Les technos montréalaises de la santé sont en pleine éclosion

Sur la scène technologique, on associe généralement Montréal aux jeux vidéo et à l’intelligence artificielle (IA). Au rythme où vont les choses, il faudra bientôt penser à ajouter les technologies de la santé à la liste. L’émergence ces derniers mois des Dialogue, Alaya Care et autres Aifred Health témoignent d’une effervescence dans ce secteur qui va au-delà des effets de la COVID-19.
« Nous assistons vraiment à l’émergence d’un nouvel écosystème à Montréal », croit le Dr David Benrimoh, directeur scientifique pour Aifred Health. La jeune pousse qui a récemment levé 4 millions pour développer une solution de traitement de maladies mentales comme la dépression reposant sur l’intelligence artificielle vient de terminer au second rang du concours IBM Watson X Prize en IA.
Cette distinction vient avec une bourse d’un million de dollars, en prime. Et une occasion de maillage qui a permis à Aifred de voir le jour. « C’est grâce au X Prize que nous nous sommes incorporés et que nous avons intégré l’incubateur District 3 de l’Université Concordia. Ce concours a vraiment validé notre technologie et notre vision », ajoute le Dr Benrimoh en entrevue téléphonique avec Le Devoir.
Aifred Health s’apprête à commercialiser une partie de sa technologie dans les prochains mois au Canada et aux États-Unis. L’intelligence artificielle qui devrait aider un peu plus les professionnels de la santé à moduler automatiquement le dosage des soins apportés à leurs patients souffrant de dépression sera ajoutée par la suite.
Le malheur des uns…
L’IA est très en vogue ces jours-ci dans le secteur de la santé, pour une raison simple, avance la firme Gartner : son application permettrait de réduire de façon substantielle les coûts des soins de santé, qui s’élèvent à quelque 3300 milliards $ US par an en Amérique du Nord seulement.
Montréal a déjà une certaine réputation en IA, mais la récente vente d’Element AI à des intérêts étrangers a libéré plusieurs spécialistes qui se retrouvent ces jours-ci à faire bénéficier à de jeunes pousses de leur expertise. Ça contribue à l’effet d’émergence des technos montréalaises de la santé, assure Magaly Charbonneau, associée du fonds iNovia Capital.
« Ces gens-là sont importants. On en voit plusieurs dans les entreprises composant notre portefeuille et nous tenons à ce qu’ils continuent de travailler chez nous ! » dit-elle. L’intégration de l’IA dans les solutions de santé numérique est très importante pour les nouvelles entreprises, ajoute la femme d’affaires montréalaise, puisqu’elle leur permet d’offrir des outils plus puissants qui les distinguent avantageusement de la concurrence.
Phénomène également relativement récent, Montréal compte ces jours-ci sur un écosystème d’investisseurs, de gens d’affaires et d’entrepreneurs qui semblent au diapason sur la direction à apporter pour se lancer en affaires. « On n’avait pas ça, avant. Ça rend bien plus facile l’accès au talent ainsi qu’au financement », dit Mme Charbonneau.
Du financement qui touche jusqu’à la recherche fondamentale. Même sans l’émergence des technologies de la santé, Montréal compte sur un important secteur des sciences de la vie. On y trouve plus de 600 entreprises qui ont investi, avec les centres de recherche universitaires, plus de 10 milliards en recherche-développement à ce jour.
Un virage durable
Autre fait rare, les technologies montréalaises de la santé comptent plusieurs entreprises de forte taille, dont Alaya Care et même Dialogue, qui s’est inscrite à la Bourse de Toronto à la fin mars.
Dialogue offre des services de télésanté en entreprise et semble à la recherche d’acquisitions prometteuses pour s’imposer comme la principale plateforme de consultation médicale à distance au Canada. L’entreprise montréalaise a d’ailleurs mis la main le mois dernier sur le spécialiste australien en thérapie cognitive sur Internet ehub Health pour garnir un peu plus son catalogue de soins auxquels des milliers d’employés salariés partout au pays ont accès.
De son côté, Alaya Care vient de boucler cette semaine une ronde de financement de série D de 225 millions qui est menée principalement par le fonds américain Generation Investment Management, dirigé par l’ex-vice-président américain Al Gore. Selon des sources proches de l’entreprise, ce créateur d’une plateforme intégrée d’outils numériques qui facilitent les soins de santé à domicile atteint grâce à ce financement une valeur qui se rapproche du seuil symbolique du milliard de dollars nécessaire pour en faire ce qu’on appelle une « licorne » dans le monde de l’investissement.
L’entreprise fondée en 2014 compte aujourd’hui plus de 500 employés et génère des revenus qui font qu’on ne peut plus la décrire comme une start-up, même si sa croissance est supérieure à celle de l’ensemble de son marché.
Alaya Care affirme que la taille de ses activités aux États-Unis a été multipliée par sept au cours des deux dernières années. Pendant ce temps, selon la firme spécialisée Precedence Research, le secteur des soins de santé à domicile croît de 8 % par année à l’échelle mondiale… Au moins, c’est une croissance qui risque d’être durable : le vieillissement de la population partout sur la planète est le principal stimulant derrière cette croissance plutôt stable, selon Precedence Research.
« Alaya Care est dans une position assez unique pour résoudre le casse-tête que représentent, tant pour les patients que pour les professionnels du secteur, la prise de rendez-vous et la gestion des soins de santé à domicile », assure par communiqué son p.-d.g. Adrian Schauer.
Un casse-tête qui risque de perdurer bien au-delà de la crise actuelle de COVID-19, une occasion que la scène technologique montréalaise compte bien saisir pour continuer de croître.