Emplois en TI : Montréal en tête de peloton nord-américain

La pandémie n’a pas ralenti la croissance du secteur montréalais des technologies de l’information (TI), bien au contraire. Malgré une surchauffe de l’emploi dans ce domaine, le virage numérique des entreprises en quelque sorte forcé par les circonstances particulières des derniers mois pourrait s’avérer très profitable pour la métropole à plus long terme.
La création d’emplois dans les TI s’est accélérée plus rapidement à Mont-réal que dans pratiquement toutes les autres grandes villes nord-américaines en 2019 et 2020. C’est ce que révèle la cinquième édition d’une étude sectorielle dévoilée mercredi et réalisée conjointement par l’Institut du Québec (IDQ), Montréal international et la Chambre de commerce du Montréal métropolitain (CCMM). En interprétant des données de Statistique Canada et du Bureau américain des statistiques du travail, l’étude conclut à une hausse de 15,7 % du nombre d’emplois en TI à Montréal durant ces deux années, comparativement à 10,9 % pour Toronto et à 7,4 % pour Vancouver.
Avec Boston (+4,7 %), les trois villes canadiennes sont les seuls marchés métropolitains d’Amérique du Nord à avoir vécu une hausse de l’emploi dans les technologies durant la pandémie.
Seule note légèrement négative pour les professionnels montréalais des TI : la hausse moyenne des salaires provoquée par cette demande accrue s’est avérée moins prononcée ici (+1,4 %) qu’elle l’a été à Vancouver (+1,6 %), mais supérieure à Toronto (+1,1 %). Les analystes expliquent cette situation par une plus grande disponibilité qu’ailleurs au Canada de travailleurs spécialisés dans les technologies.
« La rareté de la main-d’œuvre en TI est bien présente à Montréal, mais les employeurs semblent s’en tirer pas trop mal en matière d’embauche par rapport au reste du pays », explique Emna Braham, directrice adjointe à l’Institut du Québec. Dans une nuance importante qui fera plaisir au premier ministre François Legault, qui a fait du rattrapage salarial du Québec par rapport au reste du Canada une de ses priorités en matière de politique économique, Mme Braham précise toutefois que la hausse des salaires varie quand même beaucoup selon le type d’emploi dont il est question.
Ainsi, certains profils d’emplois très présents à Montréal, comme ceux qu’on retrouve dans le secteur du multimédia, ont vu leur salaire augmenter plus rapidement que ceux d’autres secteurs. Dans l’ensemble, Montréal traîne aussi de la patte du côté de la parité dans les TI. Les femmes occupaient en 2020 19 % des emplois du secteur, qui vont des agents de soutien informatique aux gestionnaires de département, alors qu’elles occupaient 22 % de ces mêmes emplois à Toronto ainsi qu’à Vancouver.
Pour s’assurer que l’économie de la province tire pleinement profit de l’effervescence dans ce secteur, les trois organismes derrière cette étude réclament de revoir en conséquence les programmes de formation et de rétention de la main-d’œuvre, ainsi que les programmes d’immigration. L’aide au recrutement dans les TI annoncée lundi par le ministre québécois du Travail et de l’Emploi, Jean Boulet, est d’ailleurs bien reçue par les intervenants.
« On voit que l’économie québécoise a effectivement pris un virage numérique, dit Mme Braham. On n’a plus seulement besoin de spécialistes des technologies, mais de professionnels dans différents domaines qui ont une bonne connaissance des technologies. On ne parle plus de compétences techniques, mais d’un écosystème de compétences. »
53 000 travailleurs en attente
Dans le cadre de son mandat d’attirer puis d’accompagner localement les investisseurs étrangers, l’organisme Montréal international a lancé en février dernier un site Web appelé Talent Montréal et destiné à faciliter le recrutement d’experts étrangers en technologie. Ce site comporte présentement une banque de quelque 53 000 candidats prêts à travailler pour un employeur montréalais, indique Christian Bernard, vice-président talents internationaux, intelligence d’affaires et communications chez Montréal international. « Si les frontières demeurent ouvertes, on prévoit que l’année 2022 sera très occupée sur le plan du recrutement international », dit-il.
Montréal international s’est même dotée d’une équipe spécialisée dans la « mobilité internationale de la main-d’œuvre » pour accélérer le traitement de la paperasse nécessaire à l’embauche de travailleurs situés à l’extérieur du pays. L’organisme calcule qu’élargir le bassin de travailleurs spécialisés dans les technologies améliorera de façon durable la compétitivité et la productivité de Montréal et du Québec.
« La rareté des travailleurs en TI est observable dans tous les marchés avec lesquels Montréal entre en concurrence, continue M. Bernard. Nous créons actuellement plus d’emplois en TI que bien d’autres villes, mais le recrutement se complique de plus en plus. »
« La technologie est présente au sein de toutes les entreprises, et celles qui l’adoptent plus rapidement affichent une meilleure productivité. La disponibilité de la main-d’œuvre en TI est donc critique pour toute l’économie québécoise », estime pour sa part Emna Braham.
Ce texte a été mis à jour pour corriger les chiffres des hausses de salaire pour les professionnels des TI à Montréal, Vancouver et Toronto.