Des «centaines de millions» pour l’hydrogène et les bioénergies

Dans son dernier budget, Québec a alloué 20 millions de dollars pour le déploiement de la première stratégie québécoise de l’hydrogène vert et des bioénergies.
Photo: Hauke-Christian Dittrich dpa via Associated Press Dans son dernier budget, Québec a alloué 20 millions de dollars pour le déploiement de la première stratégie québécoise de l’hydrogène vert et des bioénergies.

Au moment où débutent les consultations sur le développement des filières de l’hydrogène et des bioénergies, le gouvernement du Québec envisage d’y injecter des « centaines de millions, voire au-delà du milliard » de dollars pour stimuler ces formes d’énergies d’ici 2030, selon les informations du Devoir.

Dans les prochaines années, le gouvernement compte augmenter considérablement l’aide financière proposée aux filières de l’hydrogène et de la bioénergie, ces énergies produites à partir de matières organiques. « Ça sera de l’ordre de centaines de millions, voire au-delà du milliard [de dollars] », évoque une source gouvernementale bien au fait des démarches, qui ne peut commenter le dossier publiquement.

Les montants précis devraient être communiqués ce printemps lors du dévoilement de la stratégie sur l’hydrogène vert et les bioénergies. Le ministère de l’Énergie et des Ressources naturelles a lancé vendredi dernier une consultation publique pour peaufiner cette stratégie qui doit définir « les grandes orientations afin de faire du Québec un chef de file mondial en la matière ».

Dans son Plan pour une économie verte 2030, publié en novembre 2020, le gouvernement soutient vouloir se positionner comme un « leader dans la production » d’hydrogène vert et les bioénergies. « Le développement de la filière de l’hydrogène vert demandera d’importants investissements du secteur privé. Le gouvernement devra rassurer les investisseurs en créant un contexte économique stable et prévisible », peut-on y lire.

Dans son dernier budget, Québec a alloué 20 millions de dollars pour le déploiement de la première stratégie québécoise de l’hydrogène vert et des bioénergies. Plus récemment, le ministère des Ressources naturelles a créé un bureau de développement de l’hydrogène vert et des bioénergies afin « de planifier et de coordonner le déploiement de ces filières ».

Le développement de ces filières nécessite d’importants investissements des secteurs privés et publics, selon Michel Archambault, président d’Hydrogène Québec, une association qui regroupe des entreprises de l’industrie : « Développer des technologies et déployer des infrastructures, ce sont des défis à relever qui demandent de l’argent. Au départ, il y a peu de prévisibilité aussi bien sur le volume de production que sur ce que sera la demande. »

C’est ce qui explique, selon lui, les investissements considérables observés en Europe et aux États-Unis. Le 15 novembre dernier, le président américain, Joe Biden, signait une loi sur les infrastructures qui prévoit des investissements de huit milliards de dollars américains dans l’hydrogène.

La « fièvre de l’hydrogène »

Des experts de l’énergie interviewés par Le Devoir s’entendent sur le fait que l’hydrogène et les bioénergies ont leur rôle à jouer dans la réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES). L’ordre des montants évoqués laisse présager que le gouvernement espère faire de ces filières des piliers de sa stratégie de décarbonation.

Titulaire de la Chaire de gestion du secteur de l’énergie à HEC Montréal, Pierre-Olivier Pineau remet particulièrement en question cette « fièvre de l’hydrogène » : « Si l’hydrogène remplace le gaz naturel, le coût de décarbonation revient grosso modo à 300 dollars la tonne de GES. » Des sommes importantes qui pourraient servir à des projets plus efficaces et moins onéreux pour réduire les émissions de GES, estime-t-il.

Le Québec n’a pas besoin de se précipiter et d’investir dans la première génération de technologies, dont celle des électrolyseurs, selon lui : « C’est la deuxième ou troisième génération qui sera la meilleure. »

Il rappelle que l’avantage de la province réside principalement dans son hydroélectricité. « Cet avantage sera toujours là dans quelques années. Les vrais gains dans la production énergétique, ça va être l’efficacité énergétique et des changements dans nos modes de consommation », dit-il.

Questionnement similaire de la part de Philippe Dunsky, président de Dunsky Énergie + Climat, une firme de consultants spécialisés en énergie. « L’hydrogène fait partie de la solution, mais pour des secteurs nichés », dit-il, citant les exemples de la production d’acier et la fabrication de fertilisants, comme l’ammoniac.

Les vrais gains dans la production énergétique, ça va être l’efficacité énergétique et des changements dans nos modes de consommation

Dans le cadre de la lutte contre les changements climatiques, « l’électricité devrait prendre la grande part du lion, et il ne faut pas rendre la marche de l’électrification inutilement difficile en choisissant de favoriser l’hydrogène là où il n’est pas le plus efficace ». Les investissements dans l’hydrogène et les bioénergies devraient représenter la place qu’ils occuperont dans la décarbonation, selon lui.

Dans une analyse énergétique publiée en juin, la firme Dunsky prévoit que l’hydrogène représentera environ 3 % de la consommation totale d’énergie au Québec en 2050, soit une « portion relativement petite de l’ensemble du bilan énergétique ». Les bioénergies pourraient quant à elles représenter 14 % alors que l’électricité grimperait à 71 % du bilan énergétique dans la province.

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