Jusqu’à 700 millions en financement du fédéral pour Transat

Transat affirme que cet argent lui permettra de rembourser ses clients dont le voyage a dû être annulé à cause de la pandémie de COVID-19.
Photo: Paul Chiasson Archives La Presse canadienne Transat affirme que cet argent lui permettra de rembourser ses clients dont le voyage a dû être annulé à cause de la pandémie de COVID-19.

Le voyagiste québécois Transat A.T. pourra emprunter jusqu’à 700 millions de dollars auprès d’Ottawa afin de rembourser ses clients dont les vols ont été annulés en raison de la pandémie. Il pourra de plus poursuivre ses activités tout en continuant de discuter avec Pierre Karl Péladeau, qui souhaite toujours acquérir l’entreprise.

Ce financement, qui a fait l’objet de plusieurs mois de négociations, sera octroyé par l’entremise du Crédit d’urgence pour les grands employeurs (CUGE), le même programme ayant permis à Air Canada — dont le mariage avec Transat A.T. a été annulé le 2 avril dernier — d’avoir accès à 5,9 milliards le 12 avril.

Au cours de l’assemblée annuelle des actionnaires jeudi, la haute direction de Transat A.T. a estimé qu’il s’agissait « probablement » de sa « meilleure journée » depuis le début de la crise sanitaire. « Nous allons pouvoir concentrer nos efforts sur la relance et le plan stratégique dans les années à venir pour construire une entreprise solide et rentable », a déclaré le président et chef de la direction du voyagiste, Jean-Marc Eustache.

À la Bourse de Toronto, le titre de Transat A.T. a pris de l’altitude jeudi. Il était en hausse de 19 ¢ (ou 4,2 %) en après-midi, pour s’établir à 4,72 $.

Modalités

 

L’aide fédérale s’accompagne d’une série de conditions, notamment en matière de rémunération des hauts dirigeants, dont la paye globale — en excluant le régime de retraite — ne pourra dépasser 1 million de dollars tant et aussi longtemps que l’argent n’aura pas été remboursé. Transat A.T. n’aura pas le droit de verser des dividendes et de racheter des actions.

Le voyagiste devra également maintenir le plancher de 772 employés actifs observé en date de mercredi. Ce niveau demeure loin de l’effectif évalué à quelque 5200 salariés avant la crise.

Transat A.T. consacrera jusqu’à 390 millions du financement obtenu à soutenir ses activités, tandis que 310 millions serviront à rembourser les voyageurs dont le départ était prévu à compter du 1er février 2020 et pour lequel un crédit de voyage a été remis en raison de la crise sanitaire. En date du 31 janvier, les crédits de voyage représentaient 519,1 millions, dont 44 % étaient placés en fiducie.

310 millions
C’est la somme qui sera allouée au remboursement des billets d’avion de voyageurs dont le départ était prévu à compter du 1er février 2020 et qui ont initialement reçu un crédit de voyage.

En tenant compte de ses facilités de crédit existantes, l’entreprise a accès à 820 millions. Elle disposait également de liquidités de 303 millions au 31 janvier.

Cette annonce a de quoi réjouir les voyageurs, qui ont été nombreux à se plaindre dans les derniers mois de n’avoir eu accès qu’à un crédit de voyage. Option consommateurs a toutefois déploré jeudi le fait qu’Air Transat limite sa période de réclamation pour un remboursement au 26 août 2021.

« Les consommateurs attendent depuis plus d’un an pour recouvrer légitimement leur argent, mais n’ont que deux ou quatre mois pour réclamer leur dû. Cette restriction est pour nous inacceptable. Tous les consommateurs qui ont vu leur voyage annulé en raison de la pandémie devraient avoir plus de temps pour faire leur réclamation et ainsi s’assurer que tout le monde sera remboursé », a affirmé le directeur général de l’association, Christian Corbeil.

Discussions avec Péladeau

 

Par ailleurs, Transat A.T. continue de discuter avec Pierre Karl Péladeau, qui a déjà indiqué publiquement qu’il voulait offrir 5 $ pour chacune des actions en circulation. « On continue les discussions pour en arriver à une offre formelle à un moment donné, s’entendre sur une proposition ferme et contraignante. Donc, je dirais, les discussions vont très bien », a indiqué Jean-Marc Eustache à ce sujet.

Celui-ci n’a pas voulu dire si d’autres acquéreurs potentiels s’étaient manifestés. Le voyagiste compte également aller frapper à la porte du gouvernement Legault, qui a déjà ouvert la porte à un coup de pouce financier. Transat A.T. avait déjà signalé avoir besoin d’au moins un demi-milliard de dollars pour traverser l’année.

Si le financement offert par Ottawa constitue une bonne nouvelle, Transat A.T. fait toujours face à des « défis majeurs », a d’ailleurs prévenu Cameron Doerksen, de la Financière Banque Nationale. « Puisque les restrictions de voyage continuent d’être resserrées au Canada, nous ne voyons aucun scénario où Transat disposerait d’une capacité significative pour la saison estivale », a écrit l’analyste dans une note envoyée à ses clients.

Selon M. Doerksen, la dette du voyagiste pourrait s’élever à 940 millions l’an prochain, ce qui constitue un « fardeau d’envergure » pour une compagnie dont la valeur boursière oscille aux alentours de 180 millions.

Dans son plus récent rapport annuel, Transat A.T. prévoyait qu’il faudrait attendre jusqu’en 2023 avant de voir ses activités retrouver un niveau comparable à celui d’avant la crise sanitaire.

Pause forcée

 

Les avions d’Air Transat sont cloués au sol depuis janvier à la suite de la demande du gouvernement Trudeau de suspendre temporairement les voyages vers les destinations soleil afin d’aider à freiner la propagation du nouveau coronavirus.

La relance progressive était prévue vers la mi-juin, mais dans le contexte actuel, tout indique que la pause forcée se prolongera. Selon le chef de la direction financière, Denis Pétrin, Transat A.T. perd mensuellement 30 millions. L’exercice en cours sera encore teinté d’encre rouge, mais M. Eustache a laissé entendre que l’entreprise pourrait être au seuil de l’équilibre en 2022.

« Transat est une société de loisir, a-t-il dit. C’est la clientèle qui va revenir et on imagine qu’elle va revenir assez rapidement. On peut imaginer que l’hiver prochain, on sera peut-être à 50 % du niveau par rapport à l’hiver 2020. On peut imaginer cela. On peut imaginer plus aussi. »

Dans le cadre de l’entente intervenue avec Ottawa, le voyagiste a également émis 13 millions de bons de souscription au gouvernement fédéral, ce qui lui permettrait d’acheter des actions de Transat A.T. au prix de 4,50 $. La participation gouvernementale dans l’entreprise ne pourrait pas dépasser 19,9 %.

Avec Zacharie Goudreault

Quelques détails du financement

  • Une facilité de crédit non renouvelable de 78 millions de dollars garanti par les actifs de la compagnie portant intérêt au taux offert en dollars canadiens majoré de 4,5 %.
  • Une somme de 312 millions de dollars sous forme de facilité de crédit non renouvelable à un taux d’intérêt de 5 % la première année, 8 % la deuxième et 2 % par la suite.
  • Une facilité de crédit non garantie de 310 millions de dollars pour rembourser les voyageurs dont les vols ont été annulés après le 1er février 2020. Le montant est remboursable sur sept ans. Le taux d’intérêt est de 1,2 %.

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