La Banque du Canada maintient son taux directeur à 0,25%

La Banque du Canada a préféré patienter, car si l’économie canadienne connaissait un fort dynamisme à l’approche de 2022, l’arrivée du variant Omicron a freiné l’activité au premier trimestre.
Photo: Graham Hughes La Presse canadienne La Banque du Canada a préféré patienter, car si l’économie canadienne connaissait un fort dynamisme à l’approche de 2022, l’arrivée du variant Omicron a freiné l’activité au premier trimestre.

La Banque du Canada maintient son taux directeur à sa valeur plancher de 0,25 %, mais devrait augmenter les taux d’intérêt prochainement. Elle en a fait l’annonce mercredi matin alors que l’inflation continue d’atteindre des records au pays.

La remontée du taux directeur, historiquement bas et resté inchangé depuis bientôt deux ans, devra attendre. La Banque du Canada a préféré patienter, car si l’économie canadienne connaissait un fort dynamisme à l’approche de 2022, l’arrivée du variant Omicron a freiné l’activité économique au premier trimestre.

Elle envoie toutefois le signal qu’elle réduit ses assouplissements monétaires en cessant de fournir des « indications prospectives », un engagement exceptionnel de laisser les taux inchangés pour une longue période donnée.

« Les Canadiens doivent s’attendre à une suite d’augmentations de taux », a indiqué le gouverneur de la Banque du Canada, Tiff Macklem, en entrevue au Devoir. « Le moment et le rythme des hausses seront guidés par l’engagement de la Banque à atteindre la cible d’inflation de 2 % », a-t-il réitéré.

« On peut parier, sans trop risquer de se tromper, sur une hausse des taux en mars », estiment quant à eux les experts de la Banque Nationale du Canada. Même son de cloche du côté de chez Desjardins. « La porte est grande ouverte à une hausse des taux dès mars prochain », prévient l’économiste principal Benoit P. Durocher. « L’ensemble des taux d’intérêt subiront donc des pressions à la hausse dans les trimestres à venir. Cela aura inévitablement des effets restrictifs sur la demande. Le marché de l’habitation sera particulièrement à surveiller à cet égard », souligne-t-il.

Contrôle de l’inflation

Les pressions inflationnistes semblent préoccuper davantage les autorités monétaires. « Nous sommes bien conscients que l’inflation actuelle est bien au-dessus de notre cible, et il y a un fort consensus autour du fait qu’il faudra des taux d’intérêt plus élevés », reconnaît M. Macklem. Les prévisions de la Banque du Canada concernant l’inflation pour 2022 ont été considérablement rehaussées, passant de 3,4 % à 4,2 %.

En décembre dernier, l’inflation annuelle mesurée par l’indice des prix à la consommation (IPC) atteignait 4,8 % — son niveau le plus élevé enregistré depuis 30 ans, soit depuis septembre 1991.

Devant l’impossibilité de dépenser de l’argent dans les services, les Canadiens ont dépassé leur argent dans la consommation de biens, souligne M. Macklem. Cette hausse de la demande pour les biens, conjuguée aux perturbations de la chaîne d’approvisionnement, a créé des goulots d’étranglement et des hausses de prix qui devraient toutefois se normaliser au cours de la prochaine année à mesure que la crise s’estompe, évalue-t-il.

Au premier trimestre 2022, l’inflation devrait encore rester aux alentours de 5 %, indique la Banque du Canada dans son rapport sur la politique monétaire. Cependant, « les pressions inflationnistes associées à la forte demande, aux pénuries et aux prix élevés de l’énergie devraient diminuer au cours de l’année », estime-t-elle. L’inflation devrait reculer « relativement rapidement » jusqu’à environ 3 % d’ici la fin de 2022, puis diminuer progressivement en 2023 et 2024 jusqu’à avoisiner 2 %.

« Comme dans toutes prévisions, il y a des risques. Mais on peut penser que les risques sont équilibrés », estime M. Macklem. Face aux préoccupations grandissantes des Canadiens, le gouverneur de la Banque du Canada a tenu à rappeler que l’institution qu’il dirige a le contrôle de l’inflation. « Nous avons contrôlé l’inflation avec beaucoup de succès depuis plus de vingt-cinq ans. Oui, il y a eu des fluctuations, mais on a toujours réussi à retourner à une inflation très proche de notre cible », fait-il valoir.

Inégaux face à la hausse des taux

Le gouverneur de la Banque du Canada est bien conscient que la hausse des taux ne produira pas les mêmes conséquences chez tous les Canadiens, selon leur endettement.

 

« Nous avons souligné à plusieurs reprises que la hausse de l’endettement des Canadiens est une vulnérabilité pour l’économie canadienne, et donc on en tient compte dans notre trajectoire de la hausse des taux », souligne M. Macklem.

Le taux d’épargne a grimpé chez certains qui ont profité de la pandémie pour limiter leurs dépenses. « Pour ces ménages, la montée des taux aura moins d’effet », explique le gouverneur. Tandis que d’autres ménages ont contracté des hypothèques pour acquérir une propriété. « Pour eux, l’augmentation aura des effets. Mais on a seulement une politique monétaire canadienne », ajoute-t-il.

« Une des raisons de donner ce signal très clair aujourd’hui, c’est de préparer les Canadiens au fait que les taux vont monter. Surtout pour ceux qui ont des hypothèques à taux d’intérêt variable », précise M. Macklem. La Banque du Canada procédera par étapes pour remonter les taux, en évaluant à chaque étape leurs répercussions sur l’économie canadienne, assure le gouverneur.

La prochaine décision de la Banque du Canada concernant le taux directeur aura lieu le 2 mars.



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