Le salaire des maires demeure un tabou

Pierre-Yves Robert
Collaboration spéciale
«Aujourd’hui, les défis en aménagement sont plus complexes. [Les élus municipaux doivent] réfléchir à la façon de développer [le] territoire, faire des choix réfléchis en matière d’infrastructures et de planification», souligne le maire de Saint-Colomban.
Illustration: Patrik Roberge «Aujourd’hui, les défis en aménagement sont plus complexes. [Les élus municipaux doivent] réfléchir à la façon de développer [le] territoire, faire des choix réfléchis en matière d’infrastructures et de planification», souligne le maire de Saint-Colomban.

Ce texte fait partie du cahier spécial Municipalités

Entre 2002 et 2018, la municipalité de Saint-Colomban a vu sa population passer de 5000 à 18 000 habitants. Mais ce n’est pas seulement la démographie qui a explosé : les responsabilités du maire et des élus du conseil de ville également, à la grande différence de leurs salaires. Arrivé à la mairie de Saint-Colomban en 2013 en tant que conseiller municipal, Xavier-Antoine Lalande occupe le fauteuil de maire de la petite municipalité des Laurentides depuis 2017. Son expérience lui permet de témoigner du fait que la réalité du métier et des tâches qui l’accompagnent a beaucoup évolué depuis l’époque où la mairie s’occupait essentiellement « du déneigement et des collectes résiduelles ». Selon lui, il est grand temps de parler ouvertement de la rémunération des élus municipaux.

« Aujourd’hui, les défis en aménagement sont plus complexes », détaille-t-il. « On doit réfléchir à la façon de développer notre territoire, faire des choix réfléchis en matière d’infrastructures et de planification. Une municipalité qui grandit voit aussi son budget augmenter, et la rigueur financière que ça nécessite n’est pas la même entre un village et une ville. »

Un poste à temps plein

Parce que maire, « c’est un métier particulier », précise Xavier-Antoine Lalande. Il participera le 12 mai prochain à une conférence sur le thème de la rémunération, présentée lors des assises de l’UMQ. Sur ce panel, il viendra témoigner de la réalité de ce que représente le rôle d’élu : « un poste qu’on occupe 24 heures sur 24, 7 jours sur 7 ».

« Les citoyens veulent des gouvernements de proximité et autonomes, et c’est la même chose dans les conseils municipaux. On [les élus] veut se sentir responsables de nos propres décisions, qu’on a des pouvoirs parce qu’on a la légitimité de les occuper. En tant que maire, je veux m’impliquer dans la prise de décision. C’est notre responsabilité de déterminer la place qu’on veut occuper, et d’être à l’aise avec la rémunération qu’on a. »

La population l’ignore, mais dans les petites villes, le maire est souvent la personne la moins bien payée du conseil

 

L’Union des municipalités du Québec (UMQ) a récemment mandaté la firme PCI rémunération-conseil pour mettre à jour un guide de la rémunération des élus municipaux, conçu en harmonie avec les responsabilités associées au poste, la capacité financière et les caractéristiques de la municipalité.

« La population l’ignore, mais dans les petites villes, le maire est souvent la personne la moins bien payée du conseil, révèle Xavier-Antoine Lalande. C’est correct si on voit ce rôle comme un supplément de revenu, mais dans la réalité, c’est devenu un véritable poste à temps plein. Ça exige un revenu à la hauteur. »

Une augmentation des responsabilités qui n’est pas seulement liée à l’augmentation de la population, ajoute M. Lalande. Il y a des élus qui prennent des villages de 1000 personnes et qui travaillent à en améliorer la qualité de vie, sans nécessairement que cela passe par une augmentation de la population. Savoir faire en sorte que sa municipalité devienne très prisée, « ça vaut quelque chose. »

Un « frein » à la passion

Cette valeur, c’est Marc Chartrand et son équipe de PCI rémunération-conseil qui étaient mandatés pour la déterminer. Lui aussi sera du panel organisé par l’UMQ. Son travail a abouti à une grille de recommandation salariale, qui prend en compte différents critères tels que la population, la richesse foncière, la complexité des responsabilités ou encore la présence de services publics. Ensuite, ce sont aux conseils municipaux eux- mêmes de voter sur le salaire octroyé aux maires et aux élus. Le guide leur sert d’outil de base pour fixer ces rémunérations. De l’avis de M. Chartrand, il existe « une grosse sous-estimation, dans les villes de petite et moyenne taille, de ce que ça exige, le travail de maire. »

« En parlant avec l’UMQ, on a vite compris que tout ce qui a trait au développement économique et à l’environnement, ce sont des dossiers dont on parlait peu il y a une vingtaine d’années dans les mairies des petites villes, indique Marc Chartrand. Pour attirer des gens de talent, qui ont les compétences et l’envie de faire une différence, ça prend un salaire décent. Pour diversifier les conseils municipaux aussi, le salaire devient une clé. »

Car finalement, l’objectif « n’est pas que les gens aillent en politique pour la paie, mais de s’assurer que la rémunération ne représente pas un frein pour ceux qui ont la passion du service public », conclut Marc Chartrand.

Ce contenu a été produit par l’équipe des publications spéciales du Devoir, relevant du marketing. La rédaction du Devoir n’y a pas pris part.

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