Joseph Stiglitz persiste et signe - Le FMI obéit aux marchés financiers

Paris — L'économiste américain Joseph Stiglitz a réitéré hier ses critiques à l'égard du Fonds monétaire international (FMI), qu'il accuse de servir uniquement «les intérêts des marchés financiers et des pays industrialisés avancés», en particulier les États-Unis.

Dans un entretien au quotidien français Le Figaro, M. Stiglitz, Prix Nobel 2001 d'économie, estime que «le FMI répond aux intérêts des marchés financiers et des pays industrialisés avancés» et qu'«il ne répond pas aux préoccupations réelles du monde en développement».

«Les pays industrialisés, notamment les États-Unis, sont de fervents défenseurs de la libéralisation du commerce». Or, «ce commerce mondial est très asymétrique, très injuste», selon lui. «Sous la pression des pays développés, le Sud ouvre ses frontières, abolit les subventions, pendant que le Nord continue d'interdire les produits en provenance du Sud et maintient les subventions pour défendre ses propres produits.»

Libéralisation des marchés

«Deuxième exemple flagrant» de cet asservissement du FMI, selon M. Stiglitz: la libéralisation des marchés de capitaux. «Les faits ont démontré que cette grande fluidité crée beaucoup d'instabilité dans les pays en voie de développement», et, «surtout, on s'est aperçu que cela ne contribuait pas à la croissance économique».

L'économiste américain juge notamment «catastrophique» le bilan des programmes d'aide du FMI pour les pays en crise. «L'Indonésie, la Thaïlande, la Corée, la Russie, le Brésil et pour finir l'Argentine: six échecs en six ans, c'est beaucoup!» M. Stiglitz explique cette inféodation du FMI à la politique américaine par le fait qu'«un seul pays, les États-Unis, a le droit de veto» au sein du conseil des gouverneurs, qui prend les décisions de l'institution, ce qui «donne plus de facilité au Trésor américain pour exercer son influence».

«Le problème vient aussi du fait que ce sont les ministres des Finances qui siègent au FMI, des ministres des pays industrialisés qui représentent essentiellement les intérêts de la communauté financière», selon lui. Et «comme les États-Unis dominent les marchés financiers internationaux, il n'est pas surprenant que les politiques du FMI reflètent leur point de vue».

Réforme du FMI

L'économiste américain propose plusieurs pistes de réforme du FMI. La première, fondamentale selon lui, «doit consister à changer les gouverneurs». Il préconise d'autre part d'«accroître la transparence et le degré de responsabilité des décideurs du FMI», de «trouver un moyen de sanctionner les erreurs commises» et de «rendre obligatoires les mesures de l'impact des politiques menées sur la pauvreté et le chômage».

«La mondialisation implique d'avoir la confiance des autres pays. Ce n'est pas possible si l'un des protagonistes», à savoir les États-Unis, «garde un projet trop étroit», conclut M. Stiglitz.

Joseph Stiglitz a été économiste en chef et vice-président de la Banque mondiale et fut aussi conseiller de l'ex-président des États-Unis, Bill Clinton. Il vient de publier un livre, La Grande Désillusion, qui dénonce les effets de la mondialisation et le rôle des grandes institutions internationales, comme le FMI, la Banque mondiale et l'Organisation mondiale du commerce.

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