Un vent favorable pour l’économie autochtone

Deux parcs éoliens mis en avant par des communautés autochtones, en collaboration avec de grandes entreprises, sont en cours de réalisation au Québec. Les responsables innus et mohawks de ces projets veulent utiliser les fonds pour réinvestir dans le développement de leurs communautés.
La voix de Marc-Antoine Labine-Labonté, animateur originaire de Granby à la radio CHME, résonne dans la voiture, sur la route 138 entre Les Escoumins et Tadoussac. Il analyse le repêchage dans la Ligue nationale de hockey avant de faire jouer de la musique rock. De prime abord, peu d’indices laissent deviner que cette station, qui se présente comme « la radio de la Haute-Côte-Nord », est située dans la réserve autochtone d’Essipit.
Il s’agit pourtant de l’une des nombreuses entreprises de cette communauté innue. Un restaurant-poissonnerie, une usine de granules de chauffage, des pourvoiries, le traversier entre Trois-Pistoles et Les Escoumins, une quincaillerie… Ces compagnies sont toutes détenues au moins en partie par le Conseil des Innus, souvent en partenariat avec des allochtones. C’est sans compter toute une panoplie d’installations touristiques dans cette région riche en attrayants cétacés.

« On essaie d’être diversifiés dans notre économie », explique le chef du Conseil des Innus d’Essipit, Martin Dufour. Cette vitalité est impressionnante, étant donné la très petite taille de la communauté, soit environ 250 résidents sur un territoire de 0,8 km2. Il y a au total plus de 900 membres, mais la majorité vivent à l’extérieur de la réserve.
Une autre pierre viendra s’ajouter sous peu à l’édifice que les Innus construisent collectivement : une cinquantaine d’éoliennes doivent pousser dès 2022 sur le territoire traditionnel des gens de Uashat mak Mani-utenam, à Port-Cartier. Il s’agit du projet Apuiat, fruit de la collaboration entre les neuf communautés innues de la Côte-Nord et du Saguenay–Lac-Saint-Jean et de l’entreprise québécoise Boralex. Il doit garantir des redevances à toutes ces communautés pour au moins 30 ans.
« Ça fait partie d’un rêve. On voulait un projet qui allait nous lier tous ensemble », raconte M. Dufour. Les négociations avec Hydro-Québec et le gouvernement provincial, libéral puis caquiste, ont pris du temps et ont connu des rebondissements. La nécessité de ce projet de 200 mégawatts, sur le plan énergétique, a été remise en question. Mais M. Dufour peut crier victoire depuis le 4 février dernier, date à laquelle le projet a été officialisé par le gouvernement du Québec.
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« On est en train de faire les évaluations environnementales. On veut bien positionner les éoliennes pour qu’elles nuisent le moins possible à la faune », précise le chef Dufour.
Chaque communauté pourra disposer comme elle l’entend des revenus qui lui reviennent. M. Dufour, lui, prend très au sérieux la devise de la communauté : « Pour nos pères et nos enfants ». « On va essayer de faire des projets d’ordre social, pour donner une meilleure qualité de vie à nos enfants et nos aînés. Ça pourrait être des infrastructures sportives. On pourrait créer un fonds pour les générations futures », dit-il.
Il compte également continuer de favoriser une réappropriation de leur culture, de leur communauté et de leurs droits. En partie en raison de la petite taille d’Essipit et du fait qu’elle est entourée par Les Escoumins, les Innus se sont beaucoup mélangés aux francophones et ont perdu leur langue.
Six éoliennes en Montérégie
Sur la Rive-Sud, dans la région de Montréal, un autre projet éolien est encore plus avancé, bien que plus modeste. Les tours du Projet éolien des Cultures, un partenariat entre Énergies durables Kahnawà:ke (EDK) et Kruger, ont déjà commencé à être construites à Saint-Rémi et à Saint-Michel.
« Nos principes directeurs étaient de trouver des moyens de générer des revenus tout en équilibrant les besoins des gens avec la planète. Les énergies renouvelables, et en particulier l’énergie éolienne, sont devenues un objectif naturel », a fait savoir par courriel Marissa Leblanc, de la Commission de développement économique de Kahnawake, au nom d’EDK.
On est en train de faire les évaluations environnementales. On veut bien positionner les éoliennes pour qu’elles nuisent le moins possible à la faune.
Selon l’organisme mohawk, les revenus provenant de ce projet seront, ici aussi, investis dans des programmes sociaux, de jeunesse et linguistiques.
« Nous avons plaidé en faveur de partenariats comme le Projet éolien des Cultures et notre partenariat avec Kruger Energy, en tant que modèles pour les entreprises et les gouvernements, afin d’aider à établir la parité économique et des relations constructives qui, en fin de compte, sont une voie clé vers la réconciliation après des siècles de société dominante bénéficiant de la marginalisation des peuples autochtones », a ajouté Mme Leblanc.