À partir du 1er décembre, les Québécoises travaillent «gratuitement»

Au Québec, les inégalités salariales entre les femmes et les hommes diminuent, mais persistent. Malgré la croyance que ces inégalités sont chose du passé, la rémunération horaire moyenne des femmes est encore inférieure de 8,1 % à celle des hommes, relève l’Institut de recherche et d’informations socioéconomiques (IRIS) dans une nouvelle étude.
En moyenne, en 2020, une femme touchait une rémunération de 26,98 $ l’heure au Québec. Un homme, quant à lui, percevait une rémunération horaire de 29,36 $. Rapporté sur une année, cet écart salarial entre les deux sexes signifie qu’à partir du 1er décembre, à 10 h 26, et jusqu’à la fin de l’année, les Québécoises « travaillent gratuitement » comparativement à leurs homologues masculins, indique l’IRIS.
En 1997, l’écart en pourcentage entre la rémunération féminine et celle masculine était deux fois plus important qu’aujourd’hui — signe que des progrès ont été réalisés. « Les choses s’améliorent, mais elles s’améliorent très lentement », observe Anne Plourde, coautrice de l’étude et chercheuse à l’IRIS. « Au rythme actuel, si on ne fait rien pour accélérer les choses, cela va prendre 50 ans avant d’atteindre l’égalité entre les hommes et les femmes », souligne-t-elle.
Et l’écart à combler est encore plus important en ce qui concerne le revenu annuel moyen, en raison du fait que les femmes sont surreprésentées dans les emplois à temps partiel. Au Québec, le revenu total des femmes (39 800 $) était plus faible de 23,8 % par rapport à celui des hommes (52 200 $) en 2019, selon le rapport.
« Ce qu’on a constaté dans notre étude, c’est que l’écart de rémunération s’observe peu importe la variable étudiée », mentionne Mme Plourde. « On ne peut pas expliquer cet écart, par exemple, par le fait que les femmes seraient moins bien éduquées ou qu’elles travailleraient davantage dans un certain type d’emploi. Parce que, pour des niveaux de scolarité équivalents, pour les mêmes statuts d’emploi [permanent ou temporaire] ou pour les mêmes industries, les femmes sont dans tous les cas sous-rémunérées par rapport aux hommes », ajoute la chercheuse.
Fait notable toutefois : la présence syndicale semble avoir un effet important sur l’écart de rémunération. À tel point qu’en 2020, l’écart salarial entre les femmes et les hommes travaillant à des postes syndiqués était presque inexistant, selon l’étude.
Pour des niveaux de scolarité équivalents, pour les mêmes statuts d’emploi [permanent ou temporaire] ou pour les mêmes industries, les femmes sont dans tous les cas sous-rémunérées par rapport aux hommes
Le Québec en meilleure posture que le Canada
Si l’égalité de rémunération n’a toujours pas été atteinte au Québec, la province fait tout de même meilleure figure que sa voisine l’Ontario, ou même que le Canada dans son ensemble — où les écarts de rémunération horaire entre les femmes et les hommes s’élèvent respectivement à 11,5 % et 11,3 %. Cela revient à dire qu’en 2020, c’est « à partir du 18 et du 19 novembre que les femmes [de l’Ontario et du Canada] ont commencé à travailler pour des prunes », fait-on remarquer dans le rapport.
Quels sont alors les éléments par lesquels le Québec se distingue pour obtenir un meilleur bilan ? « On peut faire plusieurs hypothèses », dit Anne Plourde. « En particulier, au Québec, on a mis des politiques publiques structurantes ces dernières années qui peuvent avoir amélioré les choses. On a la Loi sur l’égalité salariale, un réseau de garderies qui favorise la participation des femmes au marché du travail, un régime québécois d’assurance parentale, une plus forte syndicalisation que dans le reste de l’Amérique du Nord, etc. », souligne la chercheuse.
« Donc ça, c’est la bonne nouvelle : on se rend compte que, lorsqu’on fait ce type de choix collectifs, cela peut améliorer les choses en ce qui concerne l’égalité entre les hommes et les femmes. Et il faut continuer d’en faire plus », conclut-elle.