L’aide d’Hydro-Québec à Énergir est critiquée

Énergir et Hydro-Québec veulent convertir à la biénergie les systèmes de chauffage au gaz naturel de 100 000 clients d’ici 2030, dont 40 000 d’ici cinq ans, selon leurs prévisions.
Photo: Olivier Zuida Le Devoir Énergir et Hydro-Québec veulent convertir à la biénergie les systèmes de chauffage au gaz naturel de 100 000 clients d’ici 2030, dont 40 000 d’ici cinq ans, selon leurs prévisions.

Consommateurs et environnementalistes critiquent un transfert estimé à 400 millions de dollars qu’Hydro-Québec ferait à Énergir pour pallier le coût du déploiement de systèmes biénergie d’ici 2030, alors que s’ouvrent à la Régie de l’énergie les audiences sur le partenariat entre les deux plus importants distributeurs d’énergie de la province.

De la somme transférée de la société d’État à Énergir pour le déploiement de systèmes biénergie qui devraient réduire les émissions de gaz à effet (GES), 225 millions seraient « puisés directement dans les poches des clients d’Hydro-Québec », selon des estimations de l’Union des consommateurs publiées lundi.

L’organisation, qui défend les droits des consommateurs, déplore que l’aide financière à Énergir ait pour effet d’augmenter les tarifs des clients d’Hydro-Québec. « Si les objectifs [de réduction des émissions de gaz à effet de serre] sont parfaitement justifiables »,note l’Union des consommateurs, la hausse des tarifs d’électricité est une mesure « régressive » qui « pénalisera à coup sûr les ménages les moins nantis ».

Pour leur part, des regroupements environnementalistes — Greenpeace, Nature Québec et le Regroupement vigilance hydrocarbures Québec — s’opposent également au rapprochement d’Hydro-Québec et d’Énergir. L’adoption de systèmes biénergie qui utilise du gaz naturel éloigne le Québec de ses ambitions. Le remplacement des hydrocarbures devrait selon eux s’appuyer sur des technologies et des équipements qui permettent une gestion plus efficace des pointes de demande.

Son de cloche similaire de la part de Normand Mousseau, directeur scientifique de l’Institut de l’énergie Trottier, associé à Polytechnique Montréal. Selon lui, l’entente entre les deux distributeurs est en soi un aveu d’échec : « C’est un message clair qu’Hydro-Québec ne croit pas à la transition énergétique et à la lutte contre les changements climatiques et qu’il a décidé de mettre les freins sur des transformations fondamentales. »

« Ce qu’il fallait dire, c’est : “on sort complètement des hydrocarbures, et pour y arriver, on gère la pointe” », poursuit-il. La gestion de la pointe — période de forte demande en électricité qui totalise annuellement entre 100 et 400 heures — pourrait en partie être palliée par une augmentation de la production, selon M. Mousseau : « Mais Hydro-Québec ne veut pas le faire parce que les nouveaux approvisionnements sont plus chers. »

Mesures rentables

 

Autre avenue : la mise en place de mesures économiquement rentables pour réduire la consommation d’énergie. « Si moi, je remplace des calorifères électriques par une thermopompe — qui peut en bonne partie être financée par le programme Chauffez vert —, je peux réduire de 30 % mon coût énergétique. Du coup, même si j’augmente mes tarifs de 20 % ou 25 %, ce serait à coût nul pour ces gens-là. »

L’été dernier, après des mois de discussions, Hydro-Québec et Énergir ont signé une entente visant le déploiement de systèmes biénergie dans les secteurs résidentiel, commercial et institutionnel qui carburent au gaz naturel. Ces systèmes utilisent l’électricité comme principale source d’énergie, mais peuvent être alimentés par un combustible comme source d’appoint en période de forte demande.

Les deux sociétés veulent convertir à la biénergie les systèmes de chauffage au gaz naturel de 100 000 clients d’ici 2030, dont 40 000 d’ici cinq ans, selon leurs prévisions.

L’entente permettrait « de réduire les GES de 50 % dans le secteur des bâtiments, rapidement et à bon coût », souligne Catherine Houde, porte-paroled’Énergir : « Tout électrifier aurait un impact considérable sur les clients d’Énergir et d’Hydro-Québec. »

Selon les estimations des deux distributeurs, il faudrait injecter 2,6 milliards de dollars pour mettre en place les infrastructures nécessaires à une électrification complète, alors qu’il en coûterait 1,1 milliard pour le déploiement des systèmes biénergie.

En entrevue au Devoir cet été, le ministre de l’Énergie et des Ressources naturelles, Jonatan Julien, a affirmé ceci : « Pour 30 % à 40 % [de ce que coûterait une conversion totale à l’électrique], on atteint une réduction [des GES équivalant à] presque 75 % de celle d’une électrification complète. »

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