Le marché du carbone sous la loupe

« La bourse du carbone est un outil extraordinaire », a affirmé le premier ministre François Legault en conférence de presse lundi matin, lors de la présentation du Plan pour une économie verte (PEV). Pourtant, il existe un manque de transparence quant aux transactions effectuées sur ce marché entre le Québec et la Californie, déplore Annie Chaloux, professeure adjointe à l’École de politique appliquée de l’Université de Sherbrooke. La spécialiste des politiques environnementales et climatiques explique le fonctionnement de ce système, souvent mal compris, en entrevue avec Le Devoir.
En 2013, le Québec a mis sur piedun marché du carbone, que la Californie a rejoint en 2014. En quoi cela consiste-t-il ?
Depuis son implantation, le système de plafonnement et d’échange de droits d’émission (SPEDE), aussi appelé marché du carbone, a été le principal outil de réduction des émissions de gaz à effets de serre au Québec. Le principe ? Instaurer un plafond aux émissions de gaz à effets de serre pour les grands émetteurs afin de réduire la pollution. Ainsi au Québec, toute entreprise qui émet plus de 25 000 tonnes de GES par année est assujettie au marché du carbone, qui couvre environ 80 % des émissions sur notre territoire.
En fixant un plafond, cela fait en sorte que les entreprises disposent d’une certaine quantité d’émissions qu’elles peuvent émettre. Si les entreprises dépassent cette limite qui leur est imposée, elles doivent soit acheter des « crédits carbone », soit réduire leurs émissions.
Comment le prix d’un crédit carbone est-il déterminé sur ce marché ? Est-il amené à augmenter au fil des ans ?
Mardi, le prix d’un crédit sur le marché du carbone sera réévalué lors d’une vente aux enchères, qui se déroule quatre fois par an. Lors de la dernière vente, qui a eu lieu le 18 août dernier, le prix a été fixé à environ 22 $CA par tonne. Année après année, le marché est appelé à réduire la quantité d’émissions qui est disponible, exerçant ainsi une pression à la baisse sur l’offre qui fait monter le prix des crédits. Les sommes qui sont perçues lors de la vente aux enchères servent ensuite à financer les programmes visant la réduction des émissions de GES et l’adaptation aux changements climatiques au Québec.
Connaît-on le détail des transactions entre le Québec et la Californie ?
Depuis des années, le gouvernement publie le sommaire des transactions qui ont été faites entre la Californie et le Québec, mais sans divulguer le détail concernant la provenance des émissions — ce qui pose un problème dans le calcul de l’inventaire des émissions de GES au Québec. Actuellement, c’est très compliqué de savoir combien le Québec a acheté ou vendu de crédits d’émissions au total sur le marché du carbone.
Certes, les entreprises se conforment aux exigences du marché, il n’y a pas de doute là-dessus. Toutefois, ce qui est problématique, c’est que le gouvernement nous dit qu’on va continuer de se fier à ce marché du carbone pour réduire nos émissions et atteindre les objectifs de 2030 alors qu’il ne fait pas preuve de transparence. Il faut des informations claires sur le détail des transactions réalisées, c’est-à-dire sur le total des émissions qui ont été achetées et vendues en Californie, ainsi qu’au Québec.
Le gouvernement dispose de ces informations. Il doit les rendre publiques afin que l’on sache exactement où on se situe sur le plan de la réduction de nos émissions de GES et des efforts fournis par nos entreprises.