Martin Caron, nouveau visage des producteurs agricoles

Les vaches laitières de Martin Caron beuglent lorsque des inconnus, comme une journaliste et un photographe du «Devoir», s’aventurent sur sa ferme de Louiseville, en Mauricie.
Photo: Jacques Nadeau Le Devoir Les vaches laitières de Martin Caron beuglent lorsque des inconnus, comme une journaliste et un photographe du «Devoir», s’aventurent sur sa ferme de Louiseville, en Mauricie.

L’agriculture québécoise est appelée à se transformer, entre les défis des changements climatiques, de l’économie mondiale, de la pénurie de main-d’œuvre et du bien-être animal, pour ne nommer que ceux-là. Le nouveau président de l’Union des producteurs agricoles, élu en novembre, compte placer les agriculteurs au cœur de cette marche en avant, sans toutefois brusquer les choses.

Les vaches laitières de Martin Caron beuglent lorsque des inconnus, comme une journaliste et un photographe du Devoir, s’aventurent sur sa ferme de Louiseville, en Mauricie. Elles sont une cinquantaine dans le troupeau, légèrement plus petit que la moyenne québécoise, qui est de 76 vaches, selon les Producteurs de lait du Québec.

Sur un des silos à grains est inscrit le nom de la ferme Macha, contraction de Martin et Chantal, sa femme, avec qui il a repris l’entreprise en 1994. Le producteur laitier et céréalier présente avec nostalgie la modeste propriété qui appartenait autrefois à ses parents.

« Je suis né dans la maison grise là-bas. Actuellement, c’est mon garçon qui habite là, raconte l’homme de 56 ans. Dans le temps, il y avait quelques vaches laitières, des poules pour les œufs, des cochons. C’était de l’agriculture diversifiée, et ma mère avait un jardin qui partait de la route et se terminait au bout de la bâtisse, ici. »

« Quand on commence en affaires, les gens disent qu’ils sont au bas de l’échelle, mais mon père disait souvent que leur échelle à eux, il fallait en réparer les barreaux », ajoute le président du regroupement syndical agricole québécois.

La maison où il vit avec Chantal se trouve en face de l’étable. Il y rentre pour poursuivre l’entrevue dans la salle à manger, concocte deux cafés et verse du lait cru de ses propres bêtes dans un crémier en verre.

Quand M. Caron a commencé à s’impliquer dans le milieu associatif agricole, il y a une trentaine d’années, c’était pour valoriser ceux qui, comme ses parents, trimaient dur sans grande reconnaissance.

« L’organisation s’appelait les Futurs Professionnels de l’agriculture. On faisait des activités pour inciter les gens à acheter des produits du Québec », souligne l’agriculteur.

Quelques années plus tard, alors qu’il était président de la branche de l’UPA en Mauricie, il a démarré la campagne « L’UPA, c’est moi », offrant au public, en ligne et sur des affiches, une description de ses membres. L’application mobile et le site Internet Mangeons local, lancé par l’UPA à l’été 2020, poursuivent le même objectif.

« Je veux amener les citoyens consommateurs à comprendre ce qu’on vit, parce qu’il y a une distanciation entre les deux », dit celui qui trait encore ses vaches la fin de semaine, malgré son travail quasi à temps plein à l’UPA.

Pour respecter l’environnement

M. Caron estime que des pratiques agricoles doivent être revues pour mieux protéger l’environnement. Il insiste, à titre d’exemple, sur le fait qu’il est généralement contreproductif de travailler les sols à l’automne, comme le font de nombreux producteurs.

« Il faut avoir une couverture végétale à l’automne pour maintenir la structure du sol. Si je laisse mes sols à nu et qu’il y a de grands coups d’eau, j’ai beau avoir diminué mes pesticides, le sol va se ramasser dans les cours d’eau, avec les résidus de pesticides et d’engrais », décrit-il.

M. Caron dit faire lui-même des efforts. Une cinquantaine des 250 hectares qu’il loue pour la production de céréales diverses est consacrée à « l’agriculture raisonnée » de blé, d’orge et d’avoine. Il n’utilise donc ni pesticides ni engrais sur cette portion.

« J’ai beaucoup appris des producteurs bios. Par exemple, on a un peigne pour enlever les mauvaises herbes », explique-t-il.

Son blé est moulu en farine et vendu localement pour la consommation humaine, son avoine sert à faire du gruau, et son orge est utilisée par certaines microbrasseries.

Pour que des actions environnementales adéquates soient faites par les agriculteurs, il est toutefois souhaitable d’utiliser la carotte plutôt que le bâton, de la formation et de l’accompagnement plutôt que des obligations administratives, selon M. Caron. Les agriculteurs sont enterrés sous les formulaires à remplir pour divers ministères, dit-il, ce qui leur mange du temps qu’ils pourraient consacrer au développement de stratégies globales adaptées à leur réalité et basées sur leurs expertises. Faire simplifier cette paperasse sera un des combats principaux de son mandat.

Sous le signe de la continuité

 

Siégeant au conseil exécutif de l’UPA depuis une dizaine d’années, le président de l’UPA admet que ses projets sont en continuité avec ceux de son prédécesseur, Marcel Groleau. Pour favoriser l’accès aux terres pour la relève, il maintient que le morcellement des terrains en plus petits lots, comme compte le favoriser le gouvernement provincial, n’est pas une bonne solution.

« Il y a des lots qui sont déjà là. Il faut plutôt bonifier et actualiser les programmes et les primes à l’établissement destinés à la relève », croit celui qui cherche d’ailleurs à transférer sa propre ferme laitière, puisque son fils ne souhaite pas poursuivre seul dans cette voie.

Il rappelle également que la pénurie de main-d’œuvre est criante en agriculture, si bien qu’il faut faciliter l’immigration permanente et l’arrivée de travailleurs étrangers temporaires.

Pour ce qui est du bien-être animal, il souligne que les pratiques évoluent en fonction de la recherche et de diverses consultations au sein des secteurs touchés. « Combien de temps les vaches devraient-elles avoir pour marcher, par exemple », se demande-t-il notamment. « Mais on a toujours en tête de rester compétitif. Ce n’est pas juste aux producteurs d’assumer les coûts liés à ça », souligne celui que sa femme décrit comme « un gars d’équipe ».

M. Caron assure que l’UPA est plus nécessaire que jamais pour amener les producteurs de tous types, petits et grands, à trouver des solutions à leurs défis et à mettre en commun leurs efforts de mise en marché, de promotion et de recherche.

« Au quotidien, nos gens participent à un projet de société, celui de nourrir les Québécois. »

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