Un «redosage fiscal» pour compenser le vieillissement de la population?

En 2019, 35% des revenus fiscaux au Québec venaient des impôts sur le revenu des particuliers, comparativement à une moyenne de 30% dans les pays de l’OCDE. Les taxes à la consommation comptaient, quant à elles, pour 24% (32% dans l’OCDE).
Photo: Ryan Remiorz La Presse canadienne En 2019, 35% des revenus fiscaux au Québec venaient des impôts sur le revenu des particuliers, comparativement à une moyenne de 30% dans les pays de l’OCDE. Les taxes à la consommation comptaient, quant à elles, pour 24% (32% dans l’OCDE).

La simple façon que Québec a de taxer le destine à voir ses revenus diminuer avec le vieillissement de la population, prévient une étude, à moins qu’il ne procède à un léger « redosage fiscal » en faveur des taxes à la consommation.

Si le gouvernement du Québec taxe encore en 2040 sa population de la même façon qu’il le fait aujourd’hui, il fera face à un manque à gagner dépassant les 5 milliards par année même si rien d’autre ne devait changer que le vieillissement prévu des Québécois, estiment les auteurs d’d’une étude dévoilée mercredi par des chercheurs de l’Université de Sherbrooke, de HEC Montréal et de l’ESG UQAM. Il lui suffirait pourtant d’augmenter ses taxes de vente de 2 milliards et de compenser cette hausse par une diminution équivalente de l’impôt sur le revenu pour transformer ce manque à gagner en gain net de 462 millions à 1,6 milliard.

Cette importante différence tient à deux facteurs, explique l’étude d’une vingtaine de pages. Le premier est lié au fait que les personnes plus âgées (comme les plus jeunes d’ailleurs) ont généralement des revenus imposables et des taux d’impôt moyens plus bas que les 30 à 59 ans. Or, le poids relatif de cette dernière tranche de la population est destiné à diminuer au cours des prochaines années avec le vieillissement de la population, passant de 64 % à 57 % au cours des 20 prochaines années. Les dépenses de consommation tendent aussi à diminuer à partir de 55 ans, mais de manière moins marquée, de telle façon que 94 % des pertes de revenus fiscaux projetées pour 2040 viendraient de la diminution des recettes de l’impôt des particuliers.

Le deuxième et plus important facteur tient cependant au fait que les taxes à la consommation sont considérées, par les experts, comme moins dommageables pour la croissance économique que les autres formes d’impôts. Le coup de pouce qu’un redosage fiscal donnerait à l’économie compterait, selon l’étude, pour au moins les trois quarts de ses retombées à long terme positives pour les finances publiques.

Une TVQ à 11,5 %

Les gouvernements au Canada se font souvent reprocher par les grandes institutions économiques internationales de s’appuyer de façon disproportionnée sur ces formes de taxes jugées plus nocives pour la croissance, a rappelé en entrevue au Devoir Luc Godbout, chercheur principal à la Chaire en fiscalité et en finances publiques de l’Université de Sherbrooke et l’un des coauteurs de l’étude dévoilée mercredi. En 2019, 35 % des revenus fiscaux au Québec venaient des impôts sur le revenu des particuliers, comparativement à une moyenne de 30 % dans les pays de l’OCDE. Les taxes à la consommation comptaient, quant à elles, pour 24 % (32 % dans l’OCDE), les cotisations sociales pour 15 % (27 %) et l’impôt sur les sociétés pour 12 % (9 %).

Un redosage fiscal, où 2 milliards de plus seraient tirés des taxes sur la consommation en échange d’une réduction équivalente des recettes de l’impôt des particuliers, équivaudrait, par exemple, à porter la taxe de vente du Québec (TVQ) d’un peu moins de 10 % actuellement à environ 11,5 %, disent les auteurs de l’étude.

Il est vrai que ces taxes, qui sont les mêmes pour tous, se révèlent plus régressives, admettent-ils. C’est pourquoi, au Québec et au Canada, elles viennent avec des crédits de solidarité et de TPS destinés à compenser cet effet sur les ménages les plus pauvres. « Et il faut se rappeler que, si l’on ne fait rien, ce sont les revenus des gouvernements qui vont diminuer et, avec eux, leur capacité de maintenir le filet social et les services publics », a observé Julien Navaux, chercheur à la Chaire de recherche sur les enjeux économiques intergénérationnels de HEC Montréal et ESG UQAM.

À voir en vidéo