Des versements spéciaux bienvenus pour les travailleurs au salaire minimum

Sans ces prestations de la part du gouvernement, la hausse du salaire horaire minimum n’aurait pas suffi à éviter un appauvrissement dans le contexte de la forte inflation.
Photo: Adil Boukind Le Devoir Sans ces prestations de la part du gouvernement, la hausse du salaire horaire minimum n’aurait pas suffi à éviter un appauvrissement dans le contexte de la forte inflation.

Les travailleurs au salaire minimum se seraient appauvris au Québec n’eussent été les prestations spéciales du gouvernement pour le coût de la vie.

L’augmentation du salaire minimum prévue cette année n’aurait pas suffi pour compenser l’effet de la forte inflation sur le pouvoir d’achat et du temps que mettent habituellement les programmes sociaux pour s’y ajuster, a estimé vendredi une étude de la Chaire de recherche en fiscalité et en finances publiques de l’Université de Sherbrooke.

La hausse de 0,75 $ du salaire horaire minimum, de 13,50 $ à 14,25 $ (+5,56 %), fixée au début de l’année et qui entrera en vigueur dimanche, le 1er mai, aurait ainsi mené à une augmentation du revenu disponible de toutes les principales catégories de ménages de l’ordre de 3,2 % à 4,2 %, selon les cas. Mais elle se serait quand même traduite par un recul de 0,4 %, à presque 2 %, de leur capacité de couvrir leurs besoins de base.

Cette perte de pouvoir d’achat aurait bien sûr tenu de l’inflation beaucoup plus forte qu’à l’habitude, à raison d’une hausse moyenne des prix à la consommation prévue dans le dernier budget du gouvernement du Québec de 4,7 % pour cette année. Elle viendrait aussi du fait que, chaque année, la table d’imposition ainsi que de grands programmes de transferts sociaux, comme le crédit d’impôt pour solidarité ou l’allocation famille, sont ajustés en fonction du coût de la vie, mais avec un décalage dans le temps, et que ce décalage se serait particulièrement fait sentir cette fois-ci, n’eût été l’adoption d’un correctif.

C’est notamment ce que le gouvernement Legault a dit vouloir faire en annonçant coup sur coup le versement de deux prestations uniques et non récurrentes. Annoncé cet automne, le premier de ces versements est destiné aux 3,3 millions de personnes à plus faibles revenus et s’élève à 275 $ pour les personnes seules et à 400 $ pour les couples. Annoncé au mois de mars, le second versement est un crédit d’impôt de 500 $ et s’adresse aux 6,4 millions d’adultes québécois qui ne gagnent pas plus de 100 000 $ par année.

Assurer le strict minimum

 

Avec ces versements totalisant 1400 $ pour un couple, deux parents avec deux enfants, et travaillant 35 heures par semaine au salaire minimum (pour un salaire annuel individuel de 25 935 $), devraient, par exemple, voir leurs revenus disponibles (après impôt, transfert et versements spéciaux) passer de 56 946 $ en 2021 à 60 179 $ en 2022 (+5,7 %), et le taux de couverture de leurs besoins de base passer de 132,2 % à 133,5 %. Pour un couple sans enfant avec un seul revenu au salaire minimum, le revenu disponible devrait passer de 29 661 $ à 32 320 $ (+9 %), ce qui couvrirait tout juste ses besoins de base (101,4 %), alors que l’an dernier, il était sous ce seuil (97,4 %).

L’estimation de ces besoins de base correspond à la Mesure du panier de consommation (MPC), utilisée comme seuil officiel de la pauvreté au Canada. Si l’on tient compte de l’inflation prévue, cette mesure devrait s’élever cette année à 22 546 $ pour une personne seule et à 45 093 $ pour une famille composée de quatre personnes à Montréal qui a servi de référence.

Beaucoup d’étudiants, mais pas seulement

En 2021, 205 000 Québécois travaillaient au salaire minimum, soit un peu moins que 5 % de l’ensemble de la main-d’œuvre. « Il est vraisemblable de croire qu’il s’agit en bonne partie de personnes qui travaillent tout en étant aux études », ont observé les auteurs de l’étude de la Chaire. En effet, 60 % de ces personnes étaient âgées de 15 à 24 ans, contre 19 % qui étaient âgées de 25 à 44 ans, 6 % de 45 à 54 ans et 14 % de 55 ans et plus. De plus, 62 % travaillaient à temps partiel et 90 % étaient sans enfant.

« Il ne faut pas penser que ce sont seulement des étudiants à temps partiel. Oui, il y en a beaucoup, mais pour tous les autres, les caractéristiques peuvent être différentes », a expliqué lors d’une vidéoconférence l’une des auteurs de l’étude, Suzie St-Cerny. Ainsi, parmi les travailleurs payés au salaire minimum, environ les deux tiers de ceux âgés de 25 ans et plus travaillaient à temps plein, comme 84 % de ceux qui avaient des enfants.

De façon générale, les employés au salaire minimum sont presque autant des hommes (48 %) que des femmes (52 %). Trois sur dix n’ont aucun diplôme, mais 40 % ont fait des études postsecondaires et 11 % ont un diplôme universitaire. Presque les trois quarts (72 %) sont employés permanents. La moitié (47 %) travaillent pour des entreprises de moins de 20 employés et presque autant pour des entreprises de 20 à 99 employés (41 %). On les trouve principalement dans les commerces (50 %), mais aussi dans le secteur de l’hébergement et de la restauration (20 %). Les secteurs de la fabrication (5 %), des soins de santé et de l’assistance sociale (3 %) ou des loisirs et de la culture (3 %) arrivent beaucoup plus loin derrière.

Dans son étude, la Chaire a également étendu son regard jusqu’aux 15 % d’employés (629 000 Québécois) qui gagnent jusqu’à 125 % du salaire minimum. Elle dit que les constats faits dans cette étude sont « similaires et renforcés » pour cette catégorie.

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Correction : une première version de cet article indiquait que le nombre d'employés québécois gagnant jusqu'à 125 % du salaire minimum était de 772 000. Il est en fait de 629 000.

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