
Alstom compte gommer le nom de Bombardier

Bombardier obtiendra encore moins d’argent en laissant sa division ferroviaire entre les mains d’Alstom, qui effacera le nom de sa nouvelle propriété — une décision, assure le géant français, qui n’a rien à voir avec ses intentions à l’égard de ses usines au Québec et en Ontario.
La multinationale, qui s’est hissée vendredi au deuxième rang dans le secteur du matériel roulant à l’échelle mondiale en bouclant la transaction, est claire : tous doivent se ranger derrière la marque Alstom. « Bombardier est une très belle marque, mais la société continue d’exister dans l’aviation et je ne peux pas proposer deux trains lorsqu’il y a un appel d’offres », a expliqué le président-directeur général d’Alstom, Henri Poupart-Lafarge, au cours d’une entrevue avec La Presse canadienne où il a réitéré l’intention de respecter les engagements de la société au Québec.
La prise de contrôle de Bombardier Transport permettra à Alstom de générer des revenus annuels estimés à 19 milliards $US, ce qui demeure toutefois loin du chiffre d’affaires de quelque 32 milliards du géant chinois CRRC — le numéro un dans l’industrie. Alstom absorbe 36 000 employés répartis dans 63 sites à travers le monde.
Bombardier, dont les activités sont désormais axées exclusivement sur les jets d’affaires, obtiendra finalement 3,6 milliards $US — ce qui tient compte d’une somme estimée à 600 millions $US en actions d’Alstom. En septembre, l’entreprise s’attendait à toucher 4 milliards et entre 4,2 milliards et 4,5 milliards il y a environ un an.
L’écart entourant le montant obtenu a été attribué à des flux de trésorerie moins élevés au quatrième trimestre chez Bombardier Transport ainsi qu’à des conditions de marchés qualifiées de défavorables par la compagnie québécoise. « Ces ajustements sont habituels dans ce type de transaction, a dit M. Poupart-Lafarge. L’année a été difficile pour tout le monde à cause de la pandémie de COVID-19. Ce n’est pas une surprise qu’il y ait des ajustements. »
Au cours des dernières années,Bombardier Transport a fait face à d’importants problèmes d’exécution, qui ont miné la performance de l’entreprise. M. Poupart-Lafarge n’a pas caché qu’il y avait du travail à faire, en soulignant que « partout, il y avait des contrats difficiles ».
La Pocatière dans les plans
Bombardier, qui utilisera le produit de la transaction pour réduire sa dette à long terme de 10,1 milliards $US — qui devrait éventuellement fléchir à environ 4,7 milliards — a l’intention de contester certains ajustements de la transaction avec Alstom. « C’était important pour nous de conclure la transaction, a dit un porte-parole de la société, Olivier Marcil. Il y a encore des points sur lesquels les parties ne s’entendent pas et il y a des mécanismes de prévus pour les régler. »
Outre l’implantation de son siège social nord-américain à Montréal — qui sera dirigé par un cadre d’Alstom actuellement à New York — l’entreprise française s’est dite bien consciente que beaucoup attendent de voir comment elle pourra amener du travail à l’usine de La Pocatière, dans le Bas-Saint-Laurent, qui est en panne de contrats. Des inquiétudes similaires ont été exprimées à Thunder Bay, en Ontario.
« Le marché local du Québec est porteur, a dit le patron d’Alstom, en évoquant notamment le projet de tramway à Québec. Chaque site dépend de sa capacité à avoir des contrats. Il y a des projets en cours. » Au pays, Bombardier Transport exploite six sites d’assemblage et d’ingénierie.
Invité à dire si l’usine de La Pocatière pourrait participer au contrat du Réseau express métropolitain (REM), dont les voitures sont construites en Inde, M. Poupart-Lafarge a répondu qu’il était « un peu tard » pour cette partie du contrat. En revanche, a-t-il ajouté, pour les phases subséquentes du projet, Alstom aura à sa disposition « un outil qu’elle n’avait pas » dans le passé.
À La Pocatière, le président syndical Claude Michaud, qui représente environ 270 travailleurs, n’a pas caché que certains avaient un pincement au cœur dans l’usine. « On change de chapitre, a-t-il dit, au bout du fil. Nous sommes optimistes. Les gens d’Alstom ont dit qu’il y avait unavenir à La Pocatière. »
La Caisse de dépôt et placement du Québec, qui détenait environ le tiers de Bombardier Transport, recevra 2,5 milliards $US. Le gestionnaire injectera cette somme dans Alstom et ajoutera 700 millions d’euros pour devenir son plus important actionnaire avec une participation d’environ 17,5 %.