La popularité du télétravail croît avec l’usage

Le succès du télétravail n’apparaît toutefois pas égal partout.
Photo: Olivier Douliery Agence France-Presse Le succès du télétravail n’apparaît toutefois pas égal partout.

Loin de s’en lasser, les Québécois prennent de plus en plus goût au télétravail dans lequel les a précipités la pandémie de coronavirus, selon une étude.

Le premier volet d’une enquête d’opinion réalisée auprès de Québécois faisant l’expérience du télétravail constatait, à la mi-avril, que près de 40 % d’entre eux disaient « plutôt » ou « tout à fait » préférer continuer le télétravail après la crise de la COVID-19 si on leur en donnait le choix. Un mois plus tard, cette proportion était passée à environ 60 %, alors qu’à la mi-juillet, elle approchait 75 %.

Peut-être plus frappant encore, les répondants disant « tout à fait » souhaiter ne pas retourner au bureau si on leur en laissait le choix sont passés d’une proportion de 17 %, en avril, à 35 %, en mai, puis à presque la moitié des répondants (47 %), le mois dernier.

« On ne s’attendait pas du tout à cela. On aurait pu croire, au contraire, que des gens se lasseraient avec le temps », admet volontiers l’une des auteures de l’enquête et professeure à l’École de relations industrielles de l’Université de Montréal, Tania Saba. « Cela fait des années que les experts, comme moi, annonçaient un développement du télétravail qui n’arrivait jamais vraiment. La pandémie a ouvert une période extraordinaire d’expérimentation. Et ce qui semble en ressortir, c’est qu’on s’y adapte et s’y attache de plus en plus. »

47%
C’est la part des répondants disant le mois dernier «tout à fait» souhaiter ne pas retourner au bureau si on leur en laissait le choix. Cette part était d’abord de 17%, en avril, puis est passée à 35%, en mai.

Des problèmes connus

 

Cette popularité du télétravail ne fait pas disparaître les défis et problèmes qu’on lui associait auparavant, notamment en ce qui concerne les risques d’isolement social et professionnel, les nouvelles sources de stress, le bouleversement de l’organisation du travail dans l’entreprise, les limites des outils technologiques disponibles ou encore la façon d’assurer un bon environnement de travail à la maison, explique Tania Saba. Elle vient, plutôt, en dépit de ces problèmes souvent bien réels, parce que certaines solutions ont pu être trouvées ou que les avantages du télétravail sont perçus comme plus grands encore que ses difficultés.

La pandémie a ouvert une période extraordinaire d’expérimentation. Et ce qui semble en ressortir, c’est qu’on s’y adapte et s’y attache de plus en plus.

 

L’enquête, réalisée conjointement avec d’autres centres de recherche dans une poignée de pays, dont la France et les États-Unis, est toujours en cours et en est à près de 20 000 répondants, dont la grande majorité du Québec. « On est victimes de notre succès. Les gens ont très envie de parler de leur expérience de télétravail », confie Tania Saba.

Le succès du télétravail n’apparaît toutefois pas égal partout. L’expérience semble mieux se passer dans la fonction publique et les grandes entreprises privées que dans les PME où les employés sont amenés à accomplir une plus grande diversité de tâches. Déjà principalement le fait de cols blancs plus scolarisés que la moyenne, le télétravail semble mieux aller aux travailleurs déjà établis disposant d’une certaine autonomie dans l’accomplissement de leurs tâches, contrairement aux plus jeunes et aux très scolarisés qui craignent que la distance nuise à leur apprentissage du métier ou à leur chance de se faire valoir et de gravir les échelons.

On ne détecte pas de différence importante entre les femmes et les hommes, note Tania Saba. Ce n’est pas que la réalité des unes et des autres soit la même à la maison, notamment en matière de garde des enfants et de tâches ménagères, mais le télétravail semble malgré tout être la meilleure option dans un grand nombre de cas.

Le début d’une nouvelle ère ?

Fait remarquable, cette satisfaction à l’égard du télétravail vient alors même qu’il se traduit, selon les répondants, par une augmentation du volume de travail et qu’il force leurs entreprises à toutes sortes d’innovations. « C’est la première fois de ma carrière que je vois autant de gens contents de pouvoir abattre plus d’ouvrage », remarque l’experte. L’affaire apparaît d’ailleurs tellement entendue, pour ces derniers, « qu’ils ne comprennent pas pourquoi il faudrait qu’ils reviennent dans des bureaux après la pandémie, même seulement quelques jours par semaine ».

La suite des événements dira si l’extraordinaire période d’expérimentation des derniers mois aura forcé l’entrée dans une ère du télétravail ou seulement à des adaptations à la marge, explique Tania Saba. « Si l’on se contente d’horaires plus souples qui permettent un ou deux jours de travail à la maison par semaine, ça ne changera pas fondamentalement le fonctionnement des entreprises. Pour véritablement passer au télétravail et s’attaquer sérieusement aux problèmes d’isolement, de droit du travail ou de partage équitable des coûts du travail effectué à la maison, il faut accepter de s’engager à fond et de revoir l’ensemble des façons de faire. »

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