La grande séduction d’Hydro-Québec auprès des «start-up»

Jeff Desruisseaux, PDG en résidence, InnovHQ
Photo: Jeff Desruisseaux Jeff Desruisseaux, PDG en résidence, InnovHQ

Historiquement, chez Hydro-Québec, l’innovation était l’exclusivité de l’Institut de recherche en électricité du Québec (IREQ). L’essaimage de nouvelles filiales, comme Hilo et Evlo, ainsi que la mise sur pied de la division InnovHQ ont changé la donne. L’innovation peut arriver de tous les côtés, et la société d’État ne veut pas rater l’occasion de s’imposer un peu plus comme facilitateur auprès des jeunes pousses québécoises.

C’est surtout apparent dans la mobilité électrique, domaine auquel Jeff Desruisseaux, p.-d.g. en résidence attitré à ce secteur chez InnovHQ, veut envoyer un message clair : les entreprises du transport innovant qui viendront frapper à sa porte seront accueillies à bras grand ouverts.

La (sur)consommation énergétique du Québec

Les Nord-Américains sont les plus grands consommateurs d’énergie au monde. Les Québécois sont parmi les plus grands consommateurs sur le continent. Cette situation s’explique simplement : la province produit une électricité abondante, abordable et à peu près entièrement renouvelable. Elle importe des produits pétroliers qui sont vendus aux automobilistes à un coût somme toute peu élevé. Pour les convaincre que les enjeux climatiques passent par une réduction de cette consommation, il semble que la stratégie de la carotte soit plus efficace que celle du bâton. C’est en tout cas l’approche adoptée par InnovHQ dans ses premières démarches, y compris celle d’aider le transporteur scolaire Autobus Groupe Séguin à gérer ses dix premiers autobus scolaires électriques qui prennent la route cet automne, explique Jeff Desruisseaux.

« Notre défi est d’accélérer, au cours des huit prochaines années, la transition électrique du transport au Québec. Dans ce seul secteur, ce sont 8 térawattheures d’énergie que nous pouvons aller chercher d’ici 2030. Le projet pilote avec le groupe Séguin est un exemple d’une application que nous pourrons ensuite rapidement reproduire avec d’autres partenaires, que ce soit dans le transport scolaire, le transport en commun, la livraison commerciale ou même le transport urbain. L’électrification est un changement de paradigme pour le transport, et notre rôle est de faciliter ce changement. »

Le rôle d’Hydro-Québec dans la mobilité

Hydro-Québec flirte depuis des décennies avec le secteur du transport, mais c’est seulement au cours des dernières années que cela a commencé à prendre de l’ampleur. La mise en place du Circuit électrique, un des réseaux de bornes de recharge les plus performants en Amérique du Nord, en est l’exemple le plus probant. La société d’État s’est longtemps définie comme un simple producteur et distributeur d’électricité, mais son rôle a évolué à travers la création de filiales comme Hilo, Evlo et InnovHQ, qui ont un rôle plus actif dans des industries près du secteur énergétique auxquelles le géant québécois n’osait pas trop toucher dans le passé.

« Notre rôle est vraiment de faciliter la transition énergétique dans ces secteurs », dit M. Desruisseaux. « Le rôle des entreprises qui assurent le transport scolaire ou la livraison de marchandise n’est pas de développer l’expertise liée à l’infrastructure de recharge. Les entreprises ont la possibilité d’électrifier leurs opérations, mais elles demeurent des opérateurs. Nous avons avec le Circuit électrique développé une expertise qui va les aider dans leur transition. »

Le Devoir : Le Québec et le Canada se donnent comme objectif d’électrifier la totalité des véhicules légers vendus au pays au plus tard en 2035. Ottawa espère atteindre le seuil de 50 % en 2030. Est-ce réaliste ?

Jeff Desruisseaux : Nous avons en ce moment au Québec les conditions gagnantes réunies pour pouvoir atteindre ces objectifs. Tout pousse vers ça : l’adoption de l’électrification suit une courbe exponentielle. Naturellement, beaucoup d’éléments demeurent imprévisibles et ne dépendent pas de nous, ce qui comprend la disponibilité des véhicules électriques ces prochaines années. Mais moi, j’y crois. Chez InnovHQ, nous avons adopté une position pour que ça se réalise.

Cinq millions de véhicules électriques au Québec

Le Québec compte actuellement 5,2 millions de véhicules immatriculés, donc susceptibles de prendre la route à tout moment. Ce total ne cesse d’augmenter. Plus les constructeurs proposeront des modèles à moteur électrique, plus la charge sur le réseau hydroélectrique de la province sera importante. Bien des analystes se demandent si Hydro-Québec a les moyens de ses ambitions devant l’ampleur du virage électrique à venir. Et pas seulement dans le transport : les récentes ententes d’approvisionnement signées avec les États du Nord-Est américain vont aussi réduire la marge de manœuvre de la société d’État, qui voit plutôt ça comme une occasion à saisir que comme un défi, surtout du côté du transport, note le p.-d.g. en résidence d’InnovHQ.

« Cinq millions de véhicules électriques sur la route, ça peut avoir l’air d’un défi, mais c’est aussi une occasion énorme pour notre réseau électrique. Ce sont cinq millions de batteries qui sont en circulation partout au Québec et sur lesquelles on pourrait compter dans certaines conditions pour alimenter une partie du réseau. Nous possédons actuellement à nos bureaux de Blainville des bornes de recharge bidirectionnelle. Des véhicules comme la camionnette électrique F-150 Lightning de Ford vont bientôt pouvoir être chargés, ou à l’inverse, vont pouvoir alimenter une maison avec leur batterie. Ce n’est pas encore tout à fait réalité, mais ça s’en vient. »

Les «start-up»

Outre le projet d’électrification d’Autobus Groupe Séguin, InnovHQ pilote d’autres projets qui ont peu à voir avec le transport. Cela comprend un partenariat avec l’accélérateur Cycle Momentum dans les technologies agricoles pour développer des serres permettant de cultiver des aliments toute l’année au Québec. La filiale d’Hydro-Québec planifie également la tenue d’un sommet sur l’innovation énergétique, plus tard cet automne, où elle espère entrer en contact avec des entrepreneurs et de jeunes entreprises qui développent des technologies prometteuses pour rendre le secteur énergétique plus efficace.

« Nous sommes un centre d’accueil pour les start-up. Le message qu’on veut leur transmettre est simple : venez frapper à notre porte, et on va vous aider dans vos projets. Nous désirons travailler avec tous les membres de l’écosystème d’innovation québécois et nous sommes prêts à les aider à croître. C’est d’ailleurs quelque chose que nous faisons actuellement avec notre filiale Axso, qui a développé la plateforme logicielle du Circuit électrique. Nous souhaitons pouvoir exporter cette expertise. Alors, nous invitons les start-up à entrer en contact avec nous. »

En un clin d’oeil

  • Incubateur d’innovation officiellement créé par Hydro-Québec au début 2021.
  • Accompagne les autres filiales, dont Hilo, Axso, Evlo, Le circuit électrique et Dana-TM4.
  • Cible un portefeuille d’investissement de 1 milliard de dollars dans 10 ans.


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