Un système de retraite collectif qui va au-delà du rendement

Catherine Couturier
Collaboration spéciale
Devant l'urgence climatique, Bâtirente a développé une politique d’investissement responsable et encourage les compagnies à changer leurs pratiques. 
Photo: Martin Meissner Associated Press Devant l'urgence climatique, Bâtirente a développé une politique d’investissement responsable et encourage les compagnies à changer leurs pratiques. 

Ce texte fait partie du cahier spécial Syndicalisme

Le système de retraite collectif veut peser de tout son poids sur des thèmes lourds sur lesquels les compagnies peuvent avoir de l’influence.

Mis sur pied en 1987, Bâtirente est un système de retraite collectif fondé par la CSN. En pleine crise de l’emploi et de confiance des régimes de retraite, on lance alors le REER collectif Bâtirente. Trente-cinq ans plus tard, Bâtirente offre tous les instruments que la loi rend disponibles pour l’épargne retraite, des instruments de placement, de même que des services (autant aux syndicats qu’aux personnes en transition vers la retraite).

Les racines d’un engagement

En septembre 2020, Bâtirente a publié son engagement pour le climat en se donnant quatre objectifs pour 2025 : 1) réduire progressivement de 50 % son exposition au risque climatique ; 2) investir dans la transition en doublant son allocation de capitaux dans des investissements d’impact afin d’activement contribuer aux solutions environnementales ; 3) cibler son engagement actionnarial pour améliorer la performance climatique des entreprises ; 4) collaborer avec ses partenaires engagés dans la mobilisation de tous les secteurs de la société en faveur de la transition vers une économie sobre en carbone.

« C’est loin d’être un virage », précise toutefois Daniel Simard, directeur général et conseiller en régimes de rentes collectives. Bâtirente a en effet développé et adopté depuis 2005 une politique d’investissement responsable, qui met en avant des pratiques qui touchent à la fois les gestionnaires délégataires (instructions de gestion des questions environnementales, sociales et de gouvernance dans la construction des portefeuilles) et l’interne, avec le déploiement de la politique d’engagement actionnariale. « On va en parallèle des sociétés de gestion voir les compagnies incluses dans notre portefeuille pour les interpeller sur des questions de gouvernance, d’impact environnemental et sociétal », explique M. Simard.

Née dans la foulée des grands débats de société sur l’investissement responsable, cette approche était jusqu’alors perçue comme à l’opposé de la responsabilité fiduciaire. L’émergence des mouvements des principes pour l’investissement responsable en 2006 est venue appuyer la pertinence de cette façon de faire. « C’est un élargissement de la vision du risque. Les gens ont compris qu’on pouvait concilier responsabilité fiduciaire et analyse des émetteurs. Dès lors, on est allé à la rencontre des compagnies », raconte M. Simard.

Réduction des GES et résilience climatique

 

Au début des années 2000, les problèmes climatiques sont montés en puissance. « Les gens ont pris conscience de l’impact de l’activité humaine, qui est en train de transformer l’environnement pour le pire, et ça, c’est un facteur d’insuccès quand vous êtes un financier et que vous faites de la gestion d’avoirs à long terme », constate Daniel Simard. Dans les 15 dernières années, Bâtirente a d’abord demandé aux compagnies de publier des indicateurs économiques relatifs à leurs émissions de gaz à effet de serre.

Avec les années, d’autres initiatives ont émergé, comme le Task Force on Climate-Related Financial Disclosures (TCFD), qui pousse les compagnies à s’interroger sur des questions de fond : viabilité et transformation des modèles d’affaires, stratégie pour faire face aux changements climatiques. « Ce sont des thèmes lourds sur lesquels les compagnies peuvent avoir de l’impact », avance M. Simard.

Nos engagements sont à très long terme. Si on ne se préoccupe pas des conséquences de nos activités en finance, on est en train de scier la branche sur laquelle on est assis.

 

Devant l’appel de la CSN au désinvestissement dans le secteur des énergies fossiles, Bâtirente a choisi de dialoguer avec ces compagnies pour qu’elles changent leurs pratiques et adaptent leurs modèles d’affaires. « Quand on a commencé l’engagement actionnarial, j’avais beaucoup d’appréhension. Je pensais que les compagnies nous claqueraient la porte au nez. Mais ce n’est pas ce qui s’est passé ; on provoque des conversations à l’interne », ajoute M. Simard.

L’urgence d’agir

Bâtirente a aussi déposé des propositions d’actionnaire à trois compagnies (TransCanada, Imperial Oil et Banque CIBC). « Nous n’avons pas abusé de cet outil », assure M. Simard. Mais devant l’urgence climatique, Bâtirente s’y voit parfois contraint. « Avec notre politique climatique, on est dans une course contre la montre. Il va falloir resserrer notre recours au droit d’actionnaire de présenter des propositions », constate M. Simard.

Bâtirente a ainsi demandé à ces compagnies d’adopter une cible d’entreprise leur permettant d’atteindre zéro émission nette de gaz à effet de serre (GES) d’ici 2050. « CIBC, par exemple, est une des banques les plus en retard sur le plan des questions climatiques », souligne M. Simard, qui veut pousser les entreprises à accélérer leur calendrier de réalisation.

Avec près de 24 000 travailleurs (regroupés auprès de plus de 300 syndicats) qui ont placé leurs avoirs chez Bâtirente, l’organisation a une responsabilité pour assurer l’avenir de leurs retraites. « Nos engagements sont à très long terme. Si on ne se préoccupe pas des conséquences de nos activités en finance, on est en train de scier la branche sur laquelle on est assis », résume M. Simard. 

Ce contenu a été produit par l’équipe des publications spéciales du Devoir, relevant du marketing. La rédaction du Devoir n’y a pas pris part.

À voir en vidéo