Une longue traversée du désert pour le tourisme d'affaires

Jean-François Venne
Collaboration spéciale
Plus d’un an après le début de la pandémie, la situation de l’industrie du tourisme d’affaires demeure remplie d’incertitudes. 
Photo: Centre des congrès de Québec Plus d’un an après le début de la pandémie, la situation de l’industrie du tourisme d’affaires demeure remplie d’incertitudes. 

Ce texte fait partie du cahier spécial Tourisme d'affaires

Les cinéphiles se rappellent sûrement la fameuse tornade de catégorie F5 du film Twister (Tornade), sorti en 1996. C’est à peu près l’effet que la pandémie a eu sur l’industrie québécoise du tourisme d’affaires, lequel rêve maintenant d’une relance.

« L’effet a été catastrophique, avec l’annulation d’environ 85 % des événements prévus en 2020, soit pas mal tous ceux qui devaient se tenir après la mi-mars », rappelle Marc-Antoine Vachon, titulaire de la Chaire de tourisme Transat et professeur à l’École des sciences de la gestion de l’Université du Québec à Montréal.

L’industrie a enregistré des pertes de 500 millions de dollars en 2020. Environ 40 % des nuitées liées au tourisme d’affaires proviennent de grands événements, comme des congrès, des salons professionnels ou des colloques. Tout cela est tombé à l’eau. Certes, certains organisateurs ont déplacé leur événement en ligne, mais cela prive les hôtels, les restaurants et les commerces locaux des retombées associées au tourisme d’affaires.

« Le plus dramatique, c’est que plusieurs de ces événements ne seront jamais récupérés, note Marc-Antoine Vachon. Les organisateurs choisissent généralement leurs destinations quelques années à l’avance. On ne peut donc pas simplement décaler leur venue d’un an, puisqu’il est déjà prévu qu’ils se tiennent dans un nouvel endroit. »

85 %

C’est la perte de revenus du tourisme d’affaires international prévue en 2021 comparativement à 2019.

Certaines entreprises, comme le Palais des congrès de Montréal, ont d’ailleurs mis à profit la visioconférence et d’autres outils pour garder le contact avec des clients et surtout leur faire visiter virtuellement leurs installations. Un exercice essentiel pour soutenir dès maintenant des discussions au sujet d’événements qui auront lieu dans les prochaines années.

Avenir incertain

 

Plus d’un an après le début de la pandémie, la situation de l’industrie du tourisme d’affaires reste remplie d’incertitudes. Pour le tourisme en général, Destination Canada estime que, même si les frontières canadiennes sont rouvertes en octobre, il faudra attendre jusqu’à 2026 pour rattraper le niveau de revenus de 2019.

« La reprise risque de tarder un peu plus dans le tourisme d’affaires, car la planification est plus lourde dans ce domaine que pour les voyages d’agrément, prévient Marc-Antoine Vachon. Nous prévoyons une hausse d’environ 30 % du tourisme intérieur en 2021 par rapport à 2020, mais la proportion du tourisme d’affaires sera moins grande que d’habitude. Nous nous attendons aussi à une perte en 2021 de 85 % des revenus du tourisme d’affaires international comparativement à 2019. »

Bien sûr, des programmes d’aide existent, mais ils ne correspondent pas nécessairement aux réalités de l’industrie du tourisme d’affaires. Il semble avoir été difficile d’établir un cadre d’intervention adapté à ce commerce et de déterminer sur quelles bases allouer de l’aide financière aux entreprises. Par exemple, en l’absence d’événements, les mises à pied ont été nombreuses, malgré les subventions qui couvraient 75 % des salaires. Pourquoi payer 25 % des salaires pour des employés qui n’ont plus de tâches à accomplir ?

Certains ont eu la volonté de profiter de cette pause forcée pour réaliser des rénovations ou pour moderniser leurs infrastructures. Des programmes d’aide publique ont pu être mis à profit, mais beaucoup portaient sur des facilités de prêts. Or, les travaux d’infrastructures demandent généralement des investissements assez importants, et plusieurs hôtes d’événements d’affaires peinent déjà à payer leurs frais fixes. « Dans une période aussi incertaine, il faut avoir les reins solides et du courage pour prendre de tels engagements », note Marc-Antoine Vachon.

Formules innovantes

 

En plus d’ignorer quand les voyageurs d’affaires se présenteront de nouveau, l’industrie s’inquiète de savoir s’ils reviendront bel et bien. La pandémie a offert l’occasion à plusieurs entreprises et organisations d’expérimenter les événements virtuels. Ceux-ci coûtent moins cher tout en permettant de mettre en contact des gens localisés un peu partout dans le monde. Par contre, ils s’avèrent beaucoup moins efficaces pour soutenir les rapports humains et informels, qui constituent la richesse des événements traditionnels de tourisme d’affaires.

« On ne sait pas si le tourisme d’affaires va revenir tel qu’on le connaissait avant, admet Marc-Antoine Vachon. Il semble même assez probable que des formules hybrides, avec une partie des gens sur place et une autre en virtuel, deviennent plus populaires. L’industrie québécoise du tourisme d’affaires devra donc prendre un virage technologique afin d’offrir des options de ce type. »

Marc-Antoine Vachon croit que les gouvernements pourront donner un coup de main au secteur en élaborant des programmes d’aide plus ciblés, qui conviendront mieux à l’industrie du tourisme d’affaires. Il ajoute que les mesures de précautions sanitaires gagneraient, elles aussi, à se raffiner. Comme certains porte-parole de la culture, il aimerait, par exemple, que les quotas de personnes permises à l’intérieur soient proportionnels à l’espace disponible plutôt que fixés en nombre absolu.

Regard sur le tourisme mondial

Chaque année, en janvier, la Chaire de tourisme Transat ESG-UQAM publie un livre blanc sur les grandes tendances dans l’industrie du tourisme et leur rapport avec la réalité québécoise. Pandémie oblige, elle a un peu modifié la recette en 2021. « C’était hasardeux de parler de tendances, alors que le tourisme mondial est plongé dans l’incertitude, reconnaît le titulaire de la Chaire, Marc-Antoine Vachon. Nous avons donc opté pour une présentation des défis et des occasions d’affaires dans cette industrie. »

La Chaire suit environ 700 sources d’information sur une trentaine de thématiques et de secteurs liés au tourisme. Le livre blanc constitue un résumé des connaissances stratégiques issues de cette veille. L’édition de cette année s’intéresse plus particulièrement aux nouvelles pratiques de consommation, au virage local, aux enjeux de ressources humaines et à l’adaptation, notamment technologique, de l’industrie.

« La pandémie a modifié certains comportements des consommateurs, affirme Marc-Antoine Vachon. Par exemple, les touristes planifient leurs déplacements plus longtemps à l’avance, même pour des voyages à proximité, alors qu’avant la crise la tendance était beaucoup plus aux décisions spontanées. »

L’utilisation des technologies évolue aussi. Les clients souhaitent conclure leurs transactions en ligne (réservation d’hôtel, de vols d’avion, de restaurants, de visites touristiques, etc.). Ils souhaitent également obtenir en ligne des informations plus détaillées et précises, par exemple quant aux mesures sanitaires prises dans une destination.

« Après s’être privés de voyage pendant longtemps, plusieurs piaffent d’impatience, ce qui est de bon augure pour l’industrie touristique dans les prochaines années », espère Marc-Antoine Vachon.

 

Ce contenu a été produit par l’équipe des publications spéciales du Devoir, relevant du marketing. La rédaction du Devoir n’y a pas pris part.



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