Ottawa a emprunté 300 milliards en trois mois

Selon des données publiées mardi, les sommes d’argent qu’Ottawa est allé chercher sur les marchés financiers ont été cinq fois supérieures à celles du quatrième trimestre de 2008 (55,8 milliards).
Sean Kilpatrick La Presse canadienne Selon des données publiées mardi, les sommes d’argent qu’Ottawa est allé chercher sur les marchés financiers ont été cinq fois supérieures à celles du quatrième trimestre de 2008 (55,8 milliards).

Forcé de venir en aide rapidement aux citoyens et aux entreprises touchés par la pandémie, le gouvernement fédéral a emprunté plus de 302 milliards sur les marchés au cours du deuxième trimestre, un montant jamais vu qui reflète toute l’ampleur des besoins occasionnés par la crise.

Selon les données publiées mardi par Statistique Canada, les sommes d’argent qu’Ottawa est allé chercher sur les marchés financiers ont été cinq fois supérieures à celles du quatrième trimestre de 2008 (55,8 milliards), alors que la planète combattait une crise essentiellement financière.

« C’est vraiment le reflet des efforts déployés par les gouvernements pour lutter contre les effets négatifs de la fermeture décrétée par ces mêmes gouvernements », a dit en entrevue l’économiste en chef de la Banque Nationale, Stéfane Marion.

En temps normal, ce genre d’opération sur les marchés aurait dû entraîner une hausse des taux, mais cela n’a pas eu lieu, car la Banque du Canada est devenue un acteur important du financement fédéral dans son rôle accru d’acheteuse de dette. « Et jusqu’à maintenant, on a quand même des étrangers qui ont acheté beaucoup de la dette canadienne au deuxième trimestre, un record de tous les temps », a dit M. Marion.

Ce rôle de la Banque du Canada, dont le bilan a considérablement augmenté compte tenu des actifs financiers qu’elle a acquis, a fait couler de l’encre cet été. Cette hausse « se résorbera à mesure que les conditions reviendront graduellement à la normale », a prévenu en mai le gouverneur de l’époque, Stephen Poloz. « À l’occasion d’une conférence de presse, on m’a demandé si notre réaction n’était pas un peu exagérée. Ma réponse a été la suivante : personne n’a jamais accusé les pompiers d’utiliser trop d’eau. »

Cela dit, estime M. Marion, Ottawa devra quand même envoyer un signal aux investisseurs concernant l’avenir de ses finances publiques, désormais marquées par un déficit astronomique, afin de laisser entrevoir une certaine forme de discipline. Cela, a-t-il dit, viserait à « s’assurer du maintien de l’intérêt des acheteurs étrangers » et permettrait de « revenir à un point d’ancrage pour les finances publiques », par exemple un ratio mesurant la dette nette au produit intérieur brut. « On ne peut pas abandonner ces points d’ancrage, car nous sommes très dépendants encore du financement auprès des fonds étrangers. »

Ministre des Finances jusqu’à tout récemment, Bill Morneau a dit cet été que le déficit fédéral atteindra 343 milliards en 2020-2021, en bonne partie à cause de l’aide de plus de 200 milliards que le gouvernement a déployée pour combattre les effets de la pandémie sur la population et l’économie. De cette somme, 73 milliards s’expliquent par la création de la Prestation canadienne d’urgence (PCU) alors que la subvention salariale, mise sur pied pour inciter les entreprises à maintenir leur personnel en place, coûterait 82 milliards.

En marge des emprunts faits par Ottawa, le secteur financier a effectué des emprunts totalisant 128,6 milliards, a indiqué Statistique Canada mardi. Les banques ont surtout émis des obligations de deux à cinq ans, en dollars canadiens. Il s’agit là d’une réaction « aux mesures prises par la Banque du Canada afin de soutenir le système financier et d’améliorer les conditions de liquidité générale du marché pendant la pandémie de COVID-19 », a souligné l’agence.

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