Les difficultés d'US Airways témoignent de la crise du transport aérien

US Airways a perdu des sommes énormes après les attentats du 11 septembre, qui n’ont fait qu’exacerber les difficultés d’un marché des transports déjà affaibli par la récession.
Photo: Agence Reuters US Airways a perdu des sommes énormes après les attentats du 11 septembre, qui n’ont fait qu’exacerber les difficultés d’un marché des transports déjà affaibli par la récession.

La décision d'US Airways dimanche soir de se placer sous la protection de la loi sur les faillites illustre les difficultés rencontrées par le secteur aérien aux États-Unis depuis les attentats du 11 septembre.

La deuxième compagnie du pays, United Airlines (UAL), est maintenant au premier rang des transporteurs américains qui pourraient décider d'une mesure similaire pour se protéger de leurs créanciers. «Je pense que cela devient de plus en plus probable. Ils ne font pas beaucoup de progrès dans leurs discussions avec les syndicats et je pense qu'ils sont dans une position très vulnérable», indique Barbara Beyer, présidente de la société de consultants en transport aérien Avmark.

US Airways est la 7e compagnie américaine et figure parmi les 15 premières mondiales. Elle a présenté sa décision d'invoquer les dispositions du Chapitre 11 comme le meilleur moyen de se restructurer à l'abri de ses créanciers et estime qu'elle pourra revenir à un fonctionnement normal d'ici le 1er trimestre 2003.

«US Airways est dans une situation difficile car ses concurrents sont en comparaison très grands. Elle s'est retrouvée de plus en plus reléguée dans un rôle de transporteur régional plutôt qu'international», ajoute Barbara Beyer. US Airways avait tenté début 2001 de se faire racheter par UAL, qui était encore à l'époque la première compagnie américaine, avant le rachat de TWA par American Airlines. Mais l'opposition des autorités de la concurrence américaines avait fait capoter le projet.

La décision de la compagnie d'Arlington près de Washington, ne veut toutefois pas dire que son destin est scellé même si ses pertes l'année dernière ont atteint deux milliards de dollars. «Je pense qu'US Airways se trouve dans une situation qui inspire plutôt l'optimisme», juge John Ash, de Global Aviation Associates. La semaine dernière, la compagnie est parvenue à obtenir de son personnel navigant un accord prévoyant une réduction de salaires.

«L'essentiel est que les employés se soient montrés prêts à donner à leur direction une grande flexibilité et ont fait beaucoup de concessions. Je pense que la compagnie peut aller de l'avant et survivre à moyen terme, voire à long terme», a ajouté John Ash, interrogé par l'AFP. Il est plus pessimiste dans le cas d'United Airlines: leur avenir «est sombre, très sombre», estime-t-il. Il rappelle que les pilotes possèdent 25 % du capital de la compagnie et les autres salariés près de 30 %. «Les problèmes de gestion l'ont empêchée de prendre les décisions difficiles qui s'imposent pour se restructurer avec des licenciements, des réductions de salaires, des modifications dans les contrats de travail, une diminution de la flotte et trouver un nouveau PDG», affirme-t-il.

Une crise élargie

US Airways a donc été dimanche la première des grandes compagnies aériennes américaines à déposer son bilan depuis le début de la crise provoquée dans ce secteur économique par les attentats du 11 septembre. L'entreprise tente actuellement désespérément de faire des économies de salaires et de coûts afin d'obtenir un prêt garanti par les autorités fédérales. Elle a indiqué que sa décision de se placer sous la protection de la loi américaine sur les faillites — qui ne constitue pas une surprise — lui permettrait de poursuivre son processus de restructuration et de maintenir ses vols.

«US Airways continuera de fonctionner pendant que nous achèverons notre restructuration financière et nos clients doivent être sûrs que nous serons en mesure de continuer à desservir les quelque 200 escales de notre réseau», a déclaré dans un communiqué David Siegel, président-directeur général de la société.

