Pandémie, semaine de quatre jours et… vacances illimitées

Plutôt que la semaine de quatre jours, GSoft a plutôt opté pour une formule de vacances «illimitées».
Photo: Photo GSoft Plutôt que la semaine de quatre jours, GSoft a plutôt opté pour une formule de vacances «illimitées».

On se répète : la pandémie a profondément bouleversé la vie de bureau au sein d’à peu près toutes les entreprises québécoises. Même s’il se heurte à un mur ces jours-ci, le retour au bureau prévu pour les prochains mois laisse entrevoir un changement des mentalités en matière de gestion des ressources humaines : plus de flexibilité pour l’employé, meilleur dosage travail-famille, plus grand souci de la santé mentale, etc. Rien de bien nouveau pour GSoft, un éditeur de logiciel qui tente depuis des années de faire éclater le traditionnel neuf-à-cinq…

GSoft, qui développe des logiciels pour les entreprises destinés aux travailleurs et aux ressources humaines, a connu une année 2021 sur les chapeaux de roues. La PME montréalaise a atteint cette année le seuil des 100 millions de dollars en revenus annuels récurrents, quinze ans après sa fondation. Et pourtant, ce que le public connaît le plus de GSoft est probablement sa gestion très informelle de l’horaire de ses travailleurs. L’occasion est bonne pour questionner Simon De Baene, cofondateur et p.-d.g. de GSoft, sur sa vision de ce que sera le lieu de travail postpandémique.

Le travail « hybride »

À dix jours de Noël, la plupart des employeurs québécois se préparaient à un retour progressif au bureau à partir du mois de janvier. Le variant Omicron de la COVID-19 a bouleversé les plans, mais l’objectif de revenir un jour à un mode de travail « hybride » jumelant des journées de travail à distance et des journées au bureau reste bien ancré dans la tête des employeurs. GSoft a adopté cette approche bien avant la pandémie, soit en 2013. Quelles leçons en tire l’entreprise ?

« Nous avons ce qu’on pourrait appeler une politique de flexibilité extrême », dit Simon De Baene. « Nous sommes très fiers de la façon dont nos bureaux sont conçus et nous comptons les conserver, mais les gens sont libres de travailler d’où ils veulent. Les entreprises qui veulent donner à leurs employés plus de flexibilité, mais pas trop, je trouve ça un peu intrigant. Ce n’est pas vrai qu’un travailleur est plus compétent quand il se trouve dans le même local que ses collègues. Il y a des tâches qui se font mieux ailleurs, comme à la maison. Il existe plein d’exemples autres que nous au Canada pour l’illustrer. L’important est d’avoir des règles claires qui permettent de bien travailler ensemble. »

La semaine de quatre jours

 

Des projets pilotes testant l’efficacité de la semaine de travail de quatre jours effectués par certains employeurs un peu partout sur la planète laissent croire qu’il est possible de faire profiter tout le monde d’un week-end de trois jours — à conditions salariales égales — sans subir une perte de productivité. Le cas le plus souvent cité est celui de la société Microsoft, qui a adopté cette formule dans ses bureaux au Japon. La formule fait rêver à peu près tout le monde, mais elle n’est peut-être que cela : du rêve, craint le p.-d.g. de GSoft.

« Les gens qui rêvent de ne travailler que quatre jours par semaine sont souvent ceux qui ont un emploi qui les empêche de le faire. Au Japon, les conditions de travail sont très différentes des nôtres : les employés de bureau se surmènent beaucoup. Et Microsoft est une société logicielle, ce qui suggère des conditions de travail plus adaptées à ce genre de formule. Les entreprises peuvent offrir de bonnes conditions de travail sans que ce soit la semaine de quatre jours. »

Des vacances « illimitées »

Plutôt que la semaine de quatre jours, GSoft a plutôt opté pour une formule de vacances « illimitées ». Les employés n’ont pas un nombre formellement entendu de jours de congé qu’ils doivent absolument prendre chaque année. Cela ne signifie pas pour autant que ses employés se retrouvent plus souvent que leurs homologues d’autres entreprises sur les plages des pays équatoriaux, assure Simon De Baene.

« En fait, nous n’avons pas de politique formelle sur la durée des vacances. Nous laissons nos employés décider. En général, les gens prennent congé de quatre à six semaines par année. Évidemment, dans le secteur technologique, les conditions de travail sont bonnes. C’est d’ailleurs en voulant imiter ce que Google fait que nous avons eu cette idée. Mais on fait confiance à nos employés, et ça fonctionne bien pour nous. »

L’aide québécoise aux technos

Les technologies occupent une place de plus en plus grande dans l’économie québécoise. Le gouvernement Legault mise sur ce secteur pour hausser la valeur du salaire moyen et ainsi rattraper la moyenne ontarienne, ce qui serait selon lui un signe que le Québec s’enrichit durablement. La province commence cependant à être victime de son succès, clame plus d’un entrepreneur, qui voit des multinationales étrangères venir embaucher ici des gens qu’il aurait bien aimé avoir comme employés. Selon ces entrepreneurs, ce n’est pas de la création d’emplois, puisque ces géants viennent débaucher des gens qui ont déjà du travail. Il est peut-être temps de revoir l’aide gouvernementale pour rééquilibrer l’industrie, constate l’entrepreneur montréalais.

« Le Québec n’est plus ce qu’il était en 2006. Les entreprises étrangères viennent embaucher ici, mais les emplois qu’elles créent, ils existent déjà au sein d’entreprises québécoises qui n’ont pas les mêmes moyens pour recruter. Au stade où GSoft se trouve, on s’en tire plutôt bien, mais j’aurais beaucoup plus de difficultés à recruter si je démarrais une entreprise aujourd’hui, plutôt qu’il y a quinze ans. Je pense que ce serait un bon moment pour revisiter la façon dont le gouvernement aide le secteur. Le Québec est aujourd’hui capable de créer les géants technologiques de demain. Il doit être possible d’aider ces entreprises tout en continuant d’encourager l’investissement étranger. »

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Un employeur doit-il nécessairement offrir le meilleur salaire s’il souhaite attirer les meilleurs employés ?

 

Le salaire pèse évidemment beaucoup dans la balance pour l’employé : faire plus d’argent signifie qu’il pourra plus facilement faire un premier paiement sur une maison, fonder une famille… Mais une entreprise peut attirer des travailleurs de talent en misant aussi sur la transparence : les gens veulent aussi vivre une expérience, que ce soit de travailler dans un contexte de startup, de faire partie d’un projet dont les valeurs lui sont chères. En tant que dirigeant, il faut que tu trouves ce qui démarque ton entreprise et miser là-dessus pour attirer les bonnes personnes.

 

Simon De Baene


En un clin d’oeil

100 millions de dollars en revenus annuels récurrents (2021)
17 500 entreprises clientes
dans 105 pays
275 employés
Fondée en 2006



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