​Resserrement de la fiscalité: quelles sources faut-il cibler d’abord?

«Avant d’aller chercher de l’argent avec l’impôt des sociétés, avant de dire ça, je crois qu’il faut aller chercher l’argent chez les milliardaires, chez les multinationales comme les GAFA [Google, Apple, Facebook, Amazon] et chez les fondations privées supposément charitables des milliardaires», dit en entrevue Mme Alepin, fondatrice de la conférence mondiale annuelle TaxCOOP.
Photo: Damien Meyer Agence France-Presse «Avant d’aller chercher de l’argent avec l’impôt des sociétés, avant de dire ça, je crois qu’il faut aller chercher l’argent chez les milliardaires, chez les multinationales comme les GAFA [Google, Apple, Facebook, Amazon] et chez les fondations privées supposément charitables des milliardaires», dit en entrevue Mme Alepin, fondatrice de la conférence mondiale annuelle TaxCOOP.

Avant de relever l’impôt des sociétés, une idée appuyée par les membres de Québec solidaire lors d’un conseil national en fin de semaine, on pourrait d’abord se tourner vers d’autres sources de richesse, car le Québec se trouve coincé dans une certaine « concurrence fiscale » pour le moment, estime Brigitte Alepin, comptable et experte en politiques fiscales de renom.

« Avant d’aller chercher de l’argent avec l’impôt des sociétés, avant de dire ça, je crois qu’il faut aller chercher l’argent chez les milliardaires, chez les multinationales comme les GAFA [Google, Apple, Facebook, Amazon] et chez les fondations privées supposément charitables des milliardaires », dit en entrevue Mme Alepin, fondatrice de la conférence mondiale annuelle TaxCOOP. Cela dit, elle est pour une hausse du taux d’imposition des grandes entreprises, ajoute-t-elle.

À elles seules, par exemple, les fondations canadiennes représentent une masse globale d’environ 60 milliards, mentionne Mme Alepin. Selon la loi, ces organisations, qui permettent une déduction fiscale pour leurs instigateurs, doivent verser un minimum de 3,5 % de leur actif par année, souligne-t-elle.

Avant d’aller chercher de l’argent avec l’impôt des sociétés, avant de dire ça, je crois qu’il  faut aller chercher l’argent chez les milliardaires, chez les multinationales comme les GAFA et chez les fondations privées supposément charitables des milliardaires

 

Réunis virtuellement samedi et dimanche, les membres de Québec solidaire ont voté pour un « bouclier anti-austérité », composé de trois piliers, pour renforcer les services publics et financer la relance économique. « Ces mesures seraient en vigueur tant et aussi longtemps que les finances publiques ne se seront pas remises de la crise sanitaire », a indiqué QS dans un communiqué, dimanche.

Les trois volets de QS

 

Le premier pilier serait un impôt progressif sur les grandes fortunes, qui générerait 5 milliards en nouveaux revenus, selon les estimations du parti. Le deuxième consisterait à augmenter le taux d’imposition des grandes sociétés à 17,4 %, avec une exemption sur les premiers 500 000 $ pour ménager les PME. Il se situe actuellement à 11,5 %. Cela entraînerait, dès 2020-2021, des revenus fiscaux de 3,4 milliards. Le troisième : une hausse de 30 % du prix du carbone pour les grands émetteurs industriels, qui générerait 213 millions sur deux ans.

Le Québec se dirige vers un déficit de 15 milliards cette année, a prévenu le gouvernement Legault. Le retour à l’équilibre est prévu sur cinq ans.

Il serait difficile pour le Québec d’avancer seul dans un relèvement du taux d’imposition des grandes sociétés, dit Mme Alepin. Il faudrait cependant surveiller ce qui se trame chez nos voisins du sud : le volet fiscal de la plateforme du président désigné des États-Unis, Joe Biden, prévoit une augmentation de 21 % à 28 % du taux réservé aux entreprises. De plus, le plan évoque un taux d’imposition de 21 % sur les profits réalisés par des entreprises américaines à l’extérieur du pays, le double de ce qu’il est actuellement.

Lorsqu’on tient compte de l’impôt de 15 % prévu par le gouvernement fédéral à l’égard des entreprises, le taux général combiné pour une société québécoise est de 26,5 %.

« Si ça fonctionne [aux États-Unis], ça peut être une occasion pour le Québec et le Canada de voir comment ils peuvent ajuster les choses », dit Mme Alepin.

« C’est comme si les États-Unis faisaient un pied de nez à la concurrence fiscale internationale. […] Si les États-Unis réussissent à passer ça au Congrès, et que ça passe vraiment, ça va donner de la latitude à plusieurs pays, même le Canada, y compris les provinces, de voir comment ils peuvent jouer avec le taux d’impôt des sociétés. »

De manière plus large, l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) travaille depuis des années sur une réforme fiscale internationale afin de renforcer le financement des services publics dans un contexte où des multinationales déploient un modèle d’affaires numérisé qui échappe aux frontières. En marche depuis des années, le projet vise à solidifier la base d’imposition des États tout en se penchant sur les transferts de bénéfices, une tactique consistant à transférer des profits vers des pays offrant un environnement fiscal nettement plus accommodant.

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