Airbnb rentre dans les bonnes grâces des villes québécoises

Les municipalités obtiennent de Québec de nouveaux pouvoirs qui les rendent soudainement moins appréhensives face au populaire service Airbnb.
Photo: Olivier Zuida Le Devoir Les municipalités obtiennent de Québec de nouveaux pouvoirs qui les rendent soudainement moins appréhensives face au populaire service Airbnb.

Au même moment où l’application californienne Airbnb lance une campagne de séduction des villes québécoises, les municipalités de la province obtiennent de Québec de nouveaux pouvoirs qui les rendent soudainement moins appréhensives face à ces populaires services d’hébergement de courte durée.

« Nous n’avons rien contre les services d’hébergement courte durée. Les municipalités sont contre les cas de nuisance qu’ils entraînent parfois », explique Joé Deslauriers, le président du Caucus des municipalités locales de l’Union des municipalités du Québec. Une nuance importante qui explique pourquoi le projet de loi 100 sur l’hébergement touristique adopté par l’Assemblée nationale en octobre dernier réjouit les municipalités, dit-il.

Celles-ci héritent notamment d’un contrôle sur la location à court terme sur leur territoire, peu importe s’il s’agit de la résidence principale ou secondaire du locateur.

Dans les versions précédentes de ce projet de loi, seules les résidences secondaires tombaient sous la supervision des administrations municipales.

 

Dans des localités comme celle de M. Deslauriers, qui est maire de Saint-Donat, les résidences principales et secondaires se trouvent entremêlées. Limiter le droit des uns mais pas des autres aurait créé « deux catégories de citoyens aux yeux de la loi », dit Joé Deslauriers.

Le cadre proposé par Québec permet de mieux encadrer la façon dont sont utilisés les services comme Airbnb pour éviter les débordements. « Nous pourrons suspendre pour deux mois la location d’une résidence après deux constats de nuisance. Au bout de trois constats, le permis de location sera suspendu à vie », résume M. Deslauriers. Ce dernier incite les municipalités du Québec à se doter d’une « politique du bon locateur », pour justement minimiser les abus.

« L’important est d’éviter un impact négatif sur le voisinage », conclut Joé Deslauriers.

Des données précieuses

 

Québec a aussi promis aux municipalités la création d’un portail d’information sur l’hébergement de courte durée pour les aider à mieux comprendre l’ampleur de ce phénomène partout en province. Qui loue, quels sont les prix par région, les destinations les plus fréquentées, etc.

Ironiquement, c’est en plein le genre de données qu’Airbnb a commencé à partager avec les administrations publiques un peu partout en Amérique du Nord il y a un an, via sa propre plateforme Web. Le service californien opte d’ailleurs ces jours-ci pour la séduction à la fois des villes et des voyageurs d’affaires pour tenter de relancer ses activités, tandis que l’industrie du voyage revient progressivement à la normale.

Airbnb a découvert que la durée des séjours réservés par ses utilisateurs s’est considérablement étirée depuis quelques mois et qu’une des explications derrière ce phénomène est le besoin pour des télétravailleurs de se retrouver en personne l’espace de quelques semaines.

« Les gens ne vont pas réserver une chambre d’hôtel pour un séjour d’un mois », dit au Devoir Nathan Blecharczyk, cofondateur et directeur de la stratégie d’Airbnb. « Ils vont songer à un service comme le nôtre. La preuve : l’élément le plus recherché sur notre plateforme ces derniers temps est la présence d’une connexion wifi de qualité. Les gens veulent savoir qu’ils peuvent effectuer un appel vidéo s’ils ont besoin de travailler une fois à destination. »

Pour Airbnb, privilégier les voyageurs d’affaires est faire d’une pierre deux coups. D’abord, comme ils étirent leurs séjours à l’étranger, ils génèrent davantage de revenus, à la fois pour le service et pour le locateur. Ensuite, ce sont des voyageurs beaucoup moins turbulents que ceux qui donnent mauvaise réputation à des services comme le sien. Aussi, c’est un moyen pour les lieux de villégiature d’accroître le nombre de touristes qui les visitent, maintenant que les voyageurs nord-américains recommencent à sortir de chez eux, ajoute M. Blecharczyk. « C’est un moyen d’accélérer la reprise des activités touristiques dans les villes qui en ont bien besoin, dit-il. Nous désirons d’ailleurs travailler avec les autorités municipales là-dessus pour les aider à reconquérir ce tourisme. »

L’entreprise inscrite à la bourse de New York depuis décembre 2020 veut se présenter comme une solution plutôt qu’un problème, surtout dans un contexte où l’immobilier est de moins en moins à la portée des acheteurs.

« Presque la moitié de nos utilisateurs disent que les revenus de location les aident à payer leur maison. C’est d’ailleurs pour cette raison que nous avons fondé Airbnb en 2008 : pour nous aider à payer notre propre loyer », se rappelle l’entrepreneur californien.

Un couteau à deux tranchants, nuance Joé Deslauriers. « Les gens qui prévoient louer leur résidence peuvent se permettre d’en acheter une qui leur coûtera plus cher. Mais quand des gens sont prêts à payer plus cher pour un logement, ça peut aussi faire augmenter les prix dans le marché… »

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