La Fed hausse ses taux directeurs

Aux États-Unis, les entreprises, qui font face depuis des mois à des pénuries de main-d’œuvre et à des démissions massives, haussent les salaires afin d’attirer plus de candidats, mais alimentent par le fait même l’inflation.
Photo: Spencer Platt/Getty Images/AFP Aux États-Unis, les entreprises, qui font face depuis des mois à des pénuries de main-d’œuvre et à des démissions massives, haussent les salaires afin d’attirer plus de candidats, mais alimentent par le fait même l’inflation.

La banque centrale américaine (Fed) a annoncé mercredi le relèvement de ses taux directeurs d’un demi-point de pourcentage, premier tour de vis de cette ampleur depuis mai 2000, pour tenter de freiner l’inflation, qui est au plus haut depuis 40 ans.

Le comité de la politique monétaire a ainsi porté ces taux d’intérêt dans une fourchette comprise entre 0,75 % et 1 %, à l’issue d’une réunion de deux jours. Il estime en outre que « d’autres hausses seront justifiées », d’autant que la guerre en Ukraine et les nouveaux confinements en Chine aggravent la pression sur les prix et les problèmes de logistique.

En mars, la Fed avait commencé à relever ses taux, pour la première fois depuis 2018. Mais elle avait agi avec prudence en les portant dans une fourchette comprise entre 0,25 % et 0,50 %, soit une hausse de 0,25 point de pourcentage. Elle avait toutefois signalé sa volonté de procéder à six autres hausses cette année, soit autant que de réunions d’ici la fin de 2022.

Depuis, l’inflation a continué de grimper. Exacerbée par la guerre en Ukraine, elle a atteint en mars un sommet jamais vu depuis décembre 1981 : +8,5 % sur un an, selon l’indice des prix à la consommation.

Le président de la Fed, Jerome Powell, a récemment souligné qu’il était « absolument essentiel » de rétablir la stabilité des prix et de relever « rapidement » les taux. En mars, Jerome Powell avait estimé que le marché de l’emploi était à un niveau « malsain ».

En effet, le taux de chômage est proche de son niveau d’avant la pandémie (3,6 % en mars, contre 3,5 % en février 2020). Mais les entreprises font face depuis des mois à des pénuries de main-d’œuvre et à des démissions massives. Pour attirer les candidats et fidéliser leurs employés, les entreprises augmentent les salaires, ce qui a pour effet d’alimenter l’inflation.

Spectre d’une récession

Outre la hausse des taux directeurs, la Fed a annoncé qu’elle allait commencer à réduire son bilan dès le 1er juin, une autre étape majeure de la normalisation de la politique monétaire.

Le contexte international a changé depuis mars. La Fed note ainsi dans son communiqué que « l’activité économique générale a légèrement fléchi au premier trimestre » aux États-Unis. Le PIB du pays s’est même contracté de 1,4 % au premier trimestre. Mais elle estime aussi que « les dépenses des ménages et les investissements fixes des entreprises sont restés élevés ». La Fed ajoute que « les gains d’emplois ont été robustes au cours des derniers mois et [que] le taux de chômage a considérablement diminué ».

Pour l’heure, les économistes restent optimistes et écartent le spectre d’une récession, soutenant eux aussi que la consommation se maintient malgré l’inflation. Jusqu’à présent, les dirigeants de la Fed estiment toujours être en mesure de ramener l’inflation à leur objectif de 2 %.

Ils avaient signalé précédemment qu’il ne serait pas nécessaire de porter les taux à plus de 3 %, l’enjeu étant de ne pas faire caler la demande. Il s’agit, selon eux, d’une fourchette « neutre » qui ne pourra ni stimuler ni ralentir la croissance économique.

Wall Street applaudit

 

La Bourse de New York a paradoxalement fêté, en clôturant en forte hausse, l’augmentation des taux annoncée par la Fed, parce que celle-ci exclut pour l’instant un resserrement plus sévère. Selon des résultats définitifs à la clôture, l’indice Dow Jones a grimpé de 2,8 % à 34 061,06 points. Le Nasdaq, à dominante technologique, a bondi de 3,12 % à 12 964,86 points, tandis que le S&P 500 a avancé de 3 % à 4300,17 points.

« C’est la fête à Wall Street, les rendements obligataires reculent. Finalement, la Fed n’a pas été aussi “faucon” que cela », a affirmé Joe Manimbo, de Western Union. « Cela se révèle dans le fait que la Fed semble exclure un relèvement de 0,75 point de pourcentage » à l’avenir, a noté l’analyste.

Même s’il a entériné un relèvement des taux directeurs de 50 points de base comme s’y attendaient les marchés, le comité monétaire semble plus circonspect sur l’éventualité d’un resserrement plus sévère de 75 points de base, ce qui était craint par les investisseurs. Une hausse des taux de 0,75 point de pourcentage « n’est pas fermement envisagée », a indiqué Jerome Powell lors d’une conférence de presse tenue après la publication de la décision du comité.

Les taux au jour le jour sont donc fixés à un niveau entre 0,75 % et 1 %, mais d’autres hausses d’une ampleur de 0,5 point « sont sur la table pour les deux prochaines réunions », en juin et en juillet, a précisé M. Powell.

À voir en vidéo