Le taux de pauvreté a fortement baissé au Québec au début de la pandémie

L’aide financière d’urgence des gouvernements a contribué à réduire le taux de pauvreté de presque la moitié au Québec lors de la première année de la pandémie.
La proportion des Québécois qui vivent sous le seuil de la pauvreté est passée de 8,9 % en 2019 à 4,8 % en 2020, ont constaté des experts sur la base de statistiques dévoilées à la fin du mois de mars. Toutes les provinces canadiennes ont connu une amélioration marquée cette année-là, mais pas de l’ampleur de celle observée au Québec, qui a ravi à l’Alberta le titre de province au taux de pauvreté le plus faible.
Ce résultat est d’autant plus remarquable qu’au même moment, la crise économique venait creuser les inégalités de revenus de marché, a observé en début de semaine le politologue de l’Université de Montréal Alain Noël dans un article de la revue Options politiques. Cela signifie que ce gain est attribuable à « l’effort exceptionnel de redistribution » des gouvernements.
On pense notamment à ces « programmes temporaires pas très bien ciblés » qu’ont été la Prestation canadienne d’urgence (PCU) et la Prestation canadienne de la relance économique (PCRE) du gouvernement fédéral. Mais probablement pas seulement, puisque le Québec a mieux fait que les autres, notait l’expert.
Dans ces statistiques, le taux de pauvreté correspond à la proportion de la population qui vit avec un revenu disponible inférieur à ce qu’on appelle la mesure du panier de consommation, laquelle correspond au coût d’un panier de biens et services assurant un niveau de vie de base modeste. Ce taux de pauvreté était déjà en diminution constante depuis au moins cinq ans au Québec, à la faveur, notamment, de la vigueur du marché du travail et de l’introduction d’une allocation canadienne pour enfants plus généreuse. Mais le rythme de cette diminution s’est brusquement accéléré avec le début de la pandémie de COVID-19.
« Spectaculaire », mais…
« Je n’ai jamais vu une diminution de la pauvreté aussi spectaculaire ! C’est à se demander s’il ne faudrait pas souhaiter avoir des pandémies plus souvent », a dit à la blague vendredi Guy Fréchet, professeur de sociologie à l’Université Laval et conférencier à un colloque consacré aux effets de la pandémie sur la pauvreté organisé à Montréal par l’Observatoire québécois des inégalités.
Les gains n’ont pas été de la même ampleur pour tous les groupes de la société, constate le professeur. Si le taux de pauvreté a fondu de plus de la moitié chez les familles (de 5,2 % à 1,9 %) et les moins de 18 ans (de 6,3 % à 2,3 %), le progrès a été proportionnellement deux fois plus modeste chez les personnes seules (de 24,6 % à 16,9 %).
« Tout cela, bien sûr, pourrait n’être que passager. Un feu de paille qui s’est éteint en même temps que la PCU et la PCRE. Mais est-ce que ce succès incitera les gouvernements à réexaminer la générosité des prestations actuelles du filet social ? » demande Guy Fréchet.
Ces données sur le taux de pauvreté ne disent par contre pas tout de l’effet qu’a eu la pandémie sur les Québécois les plus modestes, a souligné la chercheuse à l’Observatoire québécois des inégalités Sandy Torres lors du colloque de vendredi. « D’abord, tout le monde n’était pas admissible à la PCU », a-t-elle noté.
Dans une enquête réalisée l’été dernier auprès des 40 % les moins nantis, les deux tiers d’entre eux ont rapporté des problèmes de santé mentale, de finances personnelles ou de santé physique, notamment. Ces problèmes étaient particulièrement fréquents chez les 18-24 ans, au sein des communautés LGBTQ+, chez les personnes en situation de handicap et au sein des minorités. Un tiers a dit vivre de l’isolement.
« Nous ne sommes pas tous égaux face à l’isolement, a souligné vendredi Julie Nicolas, responsable de la recherche à l’Observatoire de l’Action communautaire autonome. C’est une chose d’être pris dans sa maison unifamiliale avec un petit jardin. C’en est une autre de l’être dans un 1½ sans balcon. »
Sur le terrain, 9 organismes communautaires sur 10 ont rapporté une augmentation des besoins en soutien psychologique et en relation d’aide, et ils étaient plus des deux tiers à constater une hausse des besoins de base (alimentation, logement, etc.). Le fait que les gouvernements, les employeurs, les écoles et un peu tout le monde s’en soient beaucoup remis aux technologies de l’information durant la pandémie n’a pas aidé les familles qui ne disposaient pas des outils et services informatiques adéquats.
Déficit de sympathie
Il n’est pas sûr que la pandémie et les retombées spectaculaires des programmes d’aide financière d’urgence convaincront l’ensemble de la population d’en faire dorénavant plus pour les plus démunis, a spécifié vendredi le professeur Normand Landry, titulaire de la Chaire de recherche en éducation aux médias et droits humains à l’Université TÉLUQ.
Avant la pandémie, il n’y avait que les politiciens qui s’attiraient moins de sympathie de la part du grand public que les personnes assistées sociales, a-t-il constaté dans ses recherches. Durant la COVID-19, les assistés sociaux aptes au travail arrivaient au 11e et dernier rang des groupes méritant de recevoir une aide de l’État, selon les Québécois, derrière les grandes entreprises.