Le calcul économique de l’après-pandémie au Québec

En prévision du budget provincial qui devrait être déposé le mois prochain, les chercheurs rappellent que Québec devra s’atteler à des défis de taille.
Photo: The Canadian Press En prévision du budget provincial qui devrait être déposé le mois prochain, les chercheurs rappellent que Québec devra s’atteler à des défis de taille.

Au sortir de la pandémie, le gouvernement Legault ne doit pas céder à la tentation de l’austérité pour éponger les dépenses d’urgence des deux dernières années, préviennent les chercheurs de l’Institut de recherche et d’informations socioéconomiques (IRIS).

En prévision du budget provincial qui devrait être déposé le mois prochain, les chercheurs rappellent que Québec devra s’atteler à des défis de taille : de la refonte du système de santé à la lutte contre les changements climatiques, en passant par la protection des personnes en situation de précarité financière.

« Il faut à tout prix éviter de revenir à des politiques d’austérité », lance d’emblée en entrevue Guillaume Hébert, chercheur à l’IRIS et coauteur d’une série de nouvelles études publiées mercredi par l’IRIS, qui proposent des éléments de réflexion à l’intention du gouvernement du Québec. « C’est à titre préventif. L’austérité ne semble pas à l’ordre du jour pour le moment, mais on veut s’assurer que ça le demeure », poursuit-il.

Selon sa collègue Julia Posca, elle aussi chercheuse à l’IRIS, « l’ampleur des dépenses qui ont été réalisées durant la pandémie de COVID-19 pourrait faire ressurgir cette injonction », dans une visée d’assainissement des finances publiques. « La volonté affichée du gouvernement de François Legault de renouer rapidement avec l’équilibre budgétaire et de réduire le poids de la dette dans l’économie montre bien que les finances publiques feront de nouveau l’objet de débats dans les mois et les années à venir », écrit-elle.

La hausse des dépenses de l’État engendrée par la pandémie a eu comme effet d’augmenter le poids de la dette publique québécoise. En 2019-2020, le ratio de la dette en proportion du produit intérieur brut (PIB) était de 43,2 %. Il est passé à 46,8 % en 2020-2021. Mais selon Mme Posca, le recours à des politiques d’austérité n’est pas justifié puisque les finances publiques du Québec demeurent « dans une position enviable » — d’autant plus que les réformes structurelles liées à ce type de politiques ont « des effets délétères » sur la qualité ainsi que l’accessibilité des services publics, rappelle-t-elle.

La chercheuse suggère entre autres la suspension partielle ou totale des versements au Fonds des générations. « Une telle mesure permettrait au gouvernement de réduire le déficit budgétaire, un objectif qui lui est cher, sans pour autant devoir faire des sacrifices dont écopera la population », note-t-elle. 

La crise qui en cache d’autres

Selon Guillaume Hébert, le redressement de l’économie ne doit toutefois pas faire perdre de vue au gouvernement du Québec les autres défis d’envergure auxquels il fait face. « La pandémie, c’est une crise parmi tant d’autres », souligne-t-il, citant en exemple la crise climatique, les inégalités de richesse ou encore la fragilité du système de santé, durement éprouvé depuis deux ans. « C’est le bon moment pour se poser des questions fondamentales sur le fonctionnement de nos sociétés », ajoute-t-il.

Selon Julia Posca, il faut « s’attaquer » aux problèmes qui ont été mis en exergue par la pandémie et « réparer » les choses. La chercheuse croit que le gouvernement doit se donner les moyens de réaliser les investissements nécessaires pour renforcer les services publics et accélérer la transition écologique, « deux avenues indispensables pour qu’on puisse surmonter les problèmes sociaux, sanitaires et environnementaux que le modèle économique actuel cause ». Comment ? En remettant en question « le dogme du déficit zéro » et en cherchant de nouvelles sources de revenus, par exemple l’instauration d’un nouvel impôt sur la richesse ou la lutte contre les paradis fiscaux, propose-t-elle.

Si le gouvernement choisit d’opter pour un retour à la normale « sans un changement radical de nos façons de faire », il y aurait de grands risques, ajoute Guillaume Hébert, comme une détérioration des services publics et un effritement de la confiance envers l’État. « Il y a des besoins beaucoup plus importants dans nos sociétés présentement que l’équilibrage des finances publiques, qui sont d’ailleurs plutôt en bonne posture », poursuit-il.

Les recherches de l’IRIS seront dévoilées dans le cadre du colloque « Après la pandémie : austérité, relance ou transition », qui est organisé par l’Université Saint-Paul et qui a lieu mercredi et jeudi.

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