Le retour des restaurants comme un baume pour l’âme

Le restaurant français Chez Lévêque était très achalandé lundi à l’heure du lunch.
Photo: Valérian Mazataud Le Devoir Le restaurant français Chez Lévêque était très achalandé lundi à l’heure du lunch.

C’est avec une grande joie que les clients et les employés des restaurants se sont retrouvés lundi dans de nombreuses salles à manger du Québec. D’autres restaurants, toutefois, se donnent encore quelques jours pour tout préparer.

Au café Le Club, sur le Plateau-Mont-Royal, la majorité des tables étaient occupées à midi par des clients concentrés sur leur ordinateur portable.

« Ça fait vraiment du bien de voir des gens, a affirmé Justine Leclerc, qui travaille de chez elle en gestion de projets marketing. Ça aide à ma productivité et à ma motivation. »

Selon le barista Alexis Morin, le commerce était aussi achalandé qu’avant la fermeture.

« Ça démontre à quel point les gens avaient très hâte de revenir à leur routine », a-t-il analysé derrière le comptoir de viennoiseries.

Quelques portes plus loin, au bistro L’Évidence, les clients étaient tout aussi ravis de ce retour à une certaine normalité.

« On vient ici depuis des années. Ça nous a manqué énormément », a témoigné Jacques Fracheboud, dégustant des œufs à la bénédictine avec sa conjointe.

Selon le propriétaire, Mourad Fhal, le téléphone n’a pas arrêté de sonner depuis le début de la matinée, les clients voulant vérifier si l’établissement était bien ouvert.

Au chic et gastronomique restaurant Chez Lévêque, sur l’avenue Laurier, une quinzaine d’employés s’activaient à l’heure du lunch dans une salle à manger au décor épuré, accompagnés par une odeur de blanquette de veau, de potage aux légumes et d’escargots à la crème.

Toutes les tables étaient occupées, et les employés avaient l’impression de revivre. « Psychologiquement, ça a été dur. Je suis une personne dynamique, alors être bloqué à la maison, je devenais fou », a témoigné Frédéric Triquet, responsable des découpes de viandes et passionné de charcuteries.

Pour lui, Chez Lévêque est une famille qu’il a enfin pu retrouver. « La restauration, on l’a dans le sang, dans le cœur », a renchéri sa patronne, Patricia Lévêque.

Des mesures qui ont fait mal

 

Malgré l’ambiance festive qui la gagne, Patricia Lévêque déplore toujours certaines mesures gouvernementales. « Je n’y croyais pas, quand ils ont annoncé le 30 décembre qu’on devait être fermés pour le réveillon du jour de l’An. S’ils nous avaient fermés le 3 janvier, on n’aurait pas perdu autant de nourriture et ça n’aurait pas changé grand-chose à la situation sanitaire, a jugé la directrice générale. Ça m’a ulcérée. »

Elle espère que les restaurants pourront bientôt remplir leurs salles à 100 %, plutôt qu’à 50 % comme c’est actuellement exigé. Selon elle, il est difficile d’être rentable avec cette contrainte, surtout pour les petits restaurants.

« Il ne faut plus qu’ils nous referment, a-t-elle ajouté. On n’est pas des yoyos. »

La clientèle fidèle était aussi au rendez-vous dans le décor floridien du Miami Déli, non loin du métro Préfontaine, aux dires du serveur John Henry. Très heureux de retrouver ce contact, il a toutefois senti qu’une bonne partie des gens sont « tannés » de se priver et seraient très affectés par une autre fermeture.

« Ils ont fait tous les efforts demandés par le gouvernement, et la situation ne s’améliore pas », a remarqué M. Henry, à quelques pieds d’un grand requin suspendu.

Un peu de socialisation, enfin

 

En soirée, la réouverture des bars offrant de la nourriture a été l’occasion pour plusieurs de retrouver un semblant de vie sociale, après une longue disette.

Ce fut le cas de Céleste Pierrot et Yoann Rako, rencontrés au bar Le Blind Pig, dans Hochelaga. Arrivés de France pour étudier et travailler à Montréal à l’automne, les deux amis n’ont pu découvrir la ville que très brièvement avant l’entrée en vigueur de strictes mesures sanitaires.

« On va pouvoir recommencer à vivre l’expérience de Montréal, s’est réjoui M. Rako. On nous a vendu la vie culturelle, la fête, la vie nocturne. »

Gabrielle Boisjoli et Olivier Roy, de leur côté, étaient heureux de pouvoir faire leur première sortie de couple depuis des lustres tout en encourageant un commerce de leur quartier.

 

La gérante du Blind Pig, Audrey Mandeville, a servi plusieurs clients, allumé une boule disco et ajusté la musique avant de confier ses observations au Devoir. Selon elle, la soirée ressemblait à un lundi normal. Une normalité bien appréciée après un mois d’incertitude.

Mme Mandeville a eu une pensée pour les employés des bars sans cuisine qui, eux, ne peuvent toujours pas travailler.

Quelques jours de délai

 

Le restaurant Joséphine, rue Saint-Denis, rouvrira plutôt mardi. Lors du passage du Devoir, une douzaine de personnes s’activaient à nettoyer les tables, astiquer les verres, réimprimer des menus et terminer la mise en place des plats, entre autres choses. Rouvrir le restaurant est complexe, selon le maître d’hôtel et sommelier Samuel Gagnon-Mackay, si bien qu’une journée supplémentaire a été nécessaire.

De leur côté, certains restaurants montréalais et lavalois de la bannière Les Enfants Terribles accueilleront des clients mercredi, alors qu’un autre, à la Place Ville Marie, attendra à jeudi. Celui de Magog a rouvert lundi.

« Il faut contacter tous les employés, construire les horaires, faire venir les commandes, cuisiner, nettoyer, changer la bière », énumère la présidente fondatrice, Francine Brûlé, pour expliquer ces délais.

Les Enfants Terribles cherchent aussi du personnel partout, si bien que leurs heures d’ouverture seront d’abord limitées dans plusieurs succursales, et seront bonifiées à mesure qu’ils engageront suffisamment d’employés.

L’Association Restauration Québec (ARQ) rappelle que les restaurateurs ont beaucoup souffert depuis le début de la pandémie. Selon leurs calculs basés sur le nombre de permis délivrés par le ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec, un restaurant sur six au Québec et un sur cinq à Montréal ont fermé leurs portes pour de bon entre février 2020 et janvier 2022. Cela représente 1239 restaurants à Montréal seulement.

Il s’agit d’une situation inédite, puisque ce nombre était presque tout le temps en augmentation avant 2020, indique l’ARQ. Quand les programmes d’aide gouvernementaux vont arrêter, l’ARQ s’attend à ce que davantage de restaurants subissent cette situation désolante.

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