Des mesures non désastreuses pour l’économie, selon Pierre Fitzgibbon

Une fermeture prolongée pour les commerces jugés non essentiels. Un couvre-feu qui en force d’autres à réduire leurs heures d’ouverture. Un petit effort demandé aux manufacturiers. Quel sera l’effet des nouvelles mesures sanitaires sur l’économie québécoise ? Nous avons demandé l’analyse du ministre de l’Économie et de l’Innovation du Québec, Pierre Fitzgibbon.
M. Fitzgibbon, comment vous sentez-vous ?
Je vais bien. On part l’année sur les chapeaux de roues, mais il faut être optimiste. Les vaccins s’en viennent. La nouvelle de mercredi n’est pas une grosse surprise. C’est négatif, bien sûr, mais on voit de l’autre côté du tunnel. Les gens comprennent qu’il reste trois mois difficiles, mais on devrait s’en sortir de la bonne façon.
Vous avez affirmé en septembre dernier que reconfiner l’économie comme au printemps serait un désastre. Est-ce que les mesures annoncées mercredi laissent entrevoir un désastre ?
Non. Je parlais de désastre économique s’il fallait refermer toutes les industries. En mars, on était pratiquement le seul gouvernement à avoir tout fermé, sauf exception pour les services essentiels. Si on avait dû refaire ça, on serait retourné à une autre réduction du PIB (produit intérieur brut) de 7 à 9 % avec un taux de chômage qui monte à 17 %. Présentement, le taux de chômage va peut-être augmenter un peu, des gens vont peut-être délester certains emplois, mais ce n’est pas un désastre. Dans les circonstances, c’est un bon environnement.
Pouvez-vous préciser les règles pour le secteur manufacturier et de la construction ?
On leur dit de se concentrer sur ce qui est prioritaire, de manière largement définie, et il y a une espèce d’autodiscipline qui va se mettre en place. Je crois beaucoup à ça, parce qu’il y a une pénurie d’emplois malgré tout, alors les employeurs sont soucieux d’avoir une relation saine avec leurs employés. Deuxièmement, la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST) fait un très bon travail pour mettre en place des mesures sanitaires rigoureuses, mesures qu’on va suivre encore de plus près. On laisse beaucoup de flexibilité aux entreprises manufacturières et de la construction, mais des éclosions, il n’y en a pas eu tant que ça. Je suis persuadé que le niveau d’activité dans ces entreprises va demeurer intéressant.
Avez-vous exercé une influence pour que les manufacturiers et les chantiers de construction restent ouverts ?
Il y a peut-être un peu d’influence, mais si la Santé publique avait dit qu’il y avait un risque trop grand d’éclosions, que le système hospitalier ne suffisait plus à la tâche et qu’il fallait fermer toute l’industrie, on l’aurait fait. La Santé publique a reconnu que le travail fait par les entrepreneurs en général est adéquat et que le risque de propagation n’est pas lié aux entreprises, mais plutôt aux enjeux sociaux, familiaux et ainsi de suite. Je n’ai donc pas eu à taper sur le clou tous les jours pour demander que l’économie reste ouverte.
De leur côté, beaucoup de commerces souffrent et estiment que les programmes d’aide actuels sont insuffisants. Allez-vous les bonifier ou en annoncer de nouveaux ?
Il faut être sensible aux près de 50 000 établissements — bars, restaurants, gyms, hôtels, coiffeurs — qui ont eu à fermer depuis octobre et qui le seront pour un autre mois. Mais il n’y aura pas de nouvelles mesures d’aide, parce qu’on pense que les programmes en place sont adéquats. Les entreprises peuvent faire des demandes d’emprunts grâce au programme Aide d’urgence aux petites et moyennes entreprises (PAUPME). À l’intérieur de ce programme, qui continue d’être disponible pour le mois de février, elles peuvent bénéficier d’un pardon de 15 000 $ par mois pour certains frais fixes. La question est : ce programme est-il suffisant ou non ? Ce qu’il faut faire, c’est surveiller sa complémentarité avec les programmes fédéraux de subvention salariale et d’aide au loyer. Si on pense que les trois programmes existants ne permettent pas la survie des établissements, on va bonifier notre programme.
Quelle est la conséquence de ce confinement prolongé sur la future relance économique ?
On travaille fort sur des programmes concernant les chantiers de relance que sont les sciences de la vie, l’aluminium, le transport électrique et la transformation numérique des entreprises. Ils sont en train d’être finalisés et je m’attends à ce que, dans le premier trimestre de 2021, on fasse de grosses annonces. L’aérospatial est un bon exemple. Les entreprises sont encore opérationnelles, sauf que le secteur va être mou pendant 12 à 24 mois. Le gouvernement aura donc des programmes de recherche appliquée pour les ingénieurs. Le fait qu’on prenne une pause pendant le confinement ne change pas l’échéancier.
Quel est votre message pour les citoyens inquiets de l’état de l’économie québécoise ?
La gestion de la relance, pour les citoyens et les entreprises, on l’a à cœur et on a des moyens financiers pour la faire. On veut réinvestir en éducation, en santé et en économie. On a la capacité de rembourser notre dette encourue à cause du déficit et des investissements. On n’est pas dans un mode d’austérité, pas dans un mode où on va taxer les gens davantage. Je suis certain que, à la fin de 2021 ou au début de 2022, on devrait avoir repris notre rythme de croisière.