La «fintech» de Montréal Moka rachetée par une entreprise de Vancouver

Moka, qui s’appelait Mylo jusqu’à cet été, est connue au Canada pour son application de finances personnelles.
Olivier Zuida Le Devoir Moka, qui s’appelait Mylo jusqu’à cet été, est connue au Canada pour son application de finances personnelles.

Une prometteuse startup montréalaise spécialisée en technologies financières, Moka Financial Technologies, passe entre les mains de la vancouvéroise Mogo, qui devient grâce à cette transaction de 64 millions de dollars un incontournable du secteur au Canada.

« L’occasion s’est présentée quand je levais des fonds pendant notre ronde de financement de série B. Et nous avons décidé de poursuivre avec Mogo parce que nos entreprises partagent une mission commune : celle d’aider les gens à atteindre leurs objectifs financiers », fait valoir au Devoir Philip Barrar, p.-d.g et fondateur de Moka. Cette transaction est une « union des forces », tient-il à préciser.

C’est toujours difficile de voir des fleurons se faire acheter par des intérêts étrangers, même s’il s’agit d’une compagnie canadienne

Moka, qui s’appelait Mylo jusqu’à cet été, est connue au Canada pour son application de finances personnelles. Celle-ci permet d’arrondir automatiquement les achats quotidiens et, grâce à des frais de gestion minimes, d’investir « la petite monnaie » dans des portefeuilles diversifiés de fonds négociés en bourse.

Créée en 2016 avec pour but « d’aider les millénariaux à atteindre leurs objectifs financiers », l’application de Moka a été téléchargée par plus d’un million de personnes. Comptant au-delà de 500 000 membres actifs et 100 000 abonnés mensuels, l’entreprise a généré près de 6,5 millions de dollars de revenus en 2020.

Stratégie de croissance

 

L’acquisition permettra à la vancouvéroise Mogo de s’imposer dans le secteur des technologies financières (ou « fintech ») au Canada. Dans un communiqué publié mardi, le p.-d.g et fondateur de Mogo, David Feller, soutient que ce rachat s’inscrit dans la stratégie de croissance de sa société.

La plateforme de Mogo offre déjà des prêts personnels, permet d’acheter et de vendre des bitcoins, de surveiller sa cote de crédit et propose une protection contre le vol d’identité. À moyen terme, l’entreprise espère aussi lancer une plateforme de négociation d’actions gratuite.

64 millions
Il s’agit du montant de la transaction conclue entre l’entreprise de Vancouver Mogo et la jeune pousse montréalaise Moka, anciennement connue sous le nom de Mylo. Le rachat devrait être officialisé au cours du deuxième trimestre.

Les produits et technologies de Moka seront intégrés à ceux des portefeuilles numériques existants de Mogo. Cette transaction fera passer de 1,2 à 1,7 million le nombre d’utilisateurs des solutions de l’entreprise de Vancouver, ce qui se traduira par des actifs sous gestion de près de 250 millions de dollars.

Selon les termes de la transaction, Mogo échangera cinq millions de ses actions et prendra à sa charge la dette de 3 millions de dollars de la startup montréalaise. Ainsi, Desjardins Capital et la Banque Nationale, qui détiennent des parts de Moka, deviendront actionnaires de Mogo. Le rachat devrait être officialisé au cours du deuxième trimestre.

Une « bonne nouvelle »

L’annonce a été accueillie positivement chez Bonjour Startup Montréal. « Ça prouve que nous avons d’excellentes compagnies qui sont attractives », se réjouit en entrevue la présidente de l’organisme, Liette Lamonde.

Quant à l’impact sur l’écosystème montréalais, celle-ci rappelle que Mogo s’est engagé dans sa lettre d’intention à ne pas « changer les opérations montréalaises de la compagnie ». L’actuel p.-d.g de Moka, Philipp Barr, deviendra directeur de l’innovation au sein de la nouvelle organisation.

Évidemment, « c’est toujours difficile de voir des fleurons se faire acheter par des intérêts étrangers, même s’il s’agit d’une compagnie canadienne », concède Mme Lamonde, précisant que le « souhait est toujours de voir plus de startups croître ici en gardant une propriété québécoise ».

Louis-Félix Binette abonde dans le même sens. Le directeur général du Mouvement des accélérateurs d’innovation du Québec, qui regroupe les organisations qui accompagnent les startups de la province, concède que le rachat d’une entreprise après cinq ans d’existence « n’est peut-être pas l’idée qu’on se fait d’un “succès” ».

Pourtant, ajoute-t-il, ça contribue à l’innovation, ainsi qu’à « créer des futurs anges investisseurs et entrepreneurs en série d’expérience ». Avec « un secteur fintech très fort au Canada » et une volonté d’aller « chercher des masses critiques d’usagers, de clients et de brevets nécessaires à la croissance et à une compétitivité mondiale », une consolidation était prévisible, selon lui.

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