L’IA montréalaise accusée d’exacerber la crise du logement dans Parc-Extension

Le Campus MIL de l’Université de Montréal, situé dans Parc-Extension
Photo: Getty Images Le Campus MIL de l’Université de Montréal, situé dans Parc-Extension

Montréal a été le lieu de création de la Déclaration pour un développement responsable de l’intelligence artificielle (IA). Mais comme un cordonnier mal chaussé, l’IA montréalaise a négligé de considérer son impact négatif sur son quartier d’adoption, ce qui mène des résidents à manifester jeudi contre ce qu’ils considèrent comme un important manque d’égards envers les plus fragiles.

Des locataires du quartier Parc-Extension, le collectif de cartographie anti-éviction de Parc-Extension et le Comité d’action de Parc-Extension tiendront, avec crécelles et autres accessoires sonores en main, une « action tintamarre » en matinée avant le panel d’ouverture de la conférence internationale TimeWorld qui porte sur l’intelligence artificielle et qui a lieu au Campus MIL de l’Université de Montréal, situé dans le quartier.

Les manifestants reprochent aux entreprises, aux universités et aux gouvernements d’avoir créé les conditions qui rendent ce quartier de plus en plus inabordable. Ils s’appuient notamment sur un rapport, publié le mois dernier par des chercheurs universitaires, qui détaille l’impact néfaste qu’a eu l’éclosion d’une industrie de l’intelligence artificielle principalement concentrée dans ce quadrilatère situé entre Mont-Royal à l’ouest, l’autoroute métropolitaine au nord, Villeray à l’est et Outremont au sud.

La crise du logement qui affecte Parc-Extension est la même qui touche d’autres quartiers de Montréal et d’autres villes partout en Amérique du Nord : les promoteurs immobiliers expulsent, rénovent, et louent ou revendent un logement à un prix de loin supérieur à ce qu’il était avant leur venue. Cela crée un manque non seulement de logement abordable, mais de logement social ; une carence dont souffre tout particulièrement un quartier d’immigrants comme Parc-Extension, explique la professeure en Communications à l’Université Concordia Alessandra Renzi, coauteure du rapport intitulé Digital Divides — The Impact of Montreal’s AI Ecosystems on Parc Extension : Housing, Environment and Access to Services.

« De nombreux résidents du quartier attendent leur visa pour pouvoir travailler. Ce sont des femmes et des hommes qui n’ont pas les moyens d’avoir Internet haute vitesse, ne serait-ce que pour profiter de l’innovation qui se fait dans le quartier », déplore Alessandra Renzi. La professeure estime que la stratégie du gouvernement du Québec et de la Ville de Montréal d’investir massivement dans le développement de l’IA dans la métropole échoue, en omettant d’aider les plus démunis qui s’en trouvent pénalisés. Ce ne sont pas les sociétés dont le siège social se trouve en Californie ou ailleurs sur la planète qui vont résoudre le problème, ajoute l’universitaire.

« Connexion directe »

Dans leur rapport, les auteurs sont catégoriques : « Il existe une connexion directe entre l’innovation en IA à Montréal et la crise du logement, qui est exacerbée par les entreprises de l’IA, les institutions financées par le gouvernement comme Scale AI, et l’Université de Montréal, dont la présence dans le quartier fait monter le prix des loyers et profite au développement de l’immobilier de luxe, tout en échouant à remplir sa promesse de rendre le logement étudiant plus abordable », peut-on y lire.

Rappelant la demande faite en mars dernier par l’Office de consultation publique de Montréal, qui n’exige rien de moins qu’un « Plan Marshall » contre l’embourgeoisement de Parc-Extension, les chercheurs croient que les autorités pourraient stimuler avec plus de vigueur l’implication communautaire des divers acteurs impliqués dans l’IA à Montréal.

Ce sont des femmes et des hommes qui n’ont pas les moyens d’avoir Internet haute vitesse, ne serait-ce que pour profiter de l’innovation qui se fait dans le quartier 

Il faut reconnaître les limites de l’écosystème IA et fournir un accès équitable au logement, aux commerces et aux employeurs et des bénéfices pour les groupes sociaux qui n’appartiennent pas au secteur privé, académique, entrepreneurial ou gouvernemental, écrivent-ils, en concluant : « Plutôt que de ne subventionner que des initiatives privées, les gouvernements devraient inciter la création de nouveaux projets communautaires et gérés par la collectivité […] pour que l’écosystème IA bénéficie à tous, plutôt que de perpétuer certains dommages. »

À voir en vidéo