Les frères qui veulent contribuer à l’effort de dépistage

Il y a quatre ans, Keith et Éric Éthier étaient respectivement professeur de philosophie et dirigeant d’une entreprise de services événementiels. Aujourd’hui à la tête de MedSup Medical, ces frères originaires de Magog distribuent chaque semaine entre 20 et 30 millions d’instruments médicaux et ont le mandat de fournir 70 millions de tests de dépistage rapide au gouvernement du Québec.
« Éric est un maître logisticien, un opérateur hors pair. Je suis plus dans les chiffres, les relations et le discours », rapporte Keith Éthier, aîné et philosophe du duo, qui avertit qu’il « réfléchit à voix haute ».
En 2018, le duo créait MedSup à partir de rien, si ce n’est sa fibre entrepreneuriale. Celle-ci s’est manifestée chez Éric dès son jeune âge.
« À 12 ans, il avait pris en otage le garage de la maison et l’avait transformé en atelier pour se lancer en affaires. Il organisait des événements pour les adolescents. Il était DJ, il achetait de vieux haut-parleurs, il les retapait, il planifiait », raconte Keith lors d’une entrevue en vidéoconférence avec son collègue.

Le jeune entrepreneur a par la suite fondé Média Spec, une entreprise de solutions techniques et logistiques adaptées à divers événements, allant des congrès aux spectacles musicaux. Keith y contribuait alors tout en continuant d’enseigner au cégep. Cette expérience s’avère moins éloignée de la distribution de fournitures médicales qu’il n’y paraît.
« L’événementiel, c’est de la gestion de problèmes, c’est de la planification de scénarios catastrophes. C’est très compatible avec une pandémie », souligne Éric, président de MedSup. « Répondre à des urgences de gouvernements, on fait ça tout le temps maintenant », ajoute-t-il.
Autre point similaire : une bonne partie de l’approvisionnement en matériel événementiel se fait en Asie. Finalement, c’est notamment en gérant des événements pour des associations médicales qu’Éric a pris conscience de certains besoins matériels et s’est fait de nombreux contacts dans le domaine. MedSup faisait alors ses modestes débuts en fournissant du matériel non médical, comme des sarraus et des uniformes, à des pharmacies et à des cliniques.
Répondre à des urgences de gouvernements, on fait ça tout le temps maintenant
Une explosion de la demande
Mais la pandémie a tout changé. La demande de seringues, de gants, de jaquettes, de masques et d’autres instruments médicaux de base a explosé, et les grands distributeurs ne réussissaient pas à y répondre complètement. C’est là que MedSup est entré en jeu, avec un modèle d’affaires différent.
« Les grands distributeurs n’ont généralement pas beaucoup de stocks. Ce qui rentre dans l’entrepôt est immédiatement ressorti et redirigé. Nous, on n’avait pas le choix d’avoir de bons stocks pour répondre à des demandes ponctuelles, inégales dans le temps, très urgentes », explique Keith, qui a quitté l’enseignement au cégep pour se concentrer sur son rôle de directeur général. MedSup a présentement une réserve stratégique de 300 millions d’instruments médicaux.
Pour réussir leur expansion sans tomber, les deux frères ont dû s’entourer de personnes compétentes, estime Éric. L’un d’eux est l’homme d’affaires sino-canadien Zhong Li, qui se fait aussi appeler John Lee, président du groupe de distribution d’aluminium Sinobec. Li Family Holding, lié à M. Li, est maintenant l’actionnaire principal de MedSup, mais non majoritaire.
« Ses compétences nous ont permis de gagner en efficacité, en logistique internationale, en réseau, en solidité », indique Éric. Il a aidé l’entreprise à briser des barrières culturelles et langagières en Asie. MedSup a maintenant des installations en Ontario et en Colombie-Britannique, de même que des équipes aux États-Unis et en Asie.
Renforcer l’autonomie du Québec
Une grande priorité des deux dirigeants de MedSup est toutefois de rapatrier une partie de la production et de l’expertise au Québec. Un exemple de cette volonté est leur stratégie relative aux tests de dépistage rapide de la COVID-19.
Les premiers millions de tests promis au gouvernement du Québec seront importés de Chine. Mais grâce à des ententes avec des fournisseurs de l’étranger, l’entreprise québécoise s’attelle déjà à construire une usine à Saint-Laurent pour les produire ici dès février ou mars. Son modèle de test est par ailleurs toujours en attente d’une approbation de Santé Canada.
Forts d’un partenariat avec l’entreprise québécoise de recherche IR&T (Imagerie recherche & technologie), les frères Éthier ont ensuite l’intention de mettre au point une toute nouvelle génération de tests rapides, plus faciles à utiliser pour le grand public. Et ils ne comptent pas s’arrêter là.
« Dans notre usine de Saint-Laurent, on a réservé un étage complet à des start-up en technologies médicales pour leur donner une chance de profiter de nos laboratoires et de notre réseau de distribution. Le Québec est une pépinière à bonnes idées médicales de haut niveau. Mais c’est souvent l’étape de la mise en marché qui manque, et c’est là que MedSup est super bon », lance Éric, enthousiaste.
C’est une expérience humaine très exigeante
Un projet d’usine de production d’un autre type d’instrument médical est aussi en marche, mais les deux dirigeants estiment qu’ils ne peuvent pas encore en dévoiler la nature.
Les deux pères de famille disent accorder aussi beaucoup d’importance à la réduction de l’empreinte environnementale de leurs activités. Ils ont d’ailleurs fondé le programme de recyclage d’équipements de protection Go Zero. Ils s’associent aussi à des entreprises d’économie sociale pour encourager l’inclusion de personnes ayant des limitations à l’emploi.
À travers toute cette expérience, Keith et Éric Éthier sentent qu’ils participent à limiter la souffrance causée par la COVID-19. « La pression est forte, reconnaît Keith. C’est une expérience humaine très exigeante, parce qu’en fin de compte, il y a des instruments qui servent à soutenir des gens vulnérables. »