Le salaire minimum, clé de voûte de la lutte contre la pauvreté
Collaboration spéciale

Ce texte fait partie du cahier spécial Syndicalisme
Depuis la fondation de la Confédération des syndicats nationaux (CSN) en 1921, le combat pour la hausse du salaire minimum figure au cœur de ses priorités. Cette augmentation, qui a lieu chaque année le 1er mai, se décide durant les mois de novembre et de décembre. Selon la nouvelle présidente de la CSN, Caroline Senneville, ce dossier doit demeurer l’une des grandes priorités du monde syndical.
« Le salaire minimum est un indicateur très important du niveau de vie dans le pays, affirme Mme Senneville. Beaucoup d’emplois sont encore sous l’égide de ce salaire. Il est différent dans chaque province canadienne, car il fait partie des prérogatives provinciales, et non fédérales. Au Québec, la coalition syndicale veut un salaire minimum de 18 $ l’heure pour couvrir les besoins de base. Il doit permettre de vivre avec dignité, et pas dans la précarité. Ce salaire doit pouvoir permettre à tous de se loger, de se nourrir, de se soigner et de faire face aux différents aléas de la vie. »
Ces dernières années, le nombre de personnes se rendant dans les banques alimentaires a fortement augmenté au sein de la province. Parmi celles-ci, on voit une augmentation du nombre d’étudiants ou de salariés. Avec le salaire minimum actuel, il n’est pas possible de faire face aux dépenses du quotidien, et la pauvreté augmente. C’est encore plus vrai à Montréal, où le coût de la vie est sensiblement supérieur à celui en région. Les 18 $ l’heure proposés par la CSN se basent d’ailleurs sur le coût de la vie montréalaise.
Le salaire minimum doit pouvoir permettre à tous de se loger, de se nourrir, de se soigner et de faire face aux différents aléas de la vie
« Le salaire doit permettre aux personnes seules de sortir de la précarité, poursuit Caroline Senneville. L’autonomie économique de cette part de la population doit être maintenue pour faire diminuer la pauvreté. En 2016, nous avions proposé une hausse du salaire minimum à 15 $ étalée sur plusieurs années. La réaction fut très virulente de la part du gouvernement et des employeurs, car ceux-ci pensaient que l’emploi allait en pâtir, et que cela allait faire augmenter le taux de chômage. »
Attirer de nouveaux employés
Il faut cependant contraster cette crainte. En effet, depuis plusieurs années, le Québec fait face à une pénurie de main-d’œuvre sans précédent, et cela, même avec l’augmentation du salaire de base. L’emploi ne subit donc pas ces hausses successives que craignent les employeurs. De plus, quand le salaire augmente, l’argent injecté est redistribué dans l’économie au moyen de la consommation, ce qui forme un cercle vertueux, concept cher à l’économiste John Maynard Keynes. Enfin, les femmes gagneraient énormément à voir le salaire minimum augmenter de manière décente.
« Au sein de la société, les deux tiers des personnes qui gagnent le salaire minimum sont des femmes. Ce message de peur, véhiculé tant par le gouvernement que par les employeurs, doit donc cesser le plus vite possible. Cette exploitation de l’homme par l’homme n’est plus tenable dans nos sociétés occidentales, souligne la présidente de la CSN. Les femmes seules sont en particulier les plus fragiles. Difficile de faire face et de vivre dignement avec un salaire si bas et une famille à nourrir. Les politiciens et le patronat doivent comprendre qu’une hausse du salaire minimum diminuera les problèmes sociaux, les problèmes de santé, etc., et donc également l’absentéisme dans les entreprises. Si le salaire est supérieur, la productivité s’en trouvera fortement améliorée. »
Le contexte actuel apparaît par ailleurs idéal pour augmenter fortement le salaire. La pénurie de main-d’œuvre est très présente, et il faut attirer de nouveaux employés. Les entreprises tiennent cependant un double discours. Elles ont du mal à embaucher, mais ne veulent pas nécessairement augmenter le salaire.
« Les patrons demandent au gouvernement du Québec de subventionner les salaires, mais se plaignent ensuite de payer trop de taxes. C’est un peu l’image du chien qui se mord la queue. D’un autre côté, des chaînes de restauration rapide augmentent leur minimum salarial, car elles sont en pénurie de main-d’œuvre. Cela profite donc à tout le monde. Il faut s’interroger réellement sur le modèle économique et le modèle d’exploitation de la population. Travailler à temps plein et avoir encore faim est tout bonnement insupportable dans la société québécoise de 2021 », conclut la présidente.
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