Ottawa dépose un projet de loi spéciale pour mettre fin à la grève au Port de Montréal

Les débardeurs du Port de Montréal sont en grève générale illimitée depuis lundi matin.
Photo: Jacques Nadeau Le Devoir Les débardeurs du Port de Montréal sont en grève générale illimitée depuis lundi matin.

Ottawa a déposé mardi matin son projet de loi spéciale pour mettre fin à la grève des 1150 débardeurs du Port de Montréal et y imposer l’arbitrage. D’importantes amendes sont prévues en cas de non-respect de la loi.

C’est un médiateur-arbitre qui devra déterminer le contenu de la prochaine convention collective, en vertu de la « Loi prévoyant la reprise et le maintien des opérations au port de Montréal », déposée par la ministre fédérale du Travail, Filomena Tassi.

Fait particulier : pour faire son travail et statuer, le médiateur-arbitre aura le choix entre entendre les représentations des deux parties, puis rendre sa décision arbitrale — la voie habituelle — ou bien demander aux parties de déposer une offre finale de règlement — ce qu’on appelle dans le milieu la « last best offer ».

Le projet de loi impose le retour au travail à 0 h 01 suivant la sanction de la loi, à défaut de quoi le syndicat et l’employeur sont passibles d’amendes de 100 000 $ par jour d’infraction. À cette amende peut aussi s’ajouter une pénalité de 50 000 $ par jour pour un dirigeant ou un représentant du syndicat ou de l’employeur, puis 1000 $ par jour par personne qui y contreviendrait.

Le syndicat outré

 

« Ça va pourrir le climat de travail », s’est exclamé en entrevue Marc Ranger, directeur québécois du Syndicat canadien de la fonction publique, affilié à la FTQ. Le syndicat des 1150 débardeurs est une section locale du SCFP, un grand syndicat qui compte 122 000 membres au Québec.

« C’est malhabile, mal avisé », alors que la médiation est encore en cours, a ajouté M. Ranger. Déposer une loi spéciale, « ça vient complètement court-circuiter le rapport de force » entre les deux parties, a critiqué le dirigeant syndical d’expérience.

Il importe de souligner que la Cour suprême du Canada, dans l’arrêt Saskatchewan de 2015, a affirmé que le droit de grève jouissait d’une protection constitutionnelle. « Le droit de grève est un élément essentiel d’un processus de négociation collective significatif de notre système de relations de travail », a statué la Cour suprême. « Le droit de grève favorise également l’égalité dans le processus de négociation. »

M. Ranger voit donc dans cette loi « un affront à tous les travailleurs du pays ».

Plutôt que d’adopter une telle loi, « le fédéral a la capacité de dire aux parties de mettre fin à tous les moyens de pression et de revenir à ce que la situation était le 9 avril », en continuant à négocier, avec l’aide des médiateurs déjà au dossier. Les parties pourraient alors négocier, sans grève, sans moyen de pression, sans baisse de revenu, sans modification aux horaires. « Ça donnerait de l’oxygène et ça enlèverait de la pression » aux deux parties, a fait valoir M. Ranger.

Débat politique

 

La loi sera débattue en fin d’après-midi mardi.

Déjà, le chef du Nouveau Parti démocratique, Jagmeet Singh, s’est dit prêt à « utiliser tous les outils possibles qu’on peut utiliser pour montrer notre opposition » envers ce projet de loi. « Un gouvernement conservateur aurait fait la même chose », a-t-il lancé à l’endroit du gouvernement libéral de Justin Trudeau.

Le syndicat des 1150 débardeurs a déclenché une grève générale illimitée, lundi à 7 h, après que l’Association des employeurs maritimes eut modifié les horaires de travail des débardeurs. Les parties ont de nouveau été convoquées devant les médiateurs lundi matin. Elles s’y trouvaient encore mardi, a précisé M. Ranger.

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