Fonds d'investissement: Où va l'argent perdu?
Lorsque je fréquentais l'École secondaire de Beloeil, j'avais un professeur de chimie, René Boucher, qui m'avait fait découvrir la célèbre citation d'Antoine-Laurent de Lavoisier: «Rien ne se perd, rien ne se crée». Au départ, cet énoncé s'adressait aux chimistes. Aujourd'hui, nous savons que cette règle s'applique à de multiples domaines, dont le secteur financier. C'est sans doute sa formation d'avocat, de mathématicien, d'astronome et de chimiste qui a permis à Lavoisier de trouver une solution à applications multiples. Malheureusement, Lavoisier a été guillotiné en 1794, à cinquante et un ans, sous de fausses accusations.
Mais revenons à l'application qui nous intéresse: votre portefeuille. Nous savons très bien à l'heure actuelle que plusieurs d'entre vous n'ont qu'une seule envie: tout vendre et acheter des obligations qui rapporteront entre 4 et 5 % par année pendant plus ou moins cinq ans. Mais, en agissant ainsi, vous risquez fortement d'encaisser subitement une perte qui peut aller jusqu'à plusieurs centaines de milliers de dollars, vos économies de plusieurs années. Et pendant que vous avez décidé de vendre et de ne plus suivre votre plan d'investissement personnel (P.I.P.), un autre achètera ces mêmes placements. Pendant que vous encaisserez une perte, un autre investisseur emmagasinera un gain. Rien ne se perd, rien ne se crée.Alors, chaque fois que vous disposez d'un placement, et souvent par dépit, un autre investisseur achète et récupère à coup sûr, mais pour le bien-être de son portefeuille, un profit fort intéressant. Dans un marché baissier, plus votre envie de vendre grandit, plus un investisseur sera heureux d'acquérir vos placements pour les transformer en gains. C'est d'ailleurs ce que fait, de ce temps-ci, un investisseur qui, je pourrais dire, a connu un certain succès: Warren Buffet.
Mais ce qui me surprend le plus quand je vois un investisseur qui désire ardemment «perdre» ses économies, c'est que généralement son achat date de moins de trois ans, ce qui correspond à peu près à la moyenne de détention d'un fonds au Canada. Or, au moment de son investissement initial, le même investisseur établissait son horizon de placement à plus de 10 ans et sa tolérance au risque, au-dessus de la moyenne. Mais pourquoi tout d'un coup changer ses objectifs de placement?
En effet, même si tout va très mal dans le monde du placement, sachez que malgré tout, sur cinq ans, nos gestionnaires de fonds canadiens ont mieux fait que le TSX dans 57 % des cas et que chez nos voisins du Sud, c'est 66 % des gestionnaires qui ont mieux fait que le S&P 500 pour cette même période. Mauvais, vos fonds? En moyenne, le rendement annualisé des fonds canadiens sur deux ans est de 9,7 % supérieur à l'indice de repère, et ce, malgré les frais de gestion, évidemment trop élevés. Tout va mal? Vos gestionnaires sont tous bons pour la retraite? Prenons le cas du fonds Fidelity expansion Canada possédant un actif de plus de 2,2 milliards. Malgré un rendement négatif de 9 % depuis le début de l'année, le fonds possède toujours un rendement annualisé de 7 % sur une période de cinq ans.
D'ici à la date fatidique du 14 août, nous pouvons nous attendre à des fluctuations importantes du marché boursier. Pourquoi fatidique? Plus de 947 compagnies américaines ayant des revenus de plus de 1,2 milliard en dollars américains auront alors l'obligation de remettre des états financiers signés sous serment par le président et le directeur financier. Je peux même «prévoir» que de nombreuses entreprises présenteront des bilan modifiés, avec des provisions pour pertes plus grandes que prévu et des revenus moindres. En fait, même les entreprises qui n'ont rien à déclarer vont préférer «aller à confesse»: rien de mieux que d'avoir à son crédit quelques péchés d'avance... Combien d'entre vous ont inventé dans le confessionnal des péchés virtuels? Pour nos dirigeants d'entreprises, au pire, les résultats des trimestres suivants seront meilleurs. Alors, pas trop d'attente d'ici à la mi-août, mais n'oubliez pas... Warren Buffet achète, même dans le secteur des télécoms. Choisissez: vous êtes un investisseur avisé ou un investisseur qui collectionne les pertes.
Donc, chaque fois que vous subissez une perte et que vous la réalisez en effectuant une vente, un investisseur lui se réjouit de votre ignorance et réalisera un gain grâce à votre grande «bonté». Le célèbre gestionnaire du fonds Magellan chez Fidelity, Peter Lynch, disait souvent que son travail à la Bourse comme investisseur ne consistait qu'à être charitable. Acheter ce que personne ne veut et revendre ce qu'autrui désire ardemment.
Rien ne se perd, rien ne se crée. Merci, Messieurs de Lavoisier et Boucher.
question@avantages.com
Michel Marcoux est président d'Avantages Services Financiers inc., une société indépendante spécialisée dans le courtage de fonds communs de placement.