L’emploi, ce grand inconnu

La pandémie a emporté son lot d’emplois que la fin des mesures de confinement parviendra difficilement à récupérer.
L’OCDE calculait récemment que le taux de chômage au Canada, autour de 11 % au deuxième trimestre, se situait largement au-dessus du précédent pic de 8,7 % du troisième trimestre 2009. « Bien qu’une diminution rapide soit attendue avec la fin des mesures de confinement, les projections demeurent de 7,7 % d’ici fin 2021 dans le scénario à une seule vague, de 8,4 % dans le scénario à deux vagues pandémiques en 2020. » Il se chiffrait à 5,6 % en février.
Dans l’édition de juin du « Livre bleu » de BMO Groupe financier, publié mercredi, l’économiste en chef Douglas Porter mettait aussi en relief la difficile récupération. Malgré les données favorables de juin, le taux de chômage demeure dans les deux chiffres des deux côtés de la frontière et se situe environ à sept points de pourcentage plus haut qu’il y a un an. Au Canada, il devrait se chiffrer autour de 7 % à la fin de 2021, soit quelque deux points de pourcentage plus élevé qu’au creux pré-pandémie, a-t-il souligné.
Ainsi, pour nombre de travailleurs touchés, la perte d’emploi causée par le coronavirus n’est pas que temporaire. Ce qui représente autant d’incertitude pour tous les secteurs, mais davantage pour ceux, cycliques, dépendant du revenu discrétionnaire des consommateurs et des ménages. Ces derniers sont peu syndiqués, avec une présence dominante de PME, abritant son lot de travailleurs vulnérables ou à temps partiel. Des secteurs pouvant difficilement cohabiter avec la distanciation, voire avec le télétravail, a répété Oxford Economics. La firme de recherches a déjà donné l’exemple des industries de la construction, de l’agriculture, du transport, du commerce de détail ou encore de l’hébergement-restauration, où moins de 20 % des travailleurs peuvent s’en remettre au télétravail.
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Dans son édition d’été 2020 de l’Enquête sur les perspectives des entreprises, la Banque du Canada soulignait que plus de la moitié des répondants ayant récemment procédé à des mises à pied parlent ne rouvrir que certains des postes concernés. Mais bon nombre n’envisagent pas d’augmenter leurs effectifs sur 12 mois, souvent du fait qu’ils redoutent de faibles ventes.
« Selon notre scénario de base, environ les deux tiers des Canadiens sans emploi vont recevoir un rappel de leur employeur avant la fin de 2020 », a avancé Sébastien Lavoie, économiste en chef chez Valeurs mobilières Banque Laurentienne.
Lente récupération
De février à avril, 5,5 millions de travailleurs canadiens ont été touchés. Ce nombre comprend une perte de 3 millions d’emplois ainsi qu’une augmentation de 2,5 millions des absences du travail associées à la pandémie, pouvait-on lire dans la dernière édition de l’Enquête sur la population active de Statistique Canada.
Les données du 14 au 20 juin ont permis de démontrer une récupération importante mais partielle. Le nombre de travailleurs touchés a été ramené à 3,1 millions comprenant quelque 2,5 millions de Canadiens au chômage, soit un niveau plus de deux fois supérieur à celui de 1,1 million mesuré en février. Le niveau de l’emploi en juin était de 9,2 % en deçà de celui observé en février à l’échelle canadienne, de 7,8 % à l’échelle québécoise.
Évidemment le taux de chômage ne dit pas tout. Côté revenu, les travailleurs ont vu leur compensation totale chuter de 23 %, en moyenne, entre février et avril, un écart qui sera difficile à rattraper, ajoutait Sébastien Lavoie. Pas étonnant qu’un peu plus de 18 % des ménages disaient le mois dernier avoir manqué ou reporté un paiement de loyer ou un versement sur hypothèque, prêt ou carte de crédit en raison de la COVID-19.
Et Statistique Canada de renchérir : en juin, 28,3 % des Canadiens âgés de 15 à 69 ans ont déclaré avoir reçu une forme quelconque d’aide fédérale au revenu depuis le 15 mars. Malgré la reprise de l’emploi et cette aide, la proportion de Canadiens vivant au sein de ménages déclarant avoir de la difficulté à répondre à leurs besoins financiers fondamentaux, comme payer le loyer ou l’hypothèque, les services publics et l’épicerie se situait à 20,1 %.