant souvent des spectacles d’artistes locaux, de la restauration et un service de bar. Ils sont un attrait « signature » de Montréal et mettent en lumière la personnalité des quartiers, selon Mme Tessier De L’Étoile.

Ça permet de faire des séjours beaucoup plus longs, de faire connaître notre esprit, notre culture

« Ça prend des ingrédients magiques. Il faut d’abord de l’espace libre dans des quartiers centraux. Dans certaines villes comme Toronto, les tours de condos poussent tellement vite qu’il n’y a pas de terrains vagues. De plus, à Montréal, dès qu’il fait un peu beau, les gens veulent se réunir dehors, ce qui rend ces espaces éphémères très populaires », explique-t-elle. Cette dernière constate d’ailleurs que certaines visites guidées dans la métropole passent par les installations d’Aire commune.

Une tendance à exploiter

Selon certains espaces de travail partagés du centre-ville, le phénomène des touristes télétravailleurs est encore marginal à Montréal, mais il aurait du potentiel.

Montréal Cowork, par exemple, accueille régulièrement des touristes qui se posent ici pendant deux ou trois mois, observe le fondateur, Francis Talbot. Chez Hedhofis, qui a notamment des bureaux dans le Vieux-Port, une majorité de la clientèle étrangère est dans la ville pour visiter des proches pendant quelques mois.

 

« Ce qui manque, ce sont des espaces de coworking en collaboration avec des hôtels. On s’intéresse à développer ce genre de possibilité », indique Frédéric Deshaies, président de Hedhofis.

Pour l’instant, le p.-d.g. de l’Association des hôtels du Grand Montréal « ne croit pas que les grands centres urbains soient une destination de choix pour les gens qui veulent s’évader en continuant à travailler ». « Si on trouvait une façon de développer ce tourisme, ça aiderait la relance de l’industrie hôtelière montréalaise », estime toutefois Jean-Sébastien Boudreault.

Dans cet esprit de relance du secteur hôtelier, Aire commune présentera d’ailleurs une série d’événements musicaux sur des terrasses d’hôtels, en collaboration avec le Festival international de jazz de Montréal, Osheaga et Fierté Montréal. « On veut faire connaître des lieux méconnus des Montréalais, des trésors cachés comme la terrasse de l’hôtel Humaniti, où il y a une vue imprenable sur le centre-ville », détaille Philippe Pelletier, directeur de la programmation et des relations publiques pour Aire commune.

En attendant le programme estival, des places éphémères seront très prochainement inaugurées, dont l’Esplanade Louvain, dans le secteur de la Cité de la mode, le 19 mai.

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