Gérer la fin du télétravail obligatoire sera compliqué pour les employeurs

Même si la fin du télétravail obligatoire se dessine dans les prochaines semaines au Québec, les employeurs devraient y réfléchir à deux fois en raison des risques posés par la pandémie, mais aussi par la pénurie de main-d’œuvre, selon une avocate spécialisée en droit de l’emploi et du travail.
Dans le plan de déconfinement présenté plus tôt cette semaine, le gouvernement de François Legault prévoit une reprise du travail en présentiel vers la fin du mois d’août, en fonction de la couverture vaccinale et de la situation épidémiologique.
Cependant, si tout se passe comme prévu, la majorité des régions devraient basculer en zone jaune dès le 14 juin, ce qui rendrait le télétravail facultatif pour les tâches administratives et de bureau.
Dès lors, même si le travail à distance demeure recommandé, les employeurs ne seront plus liés par l’arrêté ministériel adopté en décembre dernier, explique Me Marianne Plamondon de chez Langlois Avocats à Montréal. Le retour au bureau sera donc à leur discrétion.
« Il y a autant des employeurs qui voudraient ravoir leurs employés que des employés qui voudraient pouvoir sortir de la maison et aller au bureau », a fait valoir le ministre de la Santé, Christian Dubé, en conférence de presse mardi dernier.
Naviguer entre prudence et souhaits
Tout indique que le gouvernement atteindra vers la mi-juin son objectif d’administrer au moins une dose de vaccin contre la COVID-19 à 75 % des Québécois adultes, mais la prudence sera toujours de mise.
Selon les chiffres de l’Institut national de santé publique du Québec, un peu plus de la moitié des éclosions actives dans la province sont associées à des milieux de travail, soit pas moins de 445 éclosions sur 859 en date du 20 mai.
« Un employeur diligent devrait réfléchir au risque auquel il expose ses employés », note Me Plamondon.
Cela signifie par exemple d’examiner l’organisation de l’espace de travail et vérifier s’il permet d’assurer une bonne ventilation, de maintenir une bonne distance entre collègues et de minimiser les contacts, illustre-t-elle.
Selon l’avocate, il faut également identifier les employés dont la présence serait prioritaire en raison de la nature de leurs tâches. « Les postes qui sont productifs en télétravail, pour minimiser le risque d’avoir des éclosions, l’employeur devrait attendre avant de rappeler ces gens-là. »
Sans compter que les travailleurs sont « plus mobiles que jamais », souligne Me Plamondon, et un employeur trop rigide risque de se retrouver le bec à l’eau, en pleine pénurie de main-d’œuvre.
« À l’heure actuelle, les relations avec les employés sont fragiles parce que travailler pour un employeur ou pour un autre, quand on est à la maison, ça ne change pas grand-chose », a exposé l’avocate lors d’une entrevue téléphonique avec La Presse canadienne.
Plusieurs sondages démontrent que le retour au bureau est loin de faire l’unanimité, certains travailleurs étant désormais attachés au confort de leur maison.
« Les employés l’ont bien dit : ce n’est pas tout le monde qui a le goût du retour à la vie d’avant, au trafic et au stress », rappelle l’avocate. Les patrons feraient donc mieux d’avancer avec précaution et de bien prendre le pouls des travailleurs.
« C’est là que l’employeur doit jauger ce qui est optimal entre laisser une certaine flexibilité pour qu’ils gardent une qualité de vie associée au télétravail, mais qu’en même temps, le partage des connaissances et des compétences continue à se faire, que le travail d’équipe soit encore possible. »