Boom de PME à vendre au Québec

13% des entrepreneurs canadiens — représentant 170 000 PME — entendent faire croître leurs entreprises au cours des cinq prochaines années en procédant à des acquisitions.
Photo: Andrew Vaughan La Presse canadienne 13% des entrepreneurs canadiens — représentant 170 000 PME — entendent faire croître leurs entreprises au cours des cinq prochaines années en procédant à des acquisitions.

Parmi les petites et moyennes entreprises (PME) qui seront à vendre au Canada dans les prochaines années, presque le tiers seront situées au Québec, rapporte une étude. L’occasion sera belle pour les autres d’en profiter afin d’augmenter d’un coup leur chiffre d’affaires, d’accélérer l’acquisition de nouvelles technologies et de réduire leurs problèmes de rareté de main-d’œuvre.

Au total, presque un propriétaire de PME sur dix entend vendre son entreprise à quelqu’un d’autre qu’un membre de sa famille ou de l’entreprise au cours des cinq prochaines années au Canada, estime la Banque de développement du Canada (BDC) dans une étude qui doit être dévoilée mardi. Près du tiers (31 %) de ces 116 000 PME à vendre se trouveront au Québec, bien qu’il ne compte que pour 21 % du total des entreprises canadiennes et parce qu’une proportion plus grande de ses entrepreneurs arrivent à l’âge de la retraite.

Il faut dire que les 50 à 64 ans (47 %) et les 65 ans et plus (12 %) constituent le gros des effectifs des propriétaires de PME au Canada et que la pandémie de COVID-19 « en a fait réfléchir certains quant à leurs plans d’avenir », dit l’étude d’une trentaine de pages basée sur l’analyse de statistiques, l’opinion d’experts ainsi qu’un sondage en ligne réalisé auprès de 1500 entrepreneurs. Sur le quart de ceux qui entendent se départir de leurs entreprises, 32 % comptent les vendre ou les transférer à un membre de la famille ou de l’entreprise, contre 37 % à l’externe et 31 % qui pensent simplement fermer boutique.

De l’autre côté, 13 % des entrepreneurs canadiens — représentant 170 000 PME — entendent, justement, faire croître leurs entreprises au cours des cinq prochaines années en procédant à des acquisitions. Ces entrepreneurs qui pensent à l’achat sont de plus en plus nombreux depuis la pandémie à y voir une façon rapide de faire grossir leur clientèle (42 %), de gagner des talents et de l’expertise (30 %) ou d’acquérir de la technologie (25 %).

32%
C’est le pourcentage d’entrepreneurs, parmi le quart d’entre eux qui entendent se départir de leur PME dans les prochaines années, qui comptent vendre ou transférer à un membre de la famille ou de l’entreprise.

Ils n’ont pas tort, dit la BDC, qui a calculé que ces derniers sont effectivement deux fois plus susceptibles d’enregistrer une croissance des ventes supérieure à la moyenne de leur secteur d’activité. Or, le contexte aura rarement été aussi favorable pour procéder à des acquisitions en ce temps non seulement d’abondance de capitaux et de faible de taux d’intérêt, mais aussi de rareté de main-d’œuvre et d’accélération du virage technologique, fait valoir en entretien téléphonique au Devoir son économiste en chef, Pierre Cléroux. « Il faudrait qu’il y en ait plus, précise-t-il. C’est une excellente façon d’accélérer la croissance d’une entreprise et, à cause du vieillissement des entrepreneurs, il y aura beaucoup de bonnes entreprises à acquérir sur le marché dans les cinq à dix prochaines années. Le timing est parfait. »

L’économiste ne s’en fait pas avec la plus forte proportion de PME qui seront à vendre au Québec les prochaines années, ni avec le fait que ces dernières seront souvent plus petites (moins de 2 millions de chiffres d’affaires) que celles qui sont recherchées par les éventuels acquéreurs. « Les bonnes entreprises sauront trouver preneur », dit-il.

37%
C’est le pourcentage d’entrepreneurs, parmi le quart d’entre eux qui entendent se départir de leur PME dans les prochaines années, qui comptent vendre ou transférer à quelqu’un de l’externe.

Il rassure aussi ceux qui auraient peur que ces bonnes prises aillent toutes à des investisseurs étrangers. Bon an mal an, deux fois plus de PME canadiennes achètent des entreprises étrangères que le contraire. Le phénomène pourrait être encore plus marqué avec le resserrement des règles du Buy American Act aux États-Unis, qui incitera les entreprises canadiennes à avoir un pied-à-terre au sud de la frontière.

Du Saguenay à l’Inde

Éloïse Harvey n’a pas besoin d’être convaincue de ces arguments. Depuis qu’elle a pris la relève de son père à la barre de Mecfor, un équipementier du Saguenay spécialisé dans le secteur de l’aluminium et du rail, en 2018, la cheffe d’entreprise de 45 ans cherchait la bonne occasion d’élargir la taille et la portée de son entreprise. Elle a finalement conclu, au mois d’août, une fusion avec Advanced Dynamics de Saint-Bruno-de-Montarville, un autre équipementier spécialisé, celui-là, dans les pâtes et papiers et disposant d’installations de production en Inde.

31%
C’est le pourcentage d’entrepreneurs, parmi le quart d’entre eux qui entendent se départir de leur PME dans les prochaines années, qui comptent simplement fermer boutique.

« C’est beaucoup de travail, mais cette fusion nous permet d’avoir rapidement une taille qui nous donne les moyens de nos ambitions. De pouvoir consacrer des ressources à des missions qu’on juge prioritaires », explique la chef de direction de la nouvelle entité appelée EPIQ Machinerie. En plus de permettre une diversification des secteurs d’affaires, ce mariage aidera aussi à réduire le goulot d’étranglement exercé par la rareté de main-d’œuvre au Québec, dit Éloïse Harvey. Seulement cette année, on compte embaucher une centaine d’employés de plus en Inde pour répondre à la demande. « On n’aurait jamais été capables de faire cela ici. »

Son entreprise prépare déjà une prochaine acquisition « d’ici un an ou deux ». Elle visera à accélérer l’adoption de nouvelles technologies d’automatisation et de robotisation.

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