US Airways emploie 35 000 personnes. Son bilan, présenté dimanche au tribunal des faillites d'Alexandria, évalue son actif à 7,81 milliard de dollars et son passif à 7,83 milliards.

De même que les autres principales compagnies aériennes des États-Unis, US Airways a perdu des sommes énormes après les attentats du 11 septembre, qui n'ont fait qu'exacerber les difficultés d'un marché des transports déjà affaibli par la récession. Peu après les attentats, les compagnies aériennes ont vu leurs dépenses dépasser de loin leurs recettes. En 2001, les huit plus grandes d'entre elles ont vu leurs pertes globales dépasser les sept milliards de dollars. Au cours du premier semestre 2002, elles ont perdu plus de la moitié de ce chiffre.

US Airways, dont les coûts structurels sont les plus élevés du secteur, a perdu à elle seule plus de 500 millions de dollars depuis le début de l'année.

United Airlines, qui traverse elle aussi de graves difficultés financières, s'efforce d'obtenir des prêts garantis par le gouvernement s'élevant à 1,8 milliard de dollars. Mais la crise touche aussi des transporteurs de moindre importance. Vanguard Airlines, dont le siège social se trouve à Kansas City, s'est également placée le mois dernier sous la protection de la loi américaine sur les faillites après avoir subi quatre refus de garantie de prêts. Les transporteurs régionaux Midway Airlines et Sun Country Airlines ont pris des mesures identiques.

US Airways est probablement la compagnie intérieure américaine la plus pénalisée par les attentats du 11 septembre, en raison de la fermeture prolongée de l'aéroport national de Washington pour des raisons de sécurité et de la chute vertigineuse des voyages d'affaires, notamment dans ses «hubs» (plate-formes aériennes) de la côte Est.

Elle avait déclaré vendredi qu'elle déposerait son bilan si elle ne pouvait obtenir des organisations syndicales, de ses fournisseurs et de ses créanciers les concessions nécessaires à l'obtention d'une garantie de 900 millions de dollars sur des financements privés de un milliard de dollars. Le transporteur, qui avait déjà obtenu des concessions salariales auprès de ses pilotes et de son personnel de bord, a soumis dimanche une proposition d'accord à ses syndicats de mécaniciens.

À l'occasion de son plan de restructuration, US Airways espère obtenir sa garantie de prêt après expiration du processus prévu par la loi. La commission chargée de contrôler le programme de garanties d'emprunts mis en place par le Congrès après les attentats, afin de venir en aide aux compagnies aériennes, a déclaré dimanche que l'approbation sous conditions déjà accordée à US Airways restait en vigueur. «Le conseil [de stabilisation des transports aériens] examinera le plan de réorganisation lorsqu'il lui sera soumis et déterminera s'il répond aux conditions d'octroi d'une garantie», ont déclaré ses trois membres dans un communiqué.

US Airways doit notamment honorer une dette prioritaire de 500 millions de dollars auprès d'un groupe dirigé par Credit Suisse First Boston et Bank of America.

La société d'investissement Texas Pacific Group a déjà accepté le principe d'un investissement de 200 millions de dollars en échange de 38 % du capital, après restructuration. Texas Pacific avait déjà provoqué la surprise à Wall Street en participant en 1993 à la recapitalisation de Continental Airlines, qui subissait alors son deuxième dépôt de bilan. Il avait rendu le groupe à nouveau rentable et avait fini par récupérer un bénéfice dix fois supérieur à son investissement initial. En 1994, Texas Pacific avait également évité la faillite à America West. Mais depuis lors, le groupe n'a plus réalisé d'investissement important dans le transport aérien.

US Airways doit rencontrer ses créanciers jeudi pour leur présenter son plan de restructuration. Mais d'après certains analystes, il pourrait avoir déjà atteint une impasse dans ses discussions avec ses créanciers ou avec l'une des organisations syndicales impliquées. «Il n'y a certainement pas de fin de non-recevoir de notre part», a toutefois déclaré un porte-parole du syndicat des mécaniciens, en précisant que sa formation examinerait les propositions de la société d'ici demain.

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