La distance s'estompe - entre Washington et l'Amérique latine
Washington — La visite du secrétaire américain au Trésor Paul O'Neill en Amérique du Sud a montré un net réchauffement des relations entre Washington et les pays de la région frappés par la crise économique.
Paul O'Neill, qui avait lui-même largement contribué au refroidissement par une succession de déclarations maladroites, a notamment annoncé lors de sa visite de trois jours au Brésil, en Uruguay et en Argentine un prêt relais de 1,5 milliard de dollars du Trésor américain à Montevideo. Celui-ci va permettre d'attendre l'aide du Fonds monétaire international (FMI), de la Banque mondiale et de la Banque interaméricaine de développement (BID).Le secrétaire au Trésor a multiplié les déclarations de soutien à Brasilia et à Buenos Aires sans toutefois annoncer de mesures concrètes d'aide financière à ces deux pays.
«Le prêt relais à l'Uruguay est une mesure à court terme qu'il était facile de prendre dans les circonstances actuelles», juge Ambler Moss, directeur de l'Institut Nord-Sud à l'université de Miami. Pour le Brésil et l'Argentine, Paul O'Neill a souligné qu'il appartenait au FMI (dont les États-Unis sont le principal actionnaire) de décider des modalités d'un éventuel soutien financier.
Le gouvernement brésilien est d'ailleurs parvenu hier à un accord avec le FMI d'une durée de 15 mois, pour un nouveau prêt. Dans un communiqué publié à Washington, le directeur général du FMI, Horst Koehler, précise que son institution est prête à accorder au Brésil un nouveau prêt de 30 milliards de dollars, dont 80 % seront versés en 2003. Le nouveau prêt stand-by sera soumis à l'approbation du conseil exécutif du FMI le 15 septembre prochain.
Washington et le FMI adoptent une attitude différente d'une part vis-à-vis du Brésil et de l'Uruguay, dont ils reconnaissent les efforts d'austérité budgétaire, et d'autre part de l'Argentine, à qui ils reprochent de ne pas faire assez pour limiter les dépenses publiques.
Signature de la loi TPA
La visite de Paul O'Neill a surtout coïncidé avec une bonne nouvelle pour les relations entre Washington et les pays latino-américains: la signature mardi par le président George W. Bush de la loi de promotion de l'autorité commerciale (TPA) qui lui délie les mains face au Congrès pour conclure des accords commerciaux internationaux. Les États-Unis négocient actuellement des accords bilatéraux avec le Chili et les pays d'Amérique centrale, et surtout pour la réalisation d'une zone de libre-échange des Amériques (ZLEA) à l'horizon 2005.
«À court terme, cela fait beaucoup pour augmenter la confiance même si cela ne met pas de l'argent dans la banque», souligne Jeffrey Schott, chercheur à l'Institut d'économie internationale de Washington. «À moyen terme, cela donne un signal de soutien des États-Unis aux pays de la région.»
Tout en reconnaissant l'importance du TPA, Ambler Moss rappelle que l'accord avec le Chili ne soulève pas de questions commerciales délicates et aurait été signé même sans le TPA. Les États-Unis disposent déjà avec le Mexique et le Canada d'un accord nord-américain de libre-échange (ALENA). «La ZLEA n'est pas de la même ampleur que l'ALENA et il est certainement possible d'arriver à un accord en 2005», ajoute Ambler Moss, ancien ambassadeur au Panama.
Selon lui, le réchauffement ne doit pas dissimuler que l'Amérique latine ne figure pas au premier rang des préoccupations de l'administration Bush. «Richard Cheney [le vice-président], Condoleeza Rice [la conseillère pour la sécurité nationale], Donald Rumsfeld [le secrétaire à la Défense] et même Colin Powell [le secrétaire d'État] ont la tête ailleurs. Seul Bush lui-même se réveille de temps en temps et prête attention à l'Amérique latine», affirme-t-il.