Pas de déclaration d’impôt, pas de 500$

Les 500 $ par personne promis par le gouvernement Legault pour compenser la cherté de la vie ne se rendront probablement pas à tous ceux à qui ils sont destinés.

En principe, les 6,4 millions d’adultes québécois qui ne gagnent pas plus de 100 000 $ par année auront chacun droit à 500 $ pour compenser la forte hausse du coût de la vie, a annoncé le ministre des Finances, Eric Girard, dans son budget la semaine dernière. Dans les faits, des dizaines de milliers de personnes, notamment parmi les plus démunies, ne recevront pas cet argent. Pas plus d’ailleurs qu’elles ne recevront cet autre montant forfaitaire de 275 $ pour les personnes seules et 400 $ pour les couples promis cet automne précisément aux 3,3 millions de Québécois à plus faibles revenus, ni plusieurs autres transferts sociaux, qui exigent tous qu’on produise une déclaration de revenus pour pouvoir en bénéficier.

 

Aux questions du Devoir sur le sujet, Revenu Québec a répondu qu’il « ne dispose pas d’un portrait global relativement aux particuliers qui ne produisent pas leur déclaration de revenus ». Ses propres statistiques indiquent toutefois qu’il en a reçu un total d’un peu plus de 6,7 millions en 2019, alors, qu’à elle seule, la population adulte québécoise approchait les 7 millions de personnes.

Se basant sur des données obtenues auprès de Revenu Québec, du ministère des Finances et de Statistique Canada, la Chaire en fiscalité et en finances publiques de l’Université de Sherbrooke arrive à des proportions similaires. On y a ainsi calculé que la proportion de Québécois de 16 ans et plus qui a soumis une déclaration de revenus était tout juste inférieure à 97 % en 2018.

Cette proportion marque une belle progression depuis le milieu des années 1980, alors que ce chiffre n’était que de 75 %, a expliqué par courriel au Devoir le professeur et codirecteur de la Chaire, Luc Godbout. Cela tient notamment au fait qu’un nombre croissant de programmes d’aides et d’avantages fiscaux ont été liés à la production de la déclaration de revenus, que l’on ait, ou pas, des revenus ou des impôts à payer. Outre les versements spéciaux censés compenser l’effet de l’inflation, on pense, par exemple au crédit fédéral de TPS et à son équivalent québécois, au crédit pour la solidarité, à la prime au travail, à l’Allocation famille québécoise, aux allocations canadiennes pour travailleurs et pour enfants, au crédit pour maintien à domicile…

Passez Go et ne réclamez pas 500 $

Il n’est pas rare de voir que les gens à qui seraient destinés ces programmes d’aide financière sont ceux-là mêmes qui ne produisent pas de déclaration de revenus, a observé au Devoir vendredi Francine Hamel, intervenante en défense collective des droits à l’Association coopérative d’économie familiale de Québec. « Ils ont tous les âges et sont de tout acabit. Ça peut-être des personnes âgées et isolées, des toxicomanes, des personnes judiciarisées, des itinérants… Les immigrants et les réfugiés s’en tirent souvent mieux parce qu’ils sont mieux accompagnés. »

De nombreux organismes communautaires offrent d’ailleurs les services de bénévoles à l’impôt. C’est le cas notamment à la Maison Benoît Labre, un organisme d’aide aux personnes itinérantes à Montréal. « Ce sont les plus vulnérables des plus vulnérables », explique sa directrice générale, Andréane Desilets. Souvent aux prises avec des problèmes de toxicomanie ou de santé mentale, « certains n’ont pas fait de déclaration de revenus depuis 20 ans. Et cela leur apparaît une tâche monstrueuse ».

« Très désorganisés », d’autres ne sont pas même inscrits à l’aide sociale, dit-elle. « Ce sont des gens qui passent au travers du filet social » et pour qui un frein au phénomène de la désinstitutionnalisation en santé mentale ou un meilleur financement des organismes communautaires ferait plus que les 500 $ du gouvernement, qu’ils n’encaisseront pas de toute façon.



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