À bas les bas salaires dans le secteur public

Gabrielle Tremblay-Baillargeon Collaboration spéciale
Dans les plus  bas salaires  du secteur public, on trouve notamment  les préposés  aux bénéficiaires.
Adil Boukind Le Devoir Dans les plus bas salaires du secteur public, on trouve notamment les préposés aux bénéficiaires.

Les négociations sur les conventions collectives du secteur public ont repris entre différentes associations syndicales et les instances gouvernementales. Les deux parties cherchent à conclure des ententes qui seront valides pour une période de trois ans. La Confédération des syndicats nationaux (CSN) insiste, quant à elle, sur les conditions de travail et les questions salariales, qui sont au coeur des discussions.

La CSN, qui représente environ 150 000 travailleurs et travailleuses du secteur, souhaite apporter des solutions pérennes au réseau public pour régler les épineux problèmes d’attraction et de rétention en santé et en éducation. Des nœuds qui, selon Jacques Létourneau, président de la CSN, ne datent pas d’hier. « Ça faisait des années qu’on répétait à satiété que les réseaux étaient sur le point d’imploser », affirme-t-il.

À son avis, il suffit de lorgner du côté du régime d’austérité et des compressions budgétaires mises en place par le dernier gouvernement libéral pour comprendre comment on en est arrivés là. « Avec le préjugé que tu peux couper dans le secteur public parce qu’il y a du gras, on n’a pas juste touché à l’os, on a vraiment pogné le système nerveux ! » ajoute M. Létourneau. Celui qui qualifie de « catastrophe » la somme toute controversée réforme de l’ex-ministre Barrette dénonce également les refontes des structures administratives qui, dit-il, ont pesé lourd sur les conditions de travail déjà difficiles des travailleurs du milieu de la santé.

Évidemment, la pandémie n’a pas enjolivé les choses. Depuis mars, la rétention et l’attraction du personnel dans le réseau public se sont détériorées, et les chiffres parlent : augmentation des absences de maladie (25 % du personnel de la santé aurait été infecté par la COVID-19), hausse des démissions chez les infirmières, ratio patients/infirmière anormalement élevé en CHSLD… « Le problème est entier : il n’est pas syndical, il est sociétal et gouvernemental. Le premier qui doit agir là-dedans, c’est l’État, qui finance et qui est employeur. Il va falloir qu’il donne un sérieux coup de barre parce que les gens ne resteront pas, ils vont migrer dans d’autres secteurs après la crise », résume Jacques Létourneau.

Frapper un mur

 

À quoi s’attendre, donc, pour les négociations ? Cette fois, la CSN a fait le choix de s’attaquer au problème des bas salariés, c’est-à-dire les préposés aux bénéficiaires ou à l’entretien ménager, les secrétaires d’école, les employés des services de garde, etc. Au printemps dernier, souligne M. Létourneau, ces dernières — puisque ce sont majoritairement des femmes — n’ont reçu aucune prime pour leur travail, et ce, même si elles devaient s’occuper des enfants des travailleurs essentiels et, par la bande, augmenter leur facteur d’exposition au virus.

Avec le préjugé que tu peux couper dans le secteur public parce qu’il y a du gras, on n’a pas juste touché à l’os, on a vraiment pogné le système nerveux !

 

« La négociation dans le secteur public doit envoyer un signal fort qu’on va remettre la maison sur ses deux jambes. Ce qu’on souhaite, c’est un règlement salarial satisfaisant, et le statu quo ne le sera pas », martèle M. Létourneau. Au moment où ces lignes étaient écrites, l’offre salariale sur la table était jugée « totalement insuffisante » pour les membres de la CSN. Le gouvernement, lui, propose la même augmentation depuis un an et ne semble pas vouloir délier davantage les cordons de la bourse. La situation économique de la province a vécu énormément de remous depuis le début de la pandémie, entraînant avec elle un déficit assez élevé qui risque de laisser des séquelles dans le système plusieurs années durant. Malgré tout, la CSN croit que la situation ne doit pas constituer un argument en la défaveur de ses revendications.

« La relance économique sans des services publics en santé, ça ne sera pas possible. Il faut investir massivement dans les secteurs publics, sinon le problème deviendra celui de toute la société québécoise », résume M. Létourneau. Pour arriver à ses fins, la CSN espère d’abord pouvoir s’entendre avec le gouvernement, quitte à utiliser des moyens de pression fermes — sans toutefois mettre ladite pression sur le système ou ses usagers, souligne M. Létourneau. Son objectif d’ici à ce que les ententes soient signées, poursuit-il, c’est de convaincre le gouvernement et l’opinion publique que les revendications salariales des syndicats sont nécessaires.

Heureusement pour la CSN, la population semble derrière les travailleurs essentiels depuis mars dernier, ce qui, le président ne s’en cache pas, devrait leur donner un petit coup de pouce. La CSN ne croit pas à un règlement à court terme de la situation dans le secteur, mais espère pouvoir soumettre à ses membres des pistes de solution le plus rapidement possible. « Au final, ce sont eux qui vont décider », conclut-il.

Ce contenu spécial a été produit par l’équipe des publications spéciales du Devoir, relevant du marketing. La rédaction du Devoir n’y a pas pris part.

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