Joe Biden révoque le permis accordé au projet Keystone XL

Des ouvriers de TC Energy installant une section du pipeline Keystone XL à Glasgow, dans le Montana, en avril dernier.
Photo: TC Energy via Associated Press Des ouvriers de TC Energy installant une section du pipeline Keystone XL à Glasgow, dans le Montana, en avril dernier.

À son premier jour en tant que 46e président des États-Unis, Joe Biden a officiellement annulé le permis accordé par son prédécesseur pour la construction du pipeline Keystone XL, de la multinationale TC Energy. Cette décision, qui risque fort de mettre un terme au projet de 8 milliards de dollars conçu pour faciliter l’exportation de pétrole des sables bitumineux, a suscité la déception du gouvernement Trudeau et la consternation des élus conservateurs canadiens.

La liste des décrets du nouveau président, publiée mercredi, confirme que M. Biden a décidé de tenir sa promesse de stopper le projet, après avoir qualifié le pétrole albertain de « très polluant » durant sa campagne présidentielle. Selon ce que précisent les documents publiés par la Maison-Blanche, ce pipeline de près de 2000 kilomètres n’est pas dans « l’intérêt national » des États-Unis.

Sans surprise, le gouvernement Trudeau s’est dit déçu de la décision du président américain. « Nous saluons l’engagement du président à lutter contre les changements climatiques, mais nous sommes déçus par sa décision à l’égard du projet Keystone XL. Nous reconnaissons toutefois la décision du président de tenir la promesse qu’il avait faite en campagne électorale », a fait valoir le premier ministre dans une déclaration écrite publiée en début de soirée.

Le chef conservateur, Erin O’Toole, s’est montré plus affirmatif en qualifiant la décision de Washington de « dévastatrice » pour les travailleurs du secteur pétrolier.

Se disant « déçu » de la réaction du gouvernement fédéral, le premier ministre albertain, Jason Kenney, a affirmé pour sa part que le nouveau président a rejeté Keystone XL sans prendre le temps de discuter de la pertinence du projet pour l’économie et la « sécurité énergétique ». Il a ajouté que, si Washington refuse de discuter d’une approbation, Ottawa doit envisager des « sanctions économiques » contre les États-Unis. Il n’écarte pas non plus une action en justice, au besoin.

Construction entamée

 

Avant même que Joe Biden n’annonce l’annulation du permis de construction du pipeline Keystone XL, la multinationale TC Energy avait décidé mercredi matin de stopper ce projet. Elle a ainsi fait valoir qu’elle suspendait tout le chantier de construction, qui était notamment entamé en Alberta depuis le printemps 2020.

La pétrolière, qui était autrefois connue sous le nom de TransCanada, a déploré la décision du nouveau président en soulignant que celle-ci provoquerait « des milliers » de pertes d’emplois, mais aussi des pertes de revenus pour les gouvernements canadiens et américains, en raison des investissements nécessaires pour construire ce pipeline de près de 2000 kilomètres.

Une fois en fonction, en 2023, il devait transporter chaque jour 830 000 barils de brut jusqu’au Texas, soit 300 millions de barils par année. Il devait s’ajouter au projet d’expansion du pipeline Trans Mountain et au remplacement de la « Ligne 3 » d’Enbridge, qui est lui aussi un pipeline d’exportation à destination des États-Unis. Ces deux pipelines, qui sont en cours de construction, permettront tout de même d’exporter plus de 600 millions de barils de pétrole albertain chaque année.

Le démarrage de la construction du pipeline en territoire albertain, qui était attendu depuis plusieurs années par l’industrie pétrolière, a été annoncé en mars dernier par TC Energy. Pour permettre la réalisation du projet, dans un contexte où l’industrie pétrolière traverse une crise majeure, le gouvernement de l’Alberta a décidé d’investir 1,5 milliard de dollars de fonds publics afin de commencer les travaux de construction sur certains tronçons. Le gouvernement de Jason Kenney avait promis de garantir une facilité de crédit de 6 milliards de dollars pour TC Energy, afin de permettre à la pétrolière de terminer les travaux et la mise en service.

Opposition

 

Malgré la volonté de l’industrie de construire ce pipeline, Keystone XL a fait face à une fronde continue depuis 2008 aux États-Unis. En plus des groupes environnementaux et des personnalités publiques qui ont pris position contre le projet, plusieurs actions en justice ont été lancées au fil des ans pour tenter de stopper les visées de TC Energy. En décembre dernier, pas moins de 12 procureurs généraux de 12 États ont aussi lancé une action d’opposition à la réalisation de Keystone XL.

Pour TC Energy, ce nouveau revers rappelle l’annulation du projet de pipeline Énergie Est, en 2017. Ce pipeline, qui devait notamment traverser le territoire québécois, avait soulevé ici une vive contestation de la part des écologistes, mais aussi de certains élus et de municipalités.

Pour plusieurs opposants, les projets de pipelines sont jugés comme un obstacle à l’atteinte des objectifs climatiques du Canada, dans un contexte où le gouvernement Trudeau a promis que le pays atteindrait la « carboneutralité » d’ici 2050.

Le secteur pétrolier et gazier au Canada est le premier émetteur au pays. Il a émis à lui seul 193 millions de tonnes de gaz à effet de serre en 2018. Les sables bitumineux constituent le poids lourd du bilan des émissions de gaz à effet de serre de l’industrie des énergies fossiles, qui est elle-même le poids lourd du bilan canadien. Entre 1990 et 2018, les émissions du secteur des sables bitumineux ont aussi augmenté de 456 %, selon les données fédérales, pour atteindre 84 millions de tonnes en 2018 (35 millions de voitures fonctionnant à l’essence).

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