Les inégalités salariales ont la vie dure

Jean-François Venne
Collaboration spéciale
25 ans après l’adoption de la Loi sur l’équité salariale, le problème des écarts salariaux entre les hommes et les femmes reste loin d’être réglé.
Illustration: iStock 25 ans après l’adoption de la Loi sur l’équité salariale, le problème des écarts salariaux entre les hommes et les femmes reste loin d’être réglé.

Ce texte fait partie du cahier spécial Syndicalisme

La Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec (FIQ) poursuit sa lutte en faveur de l’équité salariale, tout en critiquant le manque d’ouverture du gouvernement. Le syndicat déplore de devoir négocier pour obtenir une équité salariale pourtant imposée par une loi.

25 ans après l’adoption de la Loi sur l’équité salariale, le problème des écarts salariaux entre les hommes et les femmes reste loin d’être réglé. « La loi a permis des améliorations, mais des différences persistent entre les emplois à prédominance masculine et ceux à prédominance féminine », constate Julie Bouchard, présidente de la FIQ. Près de 90 % des 76 000 membres de ce syndicat sont des femmes.

En février 2019, l’Institut de recherche et d’informations socio-économiques (IRIS) révélait qu’au Québec, seuls les fonctionnaires et le personnel des réseaux de la santé et de l’éducation avaient vu leur pouvoir d’achat baisser depuis 2000. Ce recul de 1,8 % marquait un contraste frappant avec la progression moyenne de 11 % lors de la même période dans les administrations municipales et fédérales, le secteur universitaire, les entreprises publiques et le privé. Or, les domaines de la santé et de l’éducation sont composés à grande majorité de femmes, contrairement aux autres.

Autre exemple : au Québec, la rémunération dans le secteur public reste inférieure de 16 % à 35 % à celle du secteur privé, des administrations fédérales et municipales et des entreprises publiques. Ce secteur compte 74 % de femmes, contre 55 % dans les administrations publiques fédérales, 37 % dans les entreprises publiques et 35 % dans les administrations municipales. Comme s’il y avait besoin d’en rajouter, l’Institut de la statistique du Québec rappelait encore en mars 2021 que les femmes professionnelles gagnent environ 4 dollars de l’heure de moins que les hommes professionnels, aussi bien dans les entreprises privées que dans le secteur public.

Corriger les écarts

 

« Ces écarts considérables montrent bien que les types d’emploi à prédominance féminine sont systématiquement moins valorisés et moins bien payés que des emplois similaires dans des domaines à prédominance masculine, soutient Julie Bouchard. Or, nous ne sentons pas une grande volonté du gouvernement de régler ce problème. »

La FIQ conteste notamment l’habitude du gouvernement d’inclure, lors des négociations, ses propositions relatives à l’équité salariale dans son enveloppe consacrée à l’ensemble des augmentations salariales. « L’équité salariale constitue un dossier complètement séparé », avance la présidente. Elle relève d’une loi et ne devrait pas faire l’objet d’un marchandage. « Elle doit simplement être appliquée correctement. » La FIQ réclame des discussions régulières, transparentes et paritaires sur les enjeux qui concernent cette loi.

Le maintien de l’équité salariale représente l’un de ces enjeux. La Loi sur l’équité salariale prévoit un exercice de maintien tous les cinq ans, afin de surveiller et corriger de nouvelles disparités salariales. En 2018, un important jugement de la Cour suprême du Canada stipulait que les ajustements salariaux découlant de ces exercices devaient être rétroactifs au moment de l’apparition de la discrimination. Avant cela, la correction salariale ne débutait qu’au moment où le déséquilibre était constaté.

Le gouvernement a donc adopté une loi en avril 2019 pour se conformer au jugement de la Cour suprême. Or, cette législation, aujourd’hui contestée en cour par plusieurs syndicats, permet de verser des montants forfaitaires aux employés plutôt que des augmentations de salaire rétroactives. « Ces montants ne sont pas pris en compte dans les fonds de pension, l’assurance salaire, les congés de maternité et autres indemnités de ce type ; ils ne représentent pas une réelle rétroactivité », estime Julie Bouchard.

Manque d’ouverture

La FIQ déplore la rigidité et le manque d’ouverture du gouvernement. « Ce gouvernement n’aime pas trop consulter, regrette Julie Bouchard. Très souvent, nous apprenons ses décisions lorsqu’il les annonce publiquement. Depuis le début de la pandémie, les discussions avec le gouvernement sont plutôt difficiles. »

Elle donne l’exemple des primes offertes aux travailleurs et travailleuses de la santé. Le gouvernement a d’abord présenté des « primes COVID », puis d’autres qui visent la rétention du personnel. Le tout a été annoncé par arrêtés ministériels, sans réelle négociation avec les syndicats. Les règles très rigides et pas toujours claires entourant ces primes ont suscité beaucoup de grogne sur le terrain. Elles ont aussi parfois créé des divisions, puisque deux collègues dans le même département n’avaient pas nécessairement accès aux mêmes primes.

« Ce gouvernement a l’habitude de faire cavalier seul, affirme Julie Bouchard. Mais si nous pouvions avoir des discussions franches et transparentes sur les enjeux, nous arriverions à trouver des solutions bien plus efficaces, sans perdre de temps à nous battre devant les tribunaux, comme ce fut le cas trop souvent ces dernières années. »

Ce contenu a été produit par l’équipe des publications spéciales du Devoir, relevant du marketing. La rédaction du Devoir n’y a pas pris part.

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