Les vins québécois, gagnants du conflit à la SAQ

Simon Boutet et Lambert St-Cyr, propriétaires de la boutique Cinqàsept, à Montréal, affirment que leur achalandage a augmenté de façon considérable depuis quelques semaines.
Photo: Jacques Nadeau Le Devoir Simon Boutet et Lambert St-Cyr, propriétaires de la boutique Cinqàsept, à Montréal, affirment que leur achalandage a augmenté de façon considérable depuis quelques semaines.

Le conflit de travail à la Société des alcools du Québec (SAQ) semble servir la cause des vins québécois. Face aux tablettes dégarnies de la société d’État, les consommateurs se tournent massivement vers les nombreuses boutiques spécialisées qui vendent exclusivement des alcools de chez nous.

En cette fin d’année, le propriétaire du vignoble Les Bacchantes a écoulé son stock plus rapidement que jamais. « On a décidé de sortir notre mousseux maintenant, mais à part ça, il ne nous reste plus rien », indique avec joie Sébastien Daoust.

Comme la majorité des 150 vignerons du Québec, il vend ses bouteilles en dehors du réseau de la SAQ. Plusieurs milliers d’épiceries, de boutiques et de restaurants possèdent les permis nécessaires pour vendre des bouteilles de vin, de bière et de cidre achetées directement auprès des producteurs, pour peu que ces derniers soient québécois.

M. Daoust constate que depuis le début de la pandémie, avec l’engouement pour l’achat local, de plus en plus de commerces lui commandent des caisses. « Les gens ont découvert que leur petite épicerie de quartier a des vins du Québec. Et la grève à la SAQ fait accélérer le processus », relate le vigneron.

« Depuis le conflit, quand les restaurants ont commencé à voir un problème d’approvisionnement sérieux, plusieurs se sont tournés vers les vins du Québec. J’ai 120 caisses qui sont parties d’un coup dans des restaurants », ajoute celui qui est aussi trésorier du Conseil des vins du Québec.

Nicolas Pomerleau, copropriétaire du vignoble Coteau St-Paul, fait le même constat. Il reçoit plus de commandes que jamais de la part de petits commerces, répartis partout dans la province.

 

« La grève a amené une clientèle qui n’était pas fidélisée au vin du Québec à tomber dans le bain. »

Des effets durables souhaités

 

Les propriétaires de la boutique Cinqàsept, à Montréal, affirment que leur achalandage a radicalement augmenté dans les dernières semaines. Lambert St-Cyr et Simon Boutet espèrent avoir gagné des adeptes sur le long terme.

« Les gens découvrent la qualité des vins du Québec, leur diversité. Il y a de bons produits à des coûts abordables », vante M. Boutet.

M. St-Cyr estime que la stigmatisation des vins québécois n’a plus lieu d’être aujourd’hui. « Les vignerons ont commencé à trouver des techniques pour désacidifier les vins. […] Il y a un côté parfois fruité et soyeux aux cépages d’ici. On voit pour l’avenir une demande grandissante, quand les gens vont voir ce que ça goûte. »

Selon Sébastien Daoust, des changements législatifs pourraient encore être faits pour faciliter la vie aux vignerons comme lui. Il souhaiterait que la loi ne les oblige plus à livrer eux-mêmes leurs bouteilles aux commerçants.

« On est 150 vignerons à tourner en rond sur Le Plateau-Mont-Royal pour se trouver une place de stationnement. Je ne peux même pas demander au vignoble voisin d’apporter ma caisse pour moi. C’est une perte de temps dommageable pour les vins québécois. Si ça changeait, je pourrais passer plus de temps dans le champ qu’en ville. »

Par ailleurs, le conflit à la SAQ est loin de ne faire que des heureux dans l’écosystème du vin québécois. Le travail des agences de vin, bières et spiritueux du Québec est de beaucoup ralenti par les effets des trois jours de grève de novembre et des autres moyens de pression des travailleurs d’entrepôt.

Ceux qui effectuent de l’importation privée n’y échappent pas, car les produits doivent quand même passer par les entrepôts du monopole de la distribution de vins étrangers et de spiritueux, souligne Roch Bissonnette, président du conseil d’administration de l’association A3 Québec.

M. Bissonnette se croise les doigts pour que les travailleurs entérinent, d’ici samedi soir, l’entente de principe conclue entre leur syndicat et leur employeur.

À voir en vidéo