L’effet dissuasif de la PCU se révèle plus grand qu’il n’y paraît

L’aide financière d’urgence offerte aux travailleurs a un effet dissuasif sur le retour au travail des jeunes et des femmes plus fort qu’il n’y paraît, selon une étude. La Prestation canadienne d’urgence (PCU) offerte actuellement par Ottawa compense presque totalement, et parfois plus encore, le salaire moyen des travailleurs à temps plein des secteurs les plus touchés par la pandémie de coronavirus et les politiques de confinement des gouvernements, constate la Banque Nationale dans une analyse dévoilée vendredi. Le taux de remplacement se révèle encore plus élevé pour les travailleurs à temps partiel, à raison de prestations moyennes équivalentes à une fois et demie la moyenne des salaires dans l’ensemble des secteurs de l’économie et au double pour les secteurs les plus touchés par la crise.
Ainsi, les près de 500 $ par semaine (2000 $ par mois) offerts par la PCU équivalent à la moitié (49 %) du salaire hebdomadaire moyen de l’ensemble des industries au Canada, mais aux quatre cinquièmes des salaires versés dans les secteurs particulièrement touchés par la crise du commerce de détail (81 %) et des arts, spectacles et loisirs (80 %). Ce taux de remplacement atteint même 119 % dans les services d’hébergement et de restauration qui ont aussi été frappés de plein fouet. Dans ce dernier cas, on peut « penser qu’un travailleur au revenu moyen de ce secteur pourrait avoir intérêt à rester au chômage jusqu’à la fin du programme », notent les auteurs de l’étude.
Cet effet dissuasif sur le retour au travail est susceptible d’être encore plus prononcé pour les travailleurs à temps partiel pour qui la PCU équivaut à 142 % du salaire moyen dans l’ensemble des industries, mais au double de ce qu’on touche dans le secteur de l’agriculture (190 %), de l’information, de la culture et des loisirs (193 %), du commerce de détail (194 %) et des services d’hébergement et de restauration (197 %).
Ce facteur est important, parce que la proportion de travailleurs à temps partiel dans les secteurs du commerce de détail (28 %), de l’information, de la culture et des loisirs (29 %) et de l’hébergement et de la restauration (43 %) se révèle justement plus élevée que la moyenne des industries canadiennes (19 %).
Les jeunes et les femmes
Les jeunes, les femmes et, dans une moindre mesure, les personnes plus âgées apparaissent plus exposés que les autres à ce phénomène, poursuit la Banque Nationale. En effet, la moitié (49 %) des travailleurs de 15 à 24 ans occupent un emploi à temps partiel, alors que la proportion est deux fois plus élevée pour l’ensemble des femmes (26 %) que pour les hommes (13 %) et qu’elle est aussi du double pour les travailleurs âgés de 55 à 69 ans (20 %) comparativement à ceux âgés de 25 à 54 ans (11 %).
Ces données apporteront de nouveaux arguments aux entreprises, politiciens et experts qui reprochent à la PCU de freiner le retour au travail des Canadiens alors que le déconfinement de l’économie est en cours.
Dans son analyse, la Banque Nationale ne remet pas en cause la nécessité, durant la crise, de mettre en place une telle aide d’urgence. Elle admet également que si le chômage des jeunes et des femmes est encore aussi élevé par rapport à celui des autres travailleurs, c’est probablement parce que les uns étaient surreprésentés dans les secteurs économiques les plus touchés et que les autres ont, en plus, sûrement assumé plus que leur part des effets de la fermeture des écoles et des services de garde.
Comme la PCU dans sa forme actuelle doit s’arrêter à la fin du mois d’août et qu’il est question, à Ottawa, qu’elle soit suivie d’une autre version plus ciblée, les prochains mois permettront peut-être d’y voir plus clair sur l’effet réellement dissuasif qu’elle a pu avoir sur le retour au travail de ses prestataires.