Crise sud-américaine - Les experts craignent une réédition du scénario asiatique

Washington — De plus en plus d'économistes envisagent sérieusement la possibilité de voir l'Amérique du Sud basculer dans le scénario de la crise financière qui avait embrasé l'Asie du Sud-Est en 1997-98 et avait eu des répercussions sur l'économie mondiale.

En Asie, la crise financière ayant démarré en Thaïlande s'était répandue comme une traînée de poudre d'un pays à l'autre, entraînant 40 % de l'économie mondiale dans la récession. En Amérique du Sud, les récentes difficultés de l'Uruguay et du Brésil interviennent après que l'Argentine se fut déclarée en défaut de paiement l'année dernière.

«Regardons les choses en face. Les dominos tombent à nouveau», souligne David Wyss, chef économiste à Standard & Poor's à New York. «Avant, nous pensions que l'Amérique latine ne serait pas une réédition de l'Asie. Mais maintenant, nous espérons simplement que ce ne sera pas plus grave.»

Turbulences

Les marchés d'un certain nombre de pays sud-américains connaissent depuis quelques semaines des turbulences avec des taux d'intérêt en hausse et un affaiblissement de leur devise. La situation commence à ressembler au scénario asiatique. Mais cette fois la situation pourrait être pire. La crise asiatique s'est produite à un moment où l'économie américaine était en pleine croissance et jouait un rôle de moteur pour le reste du monde. Aujourd'hui, les États-Unis se débattent pour sortir de la récession de l'an dernier et de la déprime boursière.

Cette fois, non seulement il est peu probable que les États-Unis pourront tirer la croissance mondiale comme en 1998, mais les pays sud-américains sont confrontés à des problèmes plus profonds que ceux qu'avaient rencontrés les pays asiatiques. «Les fondamentaux économiques ne sont pas aussi bons en Amérique du Sud qu'en Asie», souligne Sung-won Sohn, chef analyste à la Wells Fargo. «Les pays asiatiques ont un taux d'épargne national élevé alors que les pays latino-américains sont beaucoup plus dépendants des crédits étrangers.»

L'Argentine a déjà été contrainte fin décembre de suspendre tout remboursement de sa dette extérieure de 141 milliards de dollars. Il s'agit, pour un État, de la plus grande suspension de dette de l'histoire. Les investisseurs craignent maintenant que le Brésil se déclare également en cessation de paiement alors que sa dette est encore plus élevée: 264 milliards de dollars. Les craintes d'un possible moratoire brésilien et les récentes insinuations du secrétaire américain au Trésor Paul O'Neill sur la corruption en Amérique latine ont fait plonger la monnaie brésilienne, le réal, à des niveaux records la semaine dernière.

Modération

L'administration Bush, de plus en plus préoccupée par l'aggravation de la situation en Amérique latine, a toutefois modéré son opposition à l'intervention du Fonds monétaire international (FMI) et a même octroyé un prêt-relais d'urgence à l'Uruguay. Le président uruguayen Jorge Batlle a exprimé sa gratitude mardi à M. O'Neill, en visite dans la région, pour ce prêt de 1,5 milliard de dollars qui permettra aux banques du pays de rouvrir. C'est la première intervention directe de l'administration Bush vers un pays en proie à de graves soucis économiques.

Les équipes du FMI négocient actuellement avec le Brésil et l'Argentine les conditions de nouveaux prêts. Les analystes estiment que les deux pays bénéficieront d'un plan d'aide de l'organisation très bientôt. «Il y a toujours le risque que la contagion financière s'étende si les marchés ne sont pas calmés», avertit M. Sohn. «Alors que les États-Unis se débattent toujours pour sortir de la récession, cela pourrait nous affecter à un moment de grande vulnérabilité.»

